Solidarité avec les étudiants québécois !
Non à la hausse des frais universitaires !
Abrogation de la « loi spéciale » 78 !
Depuis la mi-février, les étudiants du Québec combattent pour empêcher la hausse des droits d’inscription universitaires : un combat remarquable par sa ténacité et son ampleur. En quatre mois de combat, plus de 230 manifestations se sont déroulées, et sont parfois d’une ampleur exceptionnelle, comme ce fut le cas le 22 mars et le 22 avril : ce jour là, il y eut entre 200 000 et 300 000 manifestants, étudiants mais aussi salariés et parents. La revendication est soutenue par une large partie de la population, avec les syndicats.
Le gouvernement a d’abord tenté de manœuvrer, proposant que l’augmentation de 75% prévue sur 5 ans soit étalée sur 7 ans (mais avec une hausse de 82%). Puis il a décidé de recourir à la répression.
Dessin : site de campagne de l’ASSÉ
Incapable de briser la mobilisation, le gouvernement de Jean Charest et son Parti libéral redoutent en outre que cette mobilisation ne s’étende aux travailleurs du public et du privé. Il a donc fait voter au parlement provincial, « démocratiquement », une loi d’exception qui remet en cause le droit de manifester, et qui menace l’existence des syndicats étudiants : nul ne peut manifester sans accord préalable de la police, les manifestations à moins de 50 mètres de locaux scolaires sont interdites, ce qui empêche les piquets de grève, et de lourdes amendes sont prévues contre les personnes et les organisations qui bafoueraient la loi , jusqu’à 125 000 dollars pour un syndicat.
Cette loi 78 a été votée le 18 mai par 68 députés, 48 députés votant contre, dont ceux du parti québécois (parti nationaliste bourgeois). Après le vote de la loi « matraque », la dirigeante de ce même parti a évoqué « un des jours les plus sombres pour la démocratie québécoise », mais elle a appelé… à respecter la loi. Les étudiants et les salariés ont, quant à eux, décidé de ne pas respecter cette loi.
Dès la loi votée, des manifestations spontanées ont lieu, les arrestations se comptent par centaines. La CLASSE, le syndicat étudiant le plus actif, a annoncé qu’elle continuerait à manifester librement. Le 22 mai, dans la plus parfaite illégalité, des dizaines de milliers d’étudiants ont manifesté contre la loi.
Ce jour là, le gouvernement dut contenir sa police, qui se déchaîna les jours suivants : plus de 700 arrestations, fouilles et fichages furent opérés. Les manifestations se poursuivent à ce jour.
Quasi partout dans le monde, l’offensive est générale pour en finir avec la gratuité des études et privatiser l’enseignement, à commencer par le supérieur. En Amérique du nord, il ne restait guère que le Québec qui « retardait » dans la mise en œuvre de cette politique. Le projet du gouvernement Charest marque une étape pour combler ce « retard ».
À la base de cette offensive, il y a la crise du capitalisme, dont la survie implique de liquider les unes après les autres toutes les concessions que la bourgeoisie avait été contrainte de faire antérieurement. En transférant aux familles et aux étudiants une part sans cesse croissante du coût des études, les gouvernements réalisent une opération qui équivaut à une baisse de salaire, à une baisse de la valeur de la force de travail : c’est l’un des nombreux moyens pour préserver (et améliorer) le taux de profit, la recherche du profit étant le seul moteur de l’activité du capitalisme.
Nombreux sont ceux qui s’étonnent qu’une loi aussi « liberticide » que la loi 78 puisse être votée dans un État considéré comme « démocratique ». Mais ce que révèle une nouvelle fois cette affaire, c’est que la « démocratie bourgeoise », quand la défense du capitalisme l’exige, ne s’encombre de nul scrupule pour remettre en cause les droits qualifiés de démocratiques, en particulier ceux qui sont nécessaires au combat des travailleurs et qui ont été souvent arrachés de haute lutte : droits de grève et de manifestation, droits de s’organiser en syndicats, partis et associations, liberté d’expression sous toutes ses formes.
De premières discussions eurent lieu le 4 mai, durant plus de 20 heures, entre le gouvernement et les quatre regroupements d’associations étudiantes. Ces représentants étudiants, certains - peut être - par inexpérience, d’autres par leur propension à rechercher un compromis, se firent complètement manœuvrer par le gouvernement. Celui-ci obtint une « entente » de principe qui préservait la hausse des droits. Le désaveu fut immédiat : l’ « entente » fut massivement rejetée par l’ensemble des étudiants parce qu’il n’y avait, en réalité, rien à négocier : ce que voulaient les étudiants, c’était l’annulation pure et simple de la hausse et la suppression de la loi matraque.
Les discussions reprirent néanmoins le 28 mai. Elles durèrent quatre jours. Cette fois-ci, en dépit des pressions, les représentants étudiants furent plus prudents, bien que une partie d’entre eux recherchait le compromis. Ils constatèrent que le gouvernement ne reculait quasi en rien, et soumirent à l’ensemble des étudiants les « offres » gouvernementales. Ce fut de nouveau un rejet total de la part des étudiants.
Si cette mobilisation a comme point de départ une revendication étudiante, et s’est élargie au combat contre la loi 78, elle a obtenu le soutien des travailleurs qui comprennent bien qu’une hausse des droits scolaires rend plus difficile encore pour leurs enfants toute poursuite d’études. Et les étudiants comme les travailleurs mesurent parfaitement que la politique du gouvernement forme un tout. C’est ainsi, en particulier, que la mobilisation étudiante s’est liée au combat général contre la « tarification » des services publics (qui est « une adaptation au service public des lois du marché » : chaque « service », y compris la fourniture d’un document, doit être payé par l’usager, non par l’État). Et le combat contre la hausse des droits universitaires cristallise la volonté générale de combat contre le gouvernement et sa politique. En pointillé, cela pose la question du combat contre le capitalisme lui-même. Dans l’immédiat, cela pose la question du combat contre ce gouvernement, et pour le chasser.
Certes, les travailleurs et la jeunesse, au Québec, au Canada comme ailleurs, auront bien des obstacles à surmonter, bien des étapes à franchir, dans le combat pour en finir avec le capitalisme. Mais comme aux États-Unis (avec la mobilisation au Wisconsin ou le mouvement Occupy), après une longue période de repli des mobilisations, c’est une nouvelle génération qui engage le combat et qui est en train de se former dans la lutte contre la bourgeoisie et ses serviteurs.
(Tract du 9 juin 2012)