Pour un budget qui satisfasse les revendications des travailleurs, non celles des patrons !
Pour un gouvernement au service des travailleurs, non aux ordres de Macron !
De nouvelles attaques insupportables
Chaque jour qui passe, la population laborieuse et la jeunesse mesurent les conséquences de la politique décidée par Macron : baisse du pouvoir d’achat, aggravation des conditions de travail, difficultés à se loger, services d’urgences hospitaliers asphyxiés, au bord de l’effondrement, réformes scolaires catastrophiques…
De ce fait, aux élections européennes du 9 juin, les candidats soutenus par Macron subissaient une lourde défaite. Au soir de ce même 9 juin, Macron annonçait brutalement la dissolution de l’Assemblée nationale, espérant que serait élue une nouvelle majorité encore plus réactionnaire avec laquelle il puisse gouverner.
Aspiration à l’unité contre Macron
Mal lui en prit : alors qu’il comptait sur la division des forces politiques issues du mouvement ouvrier –division qui faisait rage jusqu’alors entre notamment le PS, le PCF et la FI –, l’improbable se produisit en quelques heures. L’aspiration profonde des militants, des salariés, de la jeunesse à réaliser l’unité contre le gouvernement de Macron poussa les dirigeants de ces organisations à réaliser le 10 juin une alliance électorale pour le premier tour des législatives, et dotée d’un programme en quelques jours, avec une répartition des candidatures entre les forces composant cette alliance. Cette dernière suscita une réelle mobilisation et sortit en tête le 7 juillet, avec 193 élus, sans pour autant obtenir la majorité absolue. Ce fut le Nouveau Front Populaire, alliance permettant de canaliser sur le terrain électoral la volonté de combattre des travailleurs. En témoigne nombre de revendications avancées par le NFP : revendications correspondant à des mobilisations récentes, telles que celle menée contre la réforme des retraites.
Mais au lendemain de sa nouvelle défaite électorale, Macron refusa de désigner un ou une nouvelle Première ministre qui puisse être l’expression politique de sa défaite, qui puisse apparaître – même à son corps défendant –comme un point d’appui pour les travailleurs voulant remettre en cause les réformes jusque-là imposées. Il refusa donc d’abord la démission du Premier ministre, Gabriel Attal, présentée le 8 juillet, Macron lui demandant de demeurer en fonction pour « assurer la stabilité du pays ».
Un gouvernement « démissionnaire » qui s’éternise
Puis le 16 juillet 2024, Macron se résolut à accepter la démission de Gabriel Attal mais celui-ci et son gouvernement restaient en place en tant que « gouvernement démissionnaire », pour gérer les affaires courantes (et préparer le prochain budget) en attendant que soit nommé un nouveau Premier ministre.
Cette nouvelle manœuvre, prenant prétexte de la tenue des Jeux Olympiques à Paris fut grandement facilitée par le fait que, seize jours durant, les dirigeants du NFP furent incapables, c’est-à-dire refusèrent, de se mettre d’accord pour désigner une potentielle candidature au poste de Premier ministre, alors qu’ils réclamaient le droit de former le nouveau gouvernement. Finalement, l’aspiration à l’unité les contraignit à trouver une candidature qui fisse consensus entre eux : le 23 juillet, ils proposèrent Lucie Castets, une haute fonctionnaire jusque-là inconnue du grand public.
Macron rejeta aussitôt cette demande, renvoyant la formation d’un nouveau gouvernement à plus tard : après les JO, après le 15 août
À l’évidence, Macron jouait la montre, coincé entre sa volonté de conserver tous les pouvoirs et la très grande faiblesse de son groupe parlementaire, ce qui le contraignait à rechercher le soutien, au moins tacite, des Républicains et du RN et à tenter de fracturer le Nouveau front populaire.
A partir de la mi-août, Macron consacra toute son énergie à ses manœuvres, recevant tour à tour les dirigeants des principaux groupes parlementaires, dont ceux du NPF. D’emblée, il exclut une cohabitation avec le NFP. Quant aux Républicains et au Rassemblement national, ils annoncent qu’ils censureront tout gouvernement du NFP, avec ou sans la présence de ministre de la France Insoumise. Ce qui suffit à Macron pour annoncer qu’il refusait de désigner Lucie Castets, la candidate du NFP.
Pourtant, les dirigeants du NFP avaient fait assaut de bonne volonté. Dès la rencontre du 23 août avec Macron, ils avaient –par la bouche de Lucie Castets – fait savoir qu’ils chercheraient à bâtir des majorités « texte par texte ». Dans une interview (L’Humanité du 28 août), Lucie Castets indiquait :« J’ai bien conscience qu’avec une majorité relative, il faudra trouver des compromis ». Puis Mélenchon avait annoncé (le 24 août) que si besoin il n’y aurait pas de ministre de la FI. En vain.
La nature du NFP
Dès sa formation le 9 juin, l’alliance électorale constituée entre le PS, le PCF, la FI et EE les Verts, fut dénommée par ces partis « nouveau front populaire », se référant de manière explicite au Front populaire de 1936. Il y a, de facto, des aspects communs.
Mais il y a aussi de profondes différences : en 1936, notamment, en dépit de leur politique, la SFIO et le PCF étaient des partis réellement implantés dans la classe ouvrière, avec une force militante incontestable, mais profondément divisés entre eux, ce qui facilitait la progression du fascisme (la même division entre partis staliniens et sociaux-démocrates avait permis, en Allemagne, la prise du pouvoir par Hitler). C’est cette politique de division mortifère qui avait été battue en brèche par la mobilisation de la classe ouvrière à partir des gigantesques manifestations de février 1934 contre la menace fasciste. Mais, soucieux de préserver l’ordre bourgeois, les dirigeants du PCF et de la SFIO, contraints à réaliser l’unité, avaient aussitôt élargi cette alliance au Parti radical, un puissant parti bourgeois, pilier de la IIIe République. Ayant gagné les élections législatives du printemps 1936, la SFIO et le Parti radical (soutenus par le PCF) avaient pu aussitôt constituer un gouvernement, le gouvernement de Front populaire. Encore faut-il préciser: : les acquis historiques arrachés alors par la classe ouvrière ne résultèrent pas de la politique du gouvernement lui-même, de sa nature, mais lui furent imposés par l’historique grève générale qui éclata alors, une grève profondément spontanée qui exprimait le manque de confiance en ce gouvernement.
De facto, ayant dû satisfaire des revendications majeures pour obtenir que cesse la grève générale, le gouvernement entreprit très vite de remettre en cause ces concessions. La politique pro-bourgeoise qu’il développa alors conduisit au reflux de la classe ouvrière, et à la dislocation du Front populaire.
Tant il est vrai qu’un gouvernement de front populaire n’a pas vocation à perdurer mais à canaliser l’aspiration au combat des travailleurs avant de se retirer. Il s’agit d’un faux gouvernement de front unique d’une alliance intégrant le plus souvent (mais pas nécessairement) des forces bourgeoises, mais qui toujours assure la préservation de la propriété privée des moyens de production, la protection de l’état bourgeois.
Mais chaque front populaire est particulier : celui de1936 reflète une situation politique marquée par l’intensité des affrontements de classes. Celui constitué (en tant qu’alliance électorale) le 9 juin 2024 est marqué par l’extrême faiblesse de ses composantes : un PCF réduit à l’état de vestige historique, un PS profondément divisé, épuisé par des décennies d’une politique au service de l’impérialisme français (de Mitterrand à Hollande en passant par Jospin), des Verts de toutes nuances représentatifs de la petite bourgeoisie urbaine, et une FI qui se qualifie de « parti gazeux » toute entière au service des ambitions bonaparto-présidentialistes d’un ancien sénateur et ancien secrétaire d’État du gouvernement Jospin.
Mais la faiblesse politique de ces 4 organisations fait de leur alliance un dispositif à double face : d’un côté, cette faiblesse encourage Macron à persévérer pour la faire éclater ; de l’autre, elle constituerait un bien fragile barrage de papier si la classe ouvrière entrait en mouvement.
Or, ce que craint Macron, et le patronat, ce n’est pas tant la direction du NFP et Lucie Castets, dont la bonne volonté est manifeste, qu’une mobilisation de masse des travailleurs qui se sentiraient encouragés à exiger d’un tel gouvernement, et des patrons, la satisfaction de leurs revendications.
Poursuite des manœuvres
Macron poursuit donc fin août, sa recherche d’un Premier ministre qui lui convienne, avec de nouvelles discussions, sans le NFP.
Le 26 août, un communiqué de l’Élysée exclut que Lucie Castets soit nommée à Matignon au nom de « la stabilité institutionnelle » car ce gouvernement serait immédiatement censuré.
En fait, Macron espérait toujours fracturer le NFP, ou fracturer le PS.
Macron encourageait ainsi les aventures personnelles : Bernard Cazeneuve, ancien membre du PS et éphémère ancien Premier ministre, était sur les rangs. Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie, était reçue par Macron le 29 août, Ségolène Royal –craignant qu’on l’ait oubliée –, se disait prête à constituer un « gouvernement d’union républicaine » (avec des ministres de droite), etc.
Au PS, des courants minoritaires reprochaient à Olivier Faure de maintenir son alliance avec le NFP et de boycotter les consultations avec Macron.
Quant à Mélenchon, il continuait à jouer « perso », avec un seul objectif : la présidentielle de 2027.
Ainsi, le 18 août, Mélenchon et la FI menacent-ils (sans en avoir discuté avec les autres forces du Front populaire) de recourir à l’article 68 pour demander la destitution du Président accusé de « coup de force constitutionnel » et d’« abus de pouvoir ». Cette initiative, qui n’a aucune chance d’aboutir, provoque la colère des trois autres composantes du front populaire, et divise cette alliance alors que c’est un combat uni qui devait être mené par le NFP pour une autre politique, un autre gouvernement. « LFI a le droit de faire de la présidentielle sa priorité, mais ce n’est pas notre choix » s’indigne alors Fabien Roussel (PCF).
Puis, le 27 août, la FI appelle à manifester le 7 septembre contre « le coup de force » d’Emmanuel Macron qui refuse toujours de désigner Lucie Castets comme Première ministre. Le PCF, les Écologistes, le NPA et quelques groupes rejoignent cet appel à manifester. Mais le PS n’appelle pas à manifester. De même quelques fédérations CGT appellent à manifester mais non la confédération.
Un coup de force « inconstitutionnel » ?
L’un des arguments répétés en boucle est que le refus de Macron de désigner Lucie Castets serait un « coup de force » contre la démocratie. Mais quelle démocratie ? Lucie Castets, se réclame de « la logique des institutions » et affirme que « nous empêcher de former un gouvernement revient à dévoyer la logique des institutions de la VeRépublique » (L’Humanité, 28 août).
Des députés issus de la FI (Alexis Corbière, Clémentine Autain…) disent la même chose : « Macron interprète, abuse et bafoue les institutions de la Ve République ».
Bafoue la Ve République ? Une blague ! Macron au contraire utilise pleinement la Constitution gaulliste.
Ainsi, l’exigence de « stabilité institutionnelle » évoquée par l’Élysée renvoie-t-elle à l’article 5 dont la rédaction est extrêmement floue, suffisamment pour permettre à Macron de justifier son refus d’un gouvernement du NFP. Car fondamentalement, la constitution de la Ve République (une constitution bonapartiste bâtarde) n’a rien de démocratique : c’est le président de la République qui nomme le Premier ministre, à charge pour ceux qui refusent son choix de trouver une majorité de députés pour le censurer.
Et, en attendant, faute de mobilisation unie, le gouvernement « démissionnaire » a pu continuer de gouverner : le gouvernement Attal a préparé sereinement le prochain budget, avec une réduction des dépenses de l’État (sauf la sécurité et la Défense) ; il a envoyé les documents préparatoires à chaque ministère (les lettres plafond). Et la ministre (démissionnaire) Belloubet a organisé tranquillement la rentrée scolaire.
Et, entre le 8 juillet et fin août, ce sont plus de 1100 décrets et arrêtés qui ont été pris.
Pour cette politique, Macron et Attal ont pu aussi compter sur la bienveillance des directions syndicales.
FO et la CFDT ont déserté le terrain, attendant benoitement la formation d’un nouveau gouvernement sous l’égide de Macron. Quant à la CGT, elle annonçait le 28 août une « journée d’action » pour le 1er octobre. Comme les autres années à la même période...
Comme s’il n’y avait pas matière à mobiliser sans attendre la désignation d’un nouveau premier ministre, et qu’il s’agissait de ne pas ennuyer Macron tout entier accaparé par sa recherche d’un premier ministre…Mais Macron a échoué à fracturer le PS ou le NFP. Il n’a plus guère le choix.
Michel Barnier sort du chapeau
Finalement, le 5 septembre, Michel Barnier est désigné comme premier ministre, Macron escomptant que ce gouvernement Barnier aura non seulement le soutien des Républicains mais ne sera pas censuré d’entrée de jeu par le Rassemblement national. Ce qui implique de donner de solides garanties au parti de Le Pen.
Barnier peut offrir ces garanties. Il suffit de rappeler les propositions qu’il fit en 2022 (en vain) pour être désigné par les Républicains comme leur candidat à la présidentielle.
Un premier ministre Lepéno-compatible
Ce programme de Barnier en 2022 était tout entier centré sur « la sécurité des français » et « l’autorité de l’État » avec un grand ministère de la sécurité nationale, la création de 20 000 nouvelles places de prison et l’expulsion systématique des étrangers condamnés à de la prison ferme. Autres priorités : un moratoire sur l’immigration, la « baisse des cotisations sociales » et la « baisse des taxes sur les entreprises ».
On comprend donc que, dès la désignation de Barnier, Marine Le Pen ait fait savoir qu’elle attendait le discours de politique générale et que Marion Maréchal, enthousiaste, ait aussitôt déclaré : « Allons monsieur le Premier ministre, c’est le moment de tenir vos promesses ! ».
Et Barnier défendait aussi un service militaire obligatoire de 6 mois pour tous les garçons et filles….
Organiser la mobilisation contre un pouvoir de plus en plus réactionnaire
A l’inverse, il y a urgence (sans attendre l’installation de ce nouveau gouvernement) à organiser la mobilisation contre la politique du pouvoir macroniste : pour l’abrogation de la réforme des retraites ! Contre la réforme de l’assurance chômage ! Contre le renforcement des mesures prises contre les migrants ! Pour mettre fin aux dispositifs destinés à embrigader la jeunesse (y compris quand ils sont présentés comme expérimentaux ou facultatifs) : SNU, classes Défense, uniformes à l’école… ! Pour annuler les réformes disloquant l’enseignement public (groupes de niveau /de besoins, options éparpillant les classes de lycées…) ! Contre le budget ! Pour donner tous les moyens nécessaires aux hôpitaux, aux services d’urgence…et, bien évidemment, contre toutes les autres mesures réactionnaires qui seront annoncées par ce gouvernement.
Cette mobilisation passe par la mise en place de collectifs intégrant les syndicats, de comités d’action.
Sur cette base, un mouvement spontané peut surgir, contre le projet de budget, niant toute légitimité à un gouvernement macroniste, ouvrant la voie au combat pour un gouvernement au service des travailleurs.
5 septembre 2024