Violences physiques et discriminations
Manifestations contre le racisme et la violence d’État
La violence policière, c’est la violence du gouvernement
Le 2 juin, plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant le palais de justice de Paris, à l’appel du comité « la Vérité pour Adama », un jeune homme mort alors qu’il était entre les mains de gendarmes du Val d’Oise, en 2016, à la suite d’un contrôle d’identité. Un rassemblement historique. Le 13 juin à nouveau, les rassemblements contre le racisme et les violences policières furent un véritable succès.
Aux États-Unis mais pas seulement
Ce rassemblement du 2 juin se situe dans un contexte particulier. Quelques jours plus tôt, le 25 mai, le meurtre, par des policiers américains à Minneapolis, de George Floyd, a déclenché un vaste mouvement dénonçant le racisme et les violences policières, qui s’est propagé sur tout le territoire américain mais aussi dans nombre d’autres pays.
Il est indéniable qu’aux États-Unis le racisme est endémique, en particulier vis-à-vis des Afro –américains, et que l’extrême violence policière les touche particulièrement : chaque année, environ un millier d’Américains sont tués par la police, dont 25 à 28% d’Afro-Américains (qui représentent moins de 13 % de la population). Un Afro-Américain a 2,5 fois plus de risque d’être tué par la police qu’un Américain blanc (cette probabilité est 1,4 fois plus grande pour un américain d’origine hispanique).
Ce racisme est enraciné dans l’histoire américaine, et si l’esclavagisme a été officiellement aboli, puis les lois ségrégationnistes, leurs conséquences perdurent : aujourd’hui, la population afro-américaine est tout particulièrement touchée par le chômage et par l’épidémie du coronavirus. Cela exacerbe la colère des manifestants.
Cela justifie-t-il pour autant l’affirmation répétée en boucle dans les medias français selon laquelle la situation française n’aurait rien à voir avec la situation américaine, qui serait exceptionnelle ? Nullement. Car, plus ou moins intensément, le racisme et les violences policières touchent quasi tous les pays, France incluse.
Un racisme qui divise, un racisme incrusté dans le passé colonial
En France comme ailleurs, le racisme est une arme utilisée notamment pour diviser les travailleurs, en particulier durant les périodes de crise économiques.
Et, en France tout particulièrement, ce racisme s’enracine dans le passé colonial durant lequel l’armée et la police, ainsi que l’appareil judiciaire furent des outils décisifs pour coloniser et maintenir l’oppression coloniale. Faut-il rappeler par exemple le rôle de la police française, dirigée par l’ancien pétainiste et criminel Maurice Papon (devenu préfet de police sous De Gaulle puis ministre sous Giscard d’Estaing, (cf. note), dans le massacre d’Algériens qui manifestaient le 17 octobre 1961 à Paris pour l’indépendance de l’Algérie ?
Le racisme fut « inventé » pour justifier le colonialisme (et l’esclavagisme à partir du 18è siècle, notamment dans les colonies américaines). Aujourd’hui, en France, le racisme vise principalement des descendants de travailleurs issus des anciennes colonies : la migration de ces travailleurs avait alors été organisée pour répondre aux besoins de main d’œuvre du patronat français. Ces descendants sont encore aujourd’hui surreprésentés dans les quartiers les plus pauvres, quartiers où se manifeste une pression policière constante.
Et une enquête du très officiel « Défenseur des droits » indique que les jeunes hommes « perçus comme noirs ou arabes » ont « une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d’être contrôlés ».
Les violences policières, les comportements racistes sont étroitement liés au fait que la police est un instrument au service du gouvernement contre les travailleurs, pour maintenir un ordre social, pour contrôler l’espace public, et notamment entraver les manifestations, pour pourchasser et expulser les sans-papiers.
Combat pour le droit de manifester
En France, l’épidémie de coronavirus a été mise à profit pour remettre en cause des droits démocratiques fondamentaux, dont la liberté de circuler et celle de manifester. La police a été utilisée pour multiplier les contrôles, en particulier dans les banlieues populaires.
Et la nouvelle loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire continue d’entraver le droit de manifester. Dans cette situation de répression accentuée, le gouvernement a plus que jamais besoin de son appareil policier : ce dernier doit donc se plier aux exigences des fractions et organisations les plus réactionnaires de la police qui exigent par exemple de pouvoir recourir aux techniques d’étranglement en cas d’arrestation.
Significatives de cette protection de la police par le gouvernement : les déclarations ulcérées du ministre de l’Intérieur Castaner le 24 mai condamnant lourdement les propos de la chanteuse Camelia Jordana qui avait osé dénoncer les violences policières et le racisme dans la police.
Cette entrave au droit de manifester depuis mars a pour raison profonde la crise économique et la peur de la bourgeoisie d’une explosion sociale. La réponse du gouvernement est d’essayer d’inculquer la soumission, que refuse en particulier la jeunesse.
Mais durant le mois de mai, puis en juin, l’interdiction de manifester sous prétexte de raisons sanitaires a été bravée plusieurs fois : marche le 21 mai suite à la mort de Sabri, manifestations suite à l’annonce de licenciements à Renault, manifestations du personnel hospitalier… Le 30 mai, une marche des solidarités avec les sans-papiers s’est tenue à Paris, dont le succès a été retentissant, malgré son interdiction, tandis que des rassemblements se tenaient dans d’autres villes. Puis le 2 juin devant le palais de justice de Paris.
Le 13 juin, alors que partout les rassemblements étaient autorisés, à Paris c’est un dispositif visant à terroriser qui a été installé autour de la place de la République et bien au delà, avec blocage de rues et nassage des manifestants. Malgré cela, malgré l’interdiction de la manifestation organisée par le Comité « la Vérité pour Adama », c’est un rassemblement massif qui s’est tenu, qui fut un véritable succès.
Un mouvement spontané et profond
Au-delà de ce contexte spécifique aux derniers mois écoulés, le combat est mené depuis des années contre les violences policières, et contre les atermoiements judiciaires, notamment par les familles de victimes de la police ou de la gendarmerie ; et ce combat est légitime.
D’autant plus légitime que le racisme dans la police et les violences policières sont niés par le gouvernement et peuvent échapper à la justice du fait notamment que l’institution policière se protège et se contrôle elle-même : ainsi les enquêtes judiciaires ou administratives relèvent de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) qui est un service du ministère de l’Intérieur.
Certes, en dernière analyse, le combat pour en finir avec le racisme implique d’en finir avec l’exploitation capitaliste, de même que le combat pour en finir avec la violence policière implique d’en finir avec l’appareil d’État bourgeois et ses bandes armées pour instaurer un pouvoir ouvrier.
Mais défendre les droits démocratiques, à commencer le droit de manifester sans se faire gazer ou mutiler, est une nécessité quotidienne pour combattre le gouvernement, le serviteur du capitalisme.
Sur ce plan comme sur d’autres, les organisations d’origine ouvrière (partis et syndicats) ne se sont engagées que tardivement et précautionneusement dans la mobilisation, préférant souvent dénoncer des comportements individuels (de quelques policiers, ou d’un préfet…) plutôt que la nature de classe de l’appareil d’État et de ses corps répressifs. De même ces organisations se sont refusées à exiger clairement l’abrogation de la loi instaurant l’urgence sanitaire.
À l’inverse, le mouvement actuel – spontané et profond - met en évidence le lien étroit qui existe entre la violence sociale organisée par le gouvernement, les violences policières, et la xénophobie d’État. Ce n’est pas un hasard si s’enchaînent depuis quelques semaines manifestations en défense des sans-papiers, manifestations contre le racisme et les violences policières, et manifestations des travailleurs hospitaliers.
Violence policière contre le personnel hospitalier
Les puissantes manifestations du 16 juin organisées par les hospitaliers avec leurs syndicats et coordinations en ont donné une claire illustration : Macron refuse toujours de satisfaire les revendications des personnels hospitaliers, il convoque un « Ségur de la santé » pour faire cautionner ses projets réactionnaires par les syndicats (qui doivent en sortir au plus vite) et lance sa police contre les manifestants, police qui s’illustre par l’arrestation extrêmement violente d’une simple infirmière excédée par la politique gouvernementale.
Quelques exigences immédiates
Combattre la politique de Macron, c’est affirmer aussi :
- Soutien au combat des familles et collectifs de victimes des violences policières pour que la vérité et la justice soient faites.
- À bas l’état d’urgence sanitaire.
- Pour la liberté de manifester sans condition administrative et sans encadrement policier.
- À bas les discriminations et, notamment, nécessité de rendre effectives l’interdiction des contrôles au faciès et toutes les formes de discriminations racistes.
- Pour en finir avec les équipements en tous genres (grenades, gaz, LBD, etc.) conçus pour pourchasser et terroriser les manifestants.
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(1) Papon sera finalement et très tardivement inculpé, et condamné à dix ans de réclusion criminelle en 1998 puis incarcéré, pour son rôle dans la déportation de nombreux juifs sous le gouvernement de Pétain.