Une répression coloniale enflamme la Kanaky Emmanuel Macron en porte l’entière responsabilité
La campagne électorale qui s’est déroulée après à la dissolution de l’Assemblée nationale par Macron le 9 juin 2024 a mis sous le boisseau le nouvel embrasement en Kanaky suite au transfert en métropole de plusieurs militants indépendantistes placés en détention provisoire.
C’est le 19 juin que onze militants indépendantistes ont été interpellés dans le cadre d’une enquête visant « les commanditaires présumés » des révoltes qui ont enflammé l’archipel depuis le 13 mai dernier. Tous se présentent comme des « combattants de la liberté » et ont toujours publiquement appelé à une mobilisation pacifique contre la réforme du corps électoral. Cette réforme constitutionnelle est portée depuis un an par Emmanuel Macron. Trois jours après qu’il ait dissout l’Assemblée nationale, suite à sa défaite et celle de ses candidats lors des élections européennes [1]. Macron a finalement choisi de la « suspendre provisoirement ».
Une déportation impérative et express
Sept d’entre eux ont été mis dans un avion pour la France métropolitaine dans la nuit du 22 au 23 juin, le tribunal de Nouméa se retrouve à l’épicentre de la répression judiciaire des révoltes. Après une audience devant le juge des libertés et de la détention, à huis clos, ils sont envoyés dans sept prisons différentes, à 17 000 kilomètres de leurs proches, ce qui a provoqué la stupeur des professionnels du droit. Ces derniers dénoncent une décision attentatoire aux droits de la défense et à celui de la vie familiale. Du jamais vu depuis les événements des années 1980.
Christian Tein, membre du conseil exécutif de l’Union Calédonienne (UC), considéré comme le leader de la Cellule de Coordination des Actions de Terrain (CCAT), envoyé à Mulhouse. Frédérique Mulieva, directrice du cabinet du Président du congrès de l’indépendantiste Roch Wamytan, envoyée à la prison d’arrêt de RIOM.
Branda Wanabv, chargée de la Communication pour la CCAT, est transférée à la maison d’arrêt de Dijon. Elle laisse en Nouvelle Calédonie, trois enfants dont le dernier n’a pas quatre ans.
Guillaume Vame, lié à la CCAT, est incarcéré à Bourges.
Trois autres suspects, Steve Unë, Yeva Waetheane et Dimitri Qenegei sont respectivement dans les prisons de Blois, Nevers et Villefranche-sur-Saône.
Vu les moyens logistiques mis en œuvre, ce traitement d’exception, qui s’inscrit dans une tradition coloniale depuis 1802 avec la déportation de Toussaint Louverture au fort de Joux, n’a pu être décidé qu’au plus haut sommet de l’État Français dont Emmanuel Macron.
Ce qui ravive les tensions : sur les barrages, les manifestants réclament la libération immédiate des prisonniers privés de leur famille et du contact avec leurs avocats. D’autant plus que les transferts vers la métropole sont extrêmement rares et concernent habituellement des détenus condamnés et volontaires au départ pour la métropole. Il est certain que la décision de transfert a précédé les audiences.
Le 11 juillet dix blindés Centaure ont débarqué sur l’île, 3500 gendarmes, policiers et militaires sont déployés sur le territoire, 1848 personnes ont été interpellées et 145 ont été incarcérées. Macron pratique la politique du pire en Kanaky.
Le10 juillet un indépendantiste est tué lors d’affrontements avec les forces de l’ordre. On compte alors onze morts.
La situation économique s’aggrave
Près de trois mois ont passé depuis les émeutes entre Kanaks, forces de police et milices caldoches provoquées par le projet de réforme du corps électoral défavorisant les Kanaks. Toujours sous couvre-feu, la population de l’île est dans le viseur de la députée loyaliste de la province du Sud. Sonia Backès, a suspendu l’aide médicale d’urgence, menacé de s’en prendre aux bourses, à l’accès aux logements sociaux et aux aides pour payer les dégâts : « À ceux qui ont brûlé, bloqué la Nouvelle-Calédonie, à ceux qui continuent, la Province supprimera les aides dont ils bénéficient », a-t-elle déclaré le 29 juillet dernier.
La Filière Nickel en grande difficulté
Ces mesures, ces déclarations satisfont sans doute une partie de la population la plus aisée de la Province sud de l’île ainsi que les élus. Elles poussent à la ségrégation sociale et raciale alors que la situation menace de s’aggraver encore plus pour les travailleurs de l’île. La filière Nickel, qui emploie un salarié sur quatre, est en grande difficulté. Dans la Province Nord, la mine NKS va fermer et 1 800 personnes risquent le chômage à la fin du mois d’août, ainsi que d’autres mines qui pourraient suivre.
Un nouveau désastre pour la province Nord
L’usine KNS, cathédrale de métal, nichée entre lagon et montagne à Voh, d’où sortaient chaque année 30 000 tonnes de nickel ne sera plus qu’un bâtiment de ferraille inerte. Les 1200 salariés de l’usine pyrométallurgique et de la mine vont pointer au chômage dès le 31 août et rejoindront les 600 travailleurs de la sous-traitance déjà sans emploi.
La construction de l’usine du Nord avait été promise aux indépendantistes dans le cadre du « préalable minier » de 1997, sans lequel l’accord de Nouméa de 1998 n’aurait jamais été signé. Cela devait permettre de parvenir au rééquilibrage entre le Nord rural et indépendantiste et le Sud, loyaliste, où se trouve la Capitale Nouméa qui concentrait alors toute l’activité économique. Les premières coulées de métal étaient réalisées en 2013.
L’entière responsabilité de l’État français
L’État français porte donc aujourd’hui la totale responsabilité de ce qui se passe en Kanaky.Il faut savoir que depuis 1853 (date de la prise de possession du territoire par la France), le peuple Kanak n’a jamais accepté la colonisation française. Les jeunes kanaks ont démontré qu’ils ne renonceront jamais au rêve de leurs parents, celui d’accéder à la pleine souveraineté de la KANAKY. C’est une jeunesse très en colère, qui a porté le mouvement, en particulier dans la Capitale Nouméa et sa banlieue. À Nouméa, la jeunesse kanake urbaine, vit dans les quartiers populaires, souvent dans des « squats » (des bidonvilles), sans eau, sans électricité. La jeunesse kanake en a assez d’être laissée pour compte dans son propre pays.
Les macronistes et le gouvernement se sont appuyés sur la frange la plus extrême de la droite calédonienne, comme Sonia Backès, cheffe de file des Républicains calédoniens et le député Nicolas Metzdorf qui siégeait à l’Assemblée sur les bancs de la Macronie.
Mais les élections législatives ont tranché
Les indépendantistes sont toujours plus majoritaires. Les résultats obtenus sont édifiants : au total, ils recueillent 68 506 voix soit 51,4 % contre 56 098 voix soit 42,08% pour les loyalistes. Dans la 2e circonscription (Grande terre moins Nouméa), E. Tjibaou arrive en tête avec 32926 voix et 44,06%.
L’acharnement de Macron
En utilisant la force, en évoquant l’idée de soumettre au référendum national la question du dégel du corps électoral, Macron renoue avec les exigences du capitalisme et lors de sa visite éclair fin mai, il a déclaré : « L’État français reprendra tous les quartiers. Cela prendra le temps que ça prendra. Il y a une guerre d’usure qui se crée avec les émeutiers mais les policiers et gendarmes réussissent à reprendre du terrain et sont en train de gagner cette guerre d’usure ».
La défense de la place de l’impérialisme français explique l’acharnement de Macron. Face aux difficultés de l’économie française et suite au retrait de l’impérialisme français au Sahel, Macron défend plus que jamais le rôle de l’impérialisme français dans le nouveau théâtre des rivalités entre les États-Unis et la Chine dans l’Indo-Pacifique.
Les territoires d’outre-mer lui permettent de posséder la deuxième ZEE du monde après les États-Unis (11 millions de km2 et une présence dans tous les océans), une zone riche de nombreuses ressources. Ils lui permettent aussi d’être légitime dans cette zone. Et au nom de la promotion de la sécurité et de la paix, cette présence permet à l’armée française de se redisposer. C’est ainsi que le ministère des Affaires étrangères indique que « La stratégie française en Indopacifique, lancée en 2018, répond à des enjeux de souveraineté ». Le ministère des Armées annonce s’être « dotée d’une Stratégie de défense en Indopacifique, fondée sur la Revue stratégique (2017) et le Livre Blanc (2013) ».
Cette nouvelle approche indopacifique de la France s’est étoffée sous la présidence d’Emmanuel Macron dont l’ambition est d’assurer la pérennité du statut de la France dans l’ordre mondial.
Défense inconditionnelle des droits et libertés du peuple Kanak
Dans cette situation, non seulement aucune solution n’est proposée en réponse aux aspirations et revendications du peuple kanak, mais l’État français renoue avec les pires pratiques coloniales
avec l’arrestation et la déportation de dirigeants politiques et de militants. Dans l’archipel militarisé par l’État français, des milices racistes et armées agissent en toute impunité en tirant sur des manifestants indépendantistes, assassinant des jeunes Kanaks et occasionnant de nombreux blessés. Ces actes de chasse à l’homme sont soutenus par des élus locaux de la droite loyaliste. La politique de Macron a conduit à des dégâts très importants, nombre de jeunes ne pourront pas reprendre l’école…
Dans cette situation, toutes les organisations syndicales et politiques ouvrières doivent se prononcer et multiplier les initiatives pour
- la libération immédiate de tous les emprisonnés politiques en France et en Kanaky,
- exiger l’abrogation de la réforme du corps électoral,
La satisfaction de ces revendications serait un point d’appui au combat pour l’indépendance de ce territoire.
20 août 2024