Combattre pour le retrait de la réforme Macron, ou dialoguer avec ce gouvernement, il faut choisir
Depuis le 5 décembre, grévistes et manifestants exigent le retrait pur et simple du projet de retraites à points.
Les confédérations syndicales CGT, FO et Solidaires ont fait leur cette exigence de retrait du projet, de même que la FSU.
C’est une exigence doublement légitime : financièrement, car ce système à points se traduira par une baisse générale des retraites ; et politiquement, car le système « universel » implique la destruction d’un élément majeur de la solidarité ouvrière qui fonde la sécurité sociale.
Des concertations pour faire accepter le cadre de la réforme à points
Pour faire accepter cette réforme, le gouvernement joue la carte de la concertation : il propose aux syndicats de discuter de quelques aménagements marginaux de sa réforme, à condition d’accepter le cadre de cette réforme.
Ainsi en est-il pour ce qui concerne la pénibilité.
Ainsi en est-il pour ce qui concerne des aménagements catégoriels, comme les pilotes et personnels volants du transport aérien qui ont obtenu quelques garanties… à condition que ce soit inscrit dans le système à points.
Or, discuter sur la base d’un système par points, c’est accepter la baisse programmée des retraites – et la poursuite de la destruction de la sécurité sociale, du statut des fonctionnaires…
Pour les enseignants, la double peine
En tant que fonctionnaires d’État, les enseignants sont touchés de plein fouet par le projet qui leur fera perdre 30% de leur pension. Sous couvert de « compenser » cette perte, Blanquer et le gouvernement annoncent des augmentations de salaire… mais ils ne proposent aujourd’hui qu’une quarantaine d’euros en moyenne par mois alors qu’il faudrait 1500 euros.
Pire : cette soi-disant compensation est soumise à la remise en cause du statut des enseignants, avec entre autres, des revalorisations « selon le mérite », sous forme de primes différentes selon les enseignants, et en imposant de nouvelles tâches, etc. Un salaire et des tâches à géométrie variable pour mettre fin au Code des pensions et à toutes les garanties statutaires.
Or, le 13 janvier, les syndicats dont la FSU ont accepté une réunion au ministère pour discuter de ce projet de casse de leur statut. Et ces concertations devraient se poursuivre jusqu’à fin juin.
Un sommet de la collaboration de classes : la conférence de financement
Le gouvernement annonce qu’il aurait fait des concessions sur « l’âge pivot ». Il n’en n’est rien. Dans le courrier adressé aux syndicats, le Premier ministre indique : « Je confirme la volonté du gouvernement de construire un système universel de retraites, par répartition et par points comportant un âge d’équilibre. ». L’instauration d’un âge pivot nommé ici « âge d’équilibre », s’appliquera pour tous dès l’entrée en vigueur du système à points.
Alors, de quel « compromis » s’agit-il ?
Avant même cette entrée en vigueur du système à points (fixée à partir de la génération 1975), le gouvernement avait décidé de reculer pour tous l’âge de départ à la retraite dès 2022, afin d’économiser 3 milliards d’euros en 2022 et d’arriver à 12 milliards d’économies en 2027.
La CFDT, l’UNSA, la CFTC favorables au projet macronien de retraites à points, ont prétendu faire de ce rajout une question de principe. Finalement, Laurent Berger a proposé au gouvernement une conférence nationale… que le Premier ministre a aussitôt adoptée ! C’est uniquement ce dernier point (« l’âge pivot » entre 2022 et 2027) que le gouvernement propose provisoirement de suspendre. Mais la « conférence de financement » n’aura aucune marge de manœuvre (« ni baisse des pensions, ni hausse du coût du travail ») pour réaliser ces milliards d’économies…
Et l’âge d’équilibre est maintenu dans le système à points. Fixé dans un premier temps à 64 ans, il évoluera automatiquement en fonction de l’espérance de vie et de l’équilibre budgétaire : il programme ainsi un recul de l’âge de départ en retraite (sauf à accepter une diminution du montant de la pension).
Les mois de concertations auxquelles ont participé toutes les directions syndicales, ont conduit à ce que Laurent Berger et les autres apôtres du « compromis » avec la bourgeoisie (compromis toujours au détriment des salariés) participent à ce « sommet » : cela n’étonnera personne. Mais que vont faire les dirigeants des syndicats ouvriers ? Que vont faire la CGT, FO ?
On doit constater que les communiqués de l’intersyndicale (des 11 et 15 janvier) sont muets sur ce point. Et à cette date, 17 janvier, aucune des confédérations de cette intersyndicale, n’ont véritablement fait part de leur position. Par exemple, un texte de la CGT du 13 janvier fait une critique au vitriol de la conférence de financement qui, dit-il, « n’aura aucune marge de manœuvre », mais il ne dit rien du nécessaire boycott de cette conférence.
Même si les directions de FO et de la CGT s’apprêtent à y aller, quel salarié pourrait accepter que son syndicat participe à ce piège ?
Assez de concertations, assez de compromissions, assez de dialogue social !
Or, il y a déjà eu d’innombrables séances de concertations avec le gouvernement sur ce projet : 18 mois de concertation avant octobre 2019 ; une nouvelle série de concertations en octobre novembre 2019 ; d’autres rencontres en décembre après le début de la grève ; des rencontres le 10 janvier pour préciser le projet de conférence de financement ; des concertations spécifiques à la Fonction publique à partir du 8 janvier, et d’autre avec la ministre Buzyn dans la Fonction publique hospitalière à partir du 13 janvier ; des rencontres avec Blanquer du 13 au 15 janvier, suivies d’un calendrier de concertations jusqu’à fin juin ; entretiens avec F. Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche… La liste est sans fin.
Parfois un syndicat refuse de jouer le jeu du dialogue social du fait de la mobilisation de la base : cela a été le cas de la majorité des syndicats de cheminots des mois durant, cela a été le cas de deux fédérations de la Fonction publique le 8 janvier. Mais ces positions sont trop rares.
On ne peut pas aider le gouvernement en discutant sans fin de ce projet et prétendre en même temps combattre pour le retrait de la réforme : les dirigeants syndicaux doivent cesser immédiatement de participer à toutes ces réunions.
Sur cette base, l’unité peut être réalisée pour un combat efficace, par la grève et les manifestations, par la manifestation nationale pour imposer le retrait de la réforme.