Quelle riposte pour mettre en échec le budget ?
Le Président et le gouvernement sont à l’œuvre pour imposer un budget d’austérité. Quelle riposte pour mettre en échec ce budget et cette politique ?
Un impérialisme en difficulté
Sur le plan international, l’impérialisme français est en grande difficulté, menacé jusqu’au cœur de ses chasses gardées : après avoir été expulsé de l’Afrique sahélienne, il se trouve confronté à la révolte du peuple Kanak, à laquelle il a répondu par une brutale répression coloniale, pour proposer maintenant un « dialogue » visant à partager le pouvoir, c’est-à-dire visant à ce que rien ne change. Simultanément, il doit faire face à la mobilisation de la population martiniquaise à laquelle il répond, une fois encore, par la répression.
Et pendant ce temps-là, le déficit budgétaire se creuse et sa dette devient menaçante, accrue jour après jour par la masse des aides fiscales et sociales (exemptions de cotisations sociales notamment) accordées au patronat, au point de menacer les capacités d’emprunt de l’État français.
Cette situation pousse le gouvernement à être particulièrement offensif contre les salariés, la population laborieuse.
Un gouvernement fragilisé
Macron avait dissout l’Assemblée nationale après la défaite de son « parti » aux élections européennes, s’imaginant par cette manœuvre pouvoir « reprendre la main ». Peine perdue : il encaissa une nouvelle défaite, se trouvant alors nez à nez avec un « Nouveau front populaire » devenu soudain la première force parlementaire.
Pas question pour lui de désigner comme Premier ministre un candidat qui soit présenté par ce front populaire. Après des manœuvres qui durèrent tout l’été, il obtint l’assentiment de Michel Barnier pour former un gouvernement soutenu par les députés macronistes, les Républicains, le Modem… s’étant assuré que le Rassemblement national de Marine Le Pen laisserait Barnier gouverner quelques temps, le temps au moins de faire adopter le budget de l’État et voter le budget de la Sécurisé sociale.
Le NFP protesta en réclamant de pouvoir former un gouvernement. Mais le NFP n’ayant pas la majorité à l’Assemblée, Michel Barnier put former son gouvernement, nulle majorité ne s’étant alors regroupée pour voter une motion de censure.
Une « opposition » conciliante
Depuis fin septembre, toute la vie politique semble tourner autour de ce double budget, et se réduit fondamentalement aux débats qui ont traversé l’Assemblée nationale avant de rebondir au Sénat.
Tout au plus y eut-il, après une journée de manifestations début septembre, une journée d’action, de grève et manifestations, début octobre.
Fait notable : les organisations syndicales, dont les dirigeants protestent contre la politique gouvernementale, se sont montrées fort silencieuses sur le budget en débat à l’Assemblée. C’était quasiment : « circulez, il n’y a rien à voir ! ». En tout cas, nulle mobilisation de masse contre un projet de budget marqué par une austérité particulièrement violente. Dans le meilleur des cas, on est prié d’attendre la journée d’action fonction publique du 5 décembre, à l’appel en particulier de la CGT, de la FSU et de Solidaires, FO ayant quant à elle d’abord choisi d’être seule et « radicale » en promouvant 3 jours de mobilisation les 11, 12 et 13 décembre.
Les dirigeants syndicaux et ceux du nouveau front populaire (LFI, PS et PCF, et Verts) semblent ainsi s’être partagés les rôles, les députés du Front populaire étant chargés de faire l’animation à l’Assemblée nationale : beaucoup de cris, d’agitations, pour montrer qu’ils étaient capables de faire voter tel ou tel amendement… et donc qu’ils étaient capables de gouverner. En pure perte : Michel Barnier a rappelé qu’après les échanges à l’Assemblée et au Sénat il se préparait à recourir à l’article 49 ter pour imposer son budget.
Il faudra donc attendre la fin de l’année pour que, peut-être, s’engage la mobilisation contre un budget aux conséquences catastrophiques pour les travailleurs et la jeunesse.
Mais ces quasiment trois mois consacrés aux débats sur le budget n’auront pas été inutiles pour tout le monde.
D’un côté M. Barnier a pu tester les points où il pouvait avancer sans risques et ceux que les partis qui le soutiennent se refusaient à accepter, ces partis étant minés par les rivalités qui s’expriment de plus en plus, chacun ayant les yeux rivés vers la prochaine présidentielle à laquelle Macron ne pourra pas se représenter.
De l’autre, le NFP a pu masquer ses divisions : divisions entre les partis qui le compose (Fabien Roussel dirigeant du PCF a ainsi indiqué qu’il ne se représenterait pas aujourd’hui dans le cadre du Nouveau Front populaire) ; divisions aussi au sein des forces qui le composent : tandis que la France insoumise met au ban certains de ses dirigeants, le Parti socialiste se déchire entre ceux qui soutiennent le NFP et ceux qui, avec François Hollande et Bernard Cazeneuve, veulent en finir avec cette alliance constituée en quelque heures en juin dernier.
Un budget de guerre contre les travailleurs et les retraités
Les économies que veut réaliser le gouvernement se chiffrent par dizaines de milliards, complétées par des impôts et taxes supplémentaires. Mais le menu ne cesse de varier au fil des jours.
Il en est de même du budget de la Sécurité sociale. On peut néanmoins juger comme certains une progression nominale des retraites (ou d’une partie d’entre elles) inférieure à l’inflation ; un moindre remboursement des frais médicaux ; un gel du point d’indice des fonctionnaires, lesquels se verront imposer trois jours de carence au lieu d’un en cas d’absence avec, en outre, une indemnisation des jours de maladie suivants de 90% au lieu de 100% ; des coupes sombres dans la majorité des ministères, dont 4000 postes d’enseignants, etc. Et pendant ce temps-là, le patronat se goinfre d’exonérations de cotisations sociales (82 milliards d’euros pour la seule année 2022) et de cadeaux divers…
Rompre le dialogue social, mobiliser dans l’unité
Pour faire passer cette politique, rien de mieux qu’une nouvelle dose de dialogue social. Lors de sa déclaration de politique générale prononcée le 1er octobre 2024, le Premier ministre Michel Barnier appelle donc à un « renouveau du dialogue social ». Emploi des séniors, réforme des retraites, assurance chômage, minima conventionnels : les organisations syndicales et patronales sont appelées à discuter de ces questions. Aussitôt dit, aussitôt fait. Même quand il n’y a rien à gagner à un tel dialogue.
Ainsi sur l’assurance chômage : les discussions ont repris sur la base de l’accord signé par les partenaires sociaux en 2023, un accord que le précédent gouvernement n’avait pas trouvé assez brutal pour les chômeurs. Le 14 novembre, un accord est trouvé avec le patronat pour quelques corrections minimes, compensées par de nouvelles économies. Certaines directions syndicales signeront, et d’autres non. L’essentiel, c’est que – ce faisant - une caution soit apportée à ce gouvernement minoritaire et à sa politique : « Cela démontre que la méthode, qui est celle du Premier ministre de laisser la place au dialogue social, porte ses fruits », s’est félicitée la porte-parole du gouvernement. Qu’on en juge : l’accord se fait sur la base de 400 millions d’euros de nouvelles économies demandées par le gouvernement et intègre une baisse des cotisations patronales.
Car ce n’est qu’une entrée en matière. L’essentiel sera de faire avaliser par les syndicats la dernière loi sur les retraites. Pas question de supprimer cette réforme votée le 15 avril 2023, comme le demandent les syndicats ; tout au plus le gouvernement consent-il à quelques corrections. Les partenaires sociaux sont donc invités à « réfléchir à des aménagements raisonnables et justes de la loi ». S’ils acceptent ce dialogue, ils entérineront de facto la loi la plus réactionnaire imposée par le précédent gouvernement (Macron-Attal).
Et pendant ce temps-là, les discussions sur le budget progressent, et toute mobilisation contre ce budget est entravée.
À l’inverse, il est nécessaire de combattre pour que les directions syndicales cessent de cautionner la politique du gouvernement, et organisent la mobilisation unie contre le budget, contre le gouvernement. Cela peut passer par une manifestation centrale et unie pour défaire cette politique, ce gouvernement réactionnaire et minoritaire.
18 novembre 2024