Unité contre la criminalisation de la jeunesse ! En défense des droits démocratiques !
À en croire les medias, Macron serait le plus jeune président de la Ve République, et son Premier ministre nommé en janvier dernier le plus jeune Premier ministre de la Ve République.
De jeunes vieillards politiques.
Des vieillards qui rabâchent les vieux discours de la bourgeoisie et s’appliquent à mettre en œuvre une archaïque politique contre les acquis sociaux, contre l’École publique et la Santé, contre les droits démocratiques, contre la jeunesse désignée à la vindicte publique comme l’ennemie de la société.
Tu as peur de la jeunesse ? Tu réprimes !
Manifestement, ce très vieux – jeune Premier ministre redoute la jeunesse et veut faire des jeunes les boucs émissaires des difficultés économiques et sociales qui prennent à la gorge les salariés et les retraités, les chômeurs et la plus grande part de la jeunesse.
Emblématique de cette politique visant à criminaliser la jeunesse, la formule choc assénée – dans un tutoiement méprisant – par Gabriel Attal le 30 janvier dernier, lors de son discours de politique générale. Il avait annoncé un « principe simple » : « Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu défies l’autorité, tu apprends à la respecter », avait-il scandé, en visant « Ces jeunes, très jeunes parfois, qui semblaient avoir déjà coupé les ponts avec notre société », faisant référence aux « émeutes » urbaines du début de l’été 2023.
Très content de cette formule, Attal n’a cessé depuis de la répéter. Pourtant, il n’en est pas l’inventeur. Martelée par deux députés pro-macronistes (Bournazel et Houbron) à l’occasion des élections municipales de 2020, elle avait vertébré un texte de loi votée le 26 novembre 2020, développant le recours aux travaux d’intérêt général (TIG) et obligeant les auteurs de dégradations à les réparer.
Mais, regrette Attal, « on ne peut pas aujourd’hui prononcer de peine de travail d’intérêt général » pour les moins de 16 ans. Qu’à cela ne tienne, on inventera pour eux le travail d’intérêt éducatif (TIE). « Cela fera partie d’une revue de l’échelle des sanctions dans nos établissements scolaires », a-t-il précisé, et ce « dès le plus jeune âge », confondant allègrement ministère de la Justice et Éducation nationale. (Les TIG actuels sont des sanctions pénales prononcées par un juge).
« Juguler la violence » ou « juguler la jeunesse » ?
Dans un discours prononcé le 18 avril à Viry-Châtillon, (marquée par la mort d’un adolescent de 15 ans), Gabriel Attal est allé plus loin dans le dénigrement de la jeunesse et la volonté de la réprimer. Il a dénoncé l’« addiction d’une partie de nos adolescents à la violence », appelant à un « vrai sursaut d’autorité » :
« C’est cela que nous sommes venus lancer aujourd’hui, depuis Viry-Châtillon : la mobilisation générale de la Nation pour renouer avec ses adolescents, juguler la violence » ;« Il y a deux fois plus d’adolescents impliqués pour coups et blessures, quatre fois plus pour trafic de drogue, et sept fois plus dans les vols avec armes que dans la population générale ».
Afin de « lutter contre l’oisiveté par tous les moyens », le Premier ministre a réaffirmé :« Tous les collégiens seront scolarisés, tous les jours de la semaine, entre 8h et 18h, à commencer par les quartiers prioritaires et les réseaux d’éducation prioritaire (REP). À 12 ans ou 13 ans, on n’a rien à faire dans la rue dans la journée. La place est à l’école, à travailler et à apprendre. »
Cette annonce n’est pas nouvelle : en juin 2023, Macron avait déjà annoncé à Marseille la généralisation de l’accueil des collégiens de REP+ de 8 heures à 18 heures.
Cette mesure (qui supposerait des moyens) vise explicitement la jeunesse des quartiers populaires.
De même, les « jeunes qui perturbent le plus gravement les cours », seront « sanctionnés sur leur brevet, leur CAP ou leur bac, et qu’une mention soit apposée sur leur dossier Parcoursup lorsqu’ils ont gravement perturbé la vie de l’établissement. »
Ensuite, pour que soit effacée cette mention infamante sur leur diplôme, leur dossier scolaire, le collégien, le lycéen devra réaliser des « mesures d’intérêt éducatives » et « bien sûr de se tenir à carreau », a-t-il ajouté.
L’Éducation nationale n’aurait donc plus comme mission d’instruire, de former, et de valider par un diplôme les qualifications acquises, mais de constituer de véritables casiers para judiciaires.
Autre proposition : remplir « les dizaines de milliers de places en internat qui sont désespérément vides. J’y vois une opportunité. (…). : avant qu’un jeune ne tombe vraiment dans la délinquance, lorsque l’on s’aperçoit qu’il commence à avoir de mauvaises fréquentations, à traîner dans la rue, nous proposerons aux parents que leur enfant soit envoyé en internat, loin de son quartier et de ceux qui le poussaient à plonger. »
Pour le ministre, la délinquance commence dès la petite enfance : « Nous devons aller plus loin. Dès la rentrée prochaine, nous instaurerons des commissions éducatives dès l’école primaire, avec des sanctions adaptées à l’école primaire. ». De fait, il s’agit de conseils de disciplines pour les élèves d’écoles primaires.
Mais Attal ne précise pas si les élèves de maternelles des quartiers populaires seront à leur tour concernés…
Ce n’est pas là une initiative du seul Gabriel Attal : c’est une réponse à la demande formulée par Emmanuel Macron de lancer une concertation contre le « surgissement del’ultra violence » des jeunes.
« L’ultra violence des jeunes » ? Mais pourquoi ne parler que des jeunes ? Pourquoi ne dire mot de l’ultra violence d’État pratiquée à coup de gaz lacrymogène et de flash-balls contre des manifestants ? de l’ultra violence des patrons qui licencient ? Des propriétaires immobiliers qui expulsent les locataires ?
Et pourquoi isoler des actes de violences largement médiatisés (d’une importance prétendument croissante alors que les données font débat) de l’ultra paupérisation d’une fraction de la population, de l’asphyxie organisée de l’aide sociale, de la politique d’austérité réduisant le nombre d’enseignants, d’éducateurs… ?
Guadeloupe : Tu redoutes la jeunesse ? Tu confines !
L’exemple de Point-à-Pitre est caricatural. De passage à la Guadeloupe, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a ainsi déclaré : « les mineurs sont extrêmement nombreux dans la délinquance malheureusement, en Guadeloupe en général et à Pointe-à-Pitre en particulier ».
Et il a ordonné le 17 avril l’instauration d’un couvre-feu pour les moins de 18 ans à Point-à-Pitre pendant deux mois. La mesure vise à lutter contre « une délinquance qui […] est de plus en plus jeune et de plus en plus armée ». Le couvre- feu s’appliquera à partir de 20h. « On ne peut pas laisser circuler des enfants de 12, 13, 14 ans, avec des armes, circuler à 22 heures dans la rue, s’en prendre à des policiers, s’en prendre à des touristes, s’en prendre à des passants ».
Mais quelles mesures pour endiguer la misère et le chômage ? Officiellement, 34,5% des Guadeloupéens vivent sous le seuil de pauvreté national. Cette pauvreté touche en particulier les familles monoparentales, les jeunes et les chômeurs, avec un taux de chômage qui est au moins le double du taux national.
Et la ville de Point-à-Pitre est financièrement en faillite, incapable notamment de faire face aux besoins d’éducateurs, aux besoins scolaires et péri scolaires.
Or les discours visant à sanctionner, punir, confiner la jeunesse, celle des quartiers populaires en particulier, se développent sans jamais contextualiser cette violence que le gouvernement prétend combattre. Discours qui vont très certainement s’amplifier avec l’approche des élections européennes, aiguisés par la concurrence entre les candidats macronistes, les Républicains et le Rassemblement national.
On n’est pas loin de « la chasse à l’enfant » évoquée par Jacques Prévert. [1]
Tout le monde ne souscrit pas à ces discours. Le Parti Socialiste de Guadeloupe dénonce un « cache-misère ». Le maire des Abymes – commune mitoyenne - se prononce contre l’extension du couvre - feu à sa commune : « Nous ne devons pas pénaliser ni stigmatiser pour autant l’immense majorité des jeunes mineurs qui à 20h s’adonnent à des activités saines hors de leur domicile. »
Et la section Guadeloupe du syndicat FSU de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (le SNPES-PJJ) se déclare scandalisé par ce couvre-feu, une « réponse politicienne qui se garde bien de répondre aux causes profondes de la délinquance » en rappelant : « En Guadeloupe, on manque de tout pour la prise en charge des jeunes en difficulté : manque de foyers éducatifs, de familles d’accueil, d’internats, de structures de soins en santé mentale en de personnels éducatifs dans les services public et associatifs, etc… ».
La situation est encore pire à Mayotte, où la moitié des habitants a moins de 18 ans et au 43% des jeunes (15- 29 ans) sont chômeurs : des jeunes forment des bandes pour survivre, leurs conditions de vie sont effroyables. Et les cambriolages commencent par le contenu du réfrigérateur. C’est une délinquance de survie
Or le gouvernement sait fort bien que la seule politique répressive ne suffira pas à atteindre son objectif de juguler la jeunesse. Il développe donc en parallèle une politique d’embrigadement de la jeunesse,
Tu crains la jeunesse ? La jeunesse tu embrigaderas ! (avec le SNU et les classes défense).
Le dispositif du Service National Universel se renforce pas à pas depuis l’arrivée de Macron au pouvoir. [2] Il vise à devenir obligatoire. Par prudence (et contraintes financières), le dispositif a d’abord été facultatif mais est désormais de plus en plus contraint. (Voir l’article page 11 de ce numéro).
Au-delà de possibles mobilisations conjoncturelles, le gouvernement vise à domestiquer la jeunesse sur le long terme, redoutant toute alliance de la jeunesse avec les mobilisations des salariés.
Et il ne s’agit pas seulement de cadenasser la jeunesse. C’est l’ensemble des salariés qui sont visés, le gouvernement combinant deux outils, l’embrigadement par le dialogue social, et la répression en remettant en cause les droits démocratiques, dont la liberté d’expression. Deux exemples récents l’illustrent.
Plainte pour « diffamation et injures publiques à l’encontre de la police et de la gendarmerie »
En l’affaire, c’est un militant syndical, Olivier Cuzon, co-secrétaire de l’Union interpro Solidaires 29, qui est visé par une plainte déposée par Darmanin le 19 avril, et qui a été auditionné au commissariat de Brest.
Le prétexte en est la publication d’un article portant le titre « Classe défense, défense de classe ! ». SUD éducation 29 y questionne l’intrusion croissante de l’armée dans l’école, à travers le SNU et les classes- défense, sous l’angle de récentes enquêtes du journal Médiapart (Ces enquêtes évoquant l’existence de groupuscules nazis, de groupes de discussions racistes parmi les policiers et gendarmes).
Ce faisant, le ministre de l’Intérieur s’inscrit dans une entreprise de criminalisation du mouvement social et syndical, d’attaques contre les libertés publiques et d’entraves au droit syndical.
Condamnation du secrétaire général de la CGT du Nord
Une tribune, publiée le 15 avril 2024, signée notamment par Baudouin Patrick, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Binet Sophie, secrétaire générale de la CGT ; Picard Alice, porte-parole d’Attac France ;Teste Benoit, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire FSU, rappelle les faits :
« Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de la CGT du Nord est poursuivi pour apologie du terrorisme suiteà un tract publié le 12 octobre à la suite des actes terroristes du Hamas. Comme la secrétaire administrative de l’union départementale, il a subi une interpellation musclée par des policiers cagoulés, devant ses enfants à 6h du matin, avec un menottage humiliant suivi de 6 heures de garde à vue.
Le jeudi 28 mars 2024 avait lieu son procès au tribunal correctionnel de Lille. 6 heures d’audience à décortiquer une phrase d’un tract de la CGT du Nord rédigé collectivement, et assumé par Jean-Paul en sa qualité de secrétaire général.
La procureure de la République a requis une condamnation à un an de prison avec sursis pour apologie du terrorisme. Une réquisition d’une gravité inédite ». Et cette Tribune, qui appelait à la relaxe du syndicaliste, observait que cette procédure s’inscrivait « à l’évidence dans la vague d’interdictions de manifestations de soutien aux palestiniens et de poursuites pour apologie du terrorisme à la suite d’une circulaire de la chancellerie ». Elle notait également : « L’instrumentalisation de la justice à des fins politiques n’est pas qu’une vue de l’esprit ou un moyen de défense. C’est une réalité de plus en plus prégnante et inquiétante. »
Le 4 avril, ce fut le tour de Kamel Brahimi, secrétaire général de la CGT 93 d’être interpellé et placé en garde à vue pendant plus de 7 heures pour une simple participation à une manifestation symbolique et pacifique. Ce même 4 avril, Laurent Indrusiak, secrétaire général de la CGT de l’Allier comparaissait au tribunal de Montluçon avec deux autres militant-e-s suite à une opération escargot sans aucune dégradation. ». [3]
Le 18 avril, le tribunal n’en condamnait pas moins ce militant, conformément au réquisitoire, à un an de prison avec sursis. Car il s’agit pour l’État de briser les mobilisations en défense du peuple palestinien, mobilisations qui se dressent de facto contre l’appui apporté au colonialisme israélien par le gouvernement français, mais aussi par le gouvernement américain et ceux de l’Union européenne.
Escalade de la politique répressive
À l’évidence, la solidarité avec la Palestine est devenue un délit. Les exemples ne manquent pas : militants. convoqués par la police pour des auditions au motif de l’apologie du terrorisme, double interdiction (par le président d’université de Lille puis par le préfet de région) d’un meeting pour la Palestine que devaient tenir deux élus du Mouvement de la France Insoumise (MFI), interdiction par le préfet de police de Paris d’une marche prévue le 21 avril 2024 au prétexte qu’elle pouvait porter en son sein des slogans antisémites…C’est au point que le tribunal administratif Paris, statuant en référé, s’alarmant d’une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifestation, annulait la décision du préfet de Paris.
Mais on ne mettra pas en échec cette escalade de la politique répressive par de simples « Tribunes ».
C’est une réponse unitaire qui est nécessaire, dans laquelle les syndicats ont un rôle décisif à jouer. D’autant plus décisif que les partis politiques issus du mouvement ouvrier sont-eux-mêmes divisés face à Macron, entravent tout combat uni et centralisé pour en finir avec cette politique, ce gouvernement.
Une première réponse serait d’en finir avec les concertations, avec le dialogue social qui se poursuit imperturbablement selon les vœux du gouvernement. Sur cette base, une réponse unitaire serait d’appeler à une manifestation centrale contre Macron et son gouvernement, contre cette politique liberticide.