Le « Ségur de la santé » est un traquenard : il faut en sortir !
À qui et à quoi sert le « Ségur de la santé » ?
Trois semaines après le début de cette concertation, il n’est plus possible de différer la réponse : engagé le 25 mai, ce lourd dispositif de discussion convoqué par le gouvernement vise à gagner du temps pour ne pas répondre aux revendications des travailleurs hospitaliers et pour préparer de nouvelles mesures contre l’hôpital public.
Durant toute l’année 2019, Macron a refusé de prendre en compte les revendications des personnels hospitaliers, mais – après trois mois de crise sanitaire – il ne pouvait plus continuer à ignorer ces revendications : toute la population avait mesuré les conséquences catastrophiques de l’austérité qui frappait l’hôpital public. Les fermetures de lits et les suppressions de postes se sont conjuguées avec le manque de moyens matériels ; les salaires de misère et la surcharge de travail sont devenus encore plus insupportables, et même de simples masques ont manqué des mois durant.
Cette politique d’austérité mise en œuvre par les gouvernements successifs (Sarkozy, puis Hollande notamment) a été poursuivie par Macron et a touché toute la santé publique, y compris la Recherche (non financement, par exemple, des recherches entamées sur les coronavirus).
C’est contre cette politique que les personnels hospitaliers se sont organisés et mobilisés depuis le printemps 2019, constituant des collectifs (dont celui des urgences) et appuyés par leurs syndicats pour revendiquer des salaires, des postes, des ouvertures de lits.
Une mobilisation plus vivace que jamais
Durant le pic de l’épidémie, les personnels hospitaliers ont consacré toutes leurs forces au soin des malades. Mais dès le mois de mai, ils ont réaffirmé leurs revendications, avec le soutien de toute la population. Et ils ont recommencé à manifester, à se rassembler devant les hôpitaux.
D’abord devant quelques hôpitaux le 14 mai, le 20 mai (tel l’hôpital Robert Debré à Paris…) puis devant d’innombrables hôpitaux aux quatre coins du pays, les soignants ont manifesté pour réclamer des « lits » et « du fric pour l’hôpital public ». D’autres salariés, des étudiants, des retraités viennent leur apporter leur soutien.
« Revalorisations des salaires » et « réouvertures de lits » sont également demandées par le collectif « Le printemps de la psychiatrie ». Ces exigences se dressent contre la politique « managériale » et une bureaucratie pléthorique dont l’objectif est la rentabilité et non la qualité des soins.
Le gouvernement, dont le bilan est désastreux, a d’abord tenté de calmer la colère par quelques vagues promesses et quelques primes dont le montant est variable selon les services et hôpitaux. Les primes sont attribuées à certains hôpitaux, à certains soignants par les directeurs pour créer la zizanie. Puis il s’est imaginé d’offrir une médaille aux personnels et de les associer aux cérémonies du 14 juillet ! Une véritable provocation.
Les personnels ont rejeté « médailles » et « défilé », exigeant des « augmentations de salaires ». Le gouvernement, redoutant que la mobilisation en défense de l’hôpital et des personnels ne cristallise plus largement une mobilisation contre toute sa politique, a donc annoncé un nouveau plan pour l’hôpital, préparé par des discussions au ministère de la Santé, sous la houlette de Nicole Notat : un « Ségur de la Santé ».
Le « Ségur de la Santé » : faire cautionner de nouvelles mesures réactionnaires
Le « Plan hôpital » lancé par Philippe et Véran ne répond en rien aux revendications des soignants. Le gouvernement refuse d’augmenter le point d’indice : pire, il veut séparer la Fonction publique hospitalière du reste de la Fonction publique, ce qui revient à casser le statut de fonctionnaire.
Il envisage de nouvelles économies en augmentant la durée du temps de travail et la flexibilité, en proposant des « formations » pour que des actes réservés aux médecins puissent être effectués par des infirmières. Et le gouvernement veut aller plus loin encore dans la territorialisation des hôpitaux publics et aligner leur gestion sur celle des hôpitaux privés.
Et le choix de Nicole Notat est emblématique. Cette ancienne dirigeante de la CFDT, célèbre pour le soutien qu’elle apportait aux attaques… contre les salariés (notamment le plan Juppé de 1995), fut aussi un ferme soutien de Macron en 2017.
Macron maintient toute sa politique
La casse des hôpitaux publics se poursuit avec les suppressions de lits, et les restructurations. Le gouvernement n’a renoncé ni à s’attaquer au statut des personnels, ni à rapprocher le public du privé, ni à satisfaire les laboratoires pharmaceutiques, ni à faire gérer chaque hôpital comme une entreprise ni, non plus, à poursuivre l’asphyxie de la Recherche : avec la loi qui devrait être présentée en conseil des ministres le 8 juillet, le financement accentuera plus encore la soumission aux besoins immédiats des grands groupes industriels [1].
Macron veut aussi gagner du temps : car il a fixé au 28 juin le second tour des élections municipales. Ce n’est donc qu’en juillet qu’il tirerait les conclusions du « Ségur de la santé » (qui n’est pas une négociation).
Une première conclusion s’impose : le Ségur de la santé ne permet pas de satisfaire les revendications.
Rompre sans attendre avec la conférence Ségur-Notat-Macron
Une seconde conclusion s’impose : si l’objectif de cette conférence est de noyer les revendications et de faire cautionner de nouvelles attaques contre les hospitaliers par les syndicats et les coordinations, il faut rompre alors avec cette conférence et en sortir sans plus attendre.
C’est ce qu’a fait le syndicat Sud Santé en déclarant : « La fédération SUD Santé Sociaux quitte l’impasse du Ségur pour continuer à construire le rapport de force qui permettra de renverser la vapeur, obligeant le gouvernement à se mettre autour de la table, sans intermédiaire et à ouvrir de véritables négociations.
Elle appelle les collectifs professionnels et citoyens, mais aussi les syndicats de lutte à en faire de même.
Donnons-nous rendez-vous le 16 juin 2020 ».
La défense de l’hôpital est essentielle. Elle implique notamment :
- L’augmentation générale des salaires : 300 euros pour tous, augmentation du point d’indice commun à toute la fonction publique
- L’arrêt des suppressions de lits, de services, des restructurations ; la création massive de postes.
D’autres revendications doivent être défendues, dont celles des personnels des EHPAD. Doivent aussi être réaffirmés la liberté de prescription des médecins, le fait qu’ils n’ont pas à « tracer » la population, et la possibilité pour les chercheurs de poursuivre (ou reprendre) leurs travaux sans entrave financière.
D’autres revendications doivent être mises en avant, comme l’expropriation des trusts pharmaceutiques (sans indemnisation des actionnaires). Mais aucune ne peut être satisfaite par le dialogue social ou par une quelconque « concertation ». La rupture avec le « Ségur de la santé » est une nécessité immédiate : la mobilisation du 16 juin ne doit donc pas viser à « faire pression » sur le Ségur de la santé, mais à imposer la rupture avec cette opération gouvernementale.