Social , Violences physiques et discriminations
Le SNU n’est pas apolitique
Le règlement interne du séjour de cohésion du SNU l’atteste : le SNU n’est pas apolitique ; il s’agit lors de ce séjour de 12 jours d’imposer aux jeunes des rites politiques et de les endoctriner. Le tout financé par les deniers du contribuable.
Inculquer des rites politiques
Dans le cadre du séjour de cohésion du SNU, la soumission à des rites politiques est ouvertement affirmée.
Ainsi le règlement intérieur de 2023-24 explique, en préambule de la partie « Symboles et rituels républicains », que le séjour de cohésion est « rythmé par des rituels républicains. Ceux-ci sont expliqués en amont par les encadrants. Les jeunes volontaires sont associés à leur préparation et y participent de manière active ».
Dans cette partie « Symboles et rituels républicains », on trouve deux paragraphes : le premier correspond à la tenue obligatoire, « qui symbolise les valeurs de cohésion et d’égalité », et le second correspond à des « cérémonies » qui sont de trois types : cérémonies quotidiennes de lever des couleurs au chant de la Marseillaise, cérémonies d’ouverture et de clôture du séjour (« organisées par les autorités civiles et militaires de l’État dans le département ») et cérémonies de commémorations nationales organisées par les communes voisines du centre SNU.
Ces cérémonies constituent des rites politiques. Plus particulièrement, le lever quotidien des couleurs est un cérémonial militaire : c’est dans certains cadres, codifiés, que les militaires doivent hisser et rentrer le drapeau tous les jours [1]. Le SNU présente ainsi des rites militaires, qui sont une forme particulière de rite politique. En outre, faire pratiquer un tel rite par des jeunes civils de 15 à 17 ans peut apparaître également comme une volonté de transformer ce rituel militaire en rituel civil… et de militariser la vie civile.
Dans tous les cas, ces rites (ou rituels) imposés aux jeunes pendant le séjour ont une fonction très politique.
Rôles des rites politiques
Pour rappel, de 1694 à 1878, l’Académie française a défini ainsi le rite : « Ordre prescrit des cérémonies qui se pratiquent dans une religion. Il se dit surtout en parlant de ce qui regarde la religion chrétienne, et ne s’emploie guère que dans le dogmatique. » Il s’agit donc d’une prescription qui relève de l’obéissance à un dogme et donc la soumission à une hiérarchie.
En 1935, la définition de rite est modifiée et devient : « Ensemble des règles et cérémonies en usage dans une religion. ». Puis l’édition actuelle (de 1992) ajoute à l’entrée religieuse une entrée anthropologique : « Toute pratique réglée, à caractère symbolique ou magique, qui a cours dans une société donnée, pour une circonstance de la vie privée ou publique. ».
Les termes rites et rituels sont souvent employés l’un pour l’autre. De façon rigoureuse le rite est une pratique codifiée, le rituel est un produit de cette codification : un rituel est l’« Ensemble des gestes, des paroles, des attitudes qui sont prescrits aux membres d’une religion, d’une communauté, d’une société pour l’accomplissement d’une célébration ou dans une circonstance particulière. ». (Académie française) On parle ainsi des différents rituels d’une cérémonie (comme celle d’un mariage).
Quels sont les rôles des « rites politiques » ?
La page officielle www.snu.gouv.fr/ indique que le SNU permet une « expérience de la cohésion et de la fraternité (…) par les cérémonies » et la page précisant le contenu du séjour de cohésion indique que « les rites républicains » font partie des « activités de cohésion ». Et de donner l’exemple du « lever des couleurs, rituel républicain ».
Les analyses anthropologiques ont certes montré que les rites politiques avaient un rôle d’intégration, fondé par l’adoption de règles et rôles communs (un mode d’intégration qui ne peut qu’interroger quand on lit que le SNU se veut être « un projet éducatif d’émancipation » [2]…). Mais ce n’est pas là le seul rôle des rites politiques. Les rites politiques ont aussi pour objectifs l’« affichage de positions » politiques et l’« inculcation d’une morale civique » (passant notamment par la « sécurisation par représentation forte de l’ordre dominant » et « l’exaltation collective produisant une catalyse des énergies »). Enfin « l’idéologie dans le rite sert à légitimer un pouvoir ». (d’après l’anthropologue Claude Rivière [3]).
Ainsi, participer à une cérémonie de lever des couleurs n’est pas neutre politiquement, d’autant plus si cette cérémonie est faite de façon quotidienne (il s’agit d’un « affichage de positions »). Au-delà l’acceptation du rite du lever des couleurs, avec levée du drapeau et chant de la Marseillaise, par les jeunes au SNU vaut légitimation du pouvoir en place.
Certains jeunes ne voient dans le « lever des couleurs » qu’une contrainte qui vaut le coup d’être effectuée en échange d’activités de loisirs gratuites et loin de chez eux. Mais il s’agit de bien plus que d’une contrainte : à leur insu, ils se retrouvent à légitimer le pouvoir. L’État, quant à lui, sait très bien qu’il offre ainsi aux jeunes un séjour gratuit comportant certains loisirs, loin de chez leurs parents, en échange de la légitimation de son pouvoir via des rites politiques... et un endoctrinement.
Imposition de rites politiques contre liberté de conscience
La participation, en chaque début de journée, au « moment organisé autour des symboles de la République, en particulier le lever des couleurs et le chant de l’hymne national (…) est obligatoire ». Toute absence à ces rituels républicains est punie (un tableau indicatif des sanctions est mentionné dans le règlement intérieur, dans lequel « Retard » et « Absence » sont sanctionnés par une punition). C’est l’autorité disciplinaire (comme le chef de centre) qui décide de prononcer (ou non) toute sanction.
Certes les jeunes doivent signer le règlement intérieur avant d’aller au séjour de cohésion, ce qui revient à accepter le rituel de lever quotidien du drapeau, mais la garantie de la liberté de conscience leur donne le droit de changer d’avis au cours du SNU, ce que le règlement intérieur leur interdit.
Le règlement intérieur du SNU est ainsi contraire à la déclaration des droits de l’Homme : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » (article 10).
De façon perverse, le règlement intérieur explique que « Les convictions religieuses, politiques et idéologiques de chacun sont respectées mais ne doivent pas donner lieu à des actes de pression, de provocation, de propagande ou de prosélytisme »… tout en punissant (ou menaçant de punir) le refus de se soumettre à l’idéologie du gouvernement (via la réalisation de rites). Une telle punition est en effet un acte de pression et la menace d’une telle punition est une menace d’acte de pression.
Quelle République ?
Enfin, le règlement intérieur regorge du terme « républicain », associé aux termes de « valeurs », « symboles » et « rituels ». Il est ainsi expliqué que « La promotion des valeurs républicaines et l’éducation à la citoyenneté (…) sont au cœur des finalités du séjour de cohésion » (phrase présente deux fois dans le règlement intérieur !) et « Le séjour de cohésion vise à promouvoir les valeurs républicaines et l’engagement au service de la Nation ».
Ce terme « républicain » est employé de façon très idéologique. En effet, une république est une « organisation politique d’un État où le pouvoir est non héréditaire, partagé et exercé par les représentants (généralement élus) d’une partie ou de la totalité de la population » (CNRTL). Il y a donc plusieurs formes de républiques. La diversité des formes d’organisation politique des Républiques implique également plusieurs formes de structuration économique.
Ainsi par définition les Républiques bourgeoises ont pour fondement la propriété privée des moyens de production. Les Républiques des travailleurs peuvent s’ériger contre cette propriété privée, de façons diverses. Et aujourd’hui, par exemple, demander l’expropriation d’une grande entreprise privée (comme Sanofi) sans indemnisation ni rachat entre en opposition avec l’article 17 de la déclaration des droits de l’Homme (« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité »).
En outre, une République bourgeoise peut présenter plusieurs formes d’organisation du pouvoir : sans ou avec un président, et s’il y a un président celui-ci peut avoir énormément de pouvoir (comme sous la Ve République française) ou très peu (comme dans l’actuelle République fédérale d’Allemagne).
On doute que l’armée abordera pendant le SNU la notion de « République des travailleurs » et on doute également qu’il sera rappelé les différentes formes de républiques bourgeoises (et les débats pour ou contre l’élection d’un président au suffrage universel) qui ont eu lieu au cours de l’histoire de ce pays !
Ainsi, la « promotion des valeurs républicaines » réalisée lors du SNU correspond à la promotion des « valeurs de la Ve République française », une république bourgeoise au régime bonapartiste (avec notamment son 49.3, les pouvoirs exorbitants du président et l’affirmation de la propriété privée des moyens de production).
Mais au-delà du problème du type de république, l’utilisation du terme « valeur » en tant que tel pose problème. Le sens ici de « valeur » est celui « ce qui est vrai, beau, bien dans une société, à une époque » (Le Robert) et a un caractère moral. Derrière le terme de « valeurs républicaines » sont souvent mises les notions de la devise républicaine « liberté, égalité, fraternité ». Or de quelle liberté la Ve République fait-elle l’éloge ? « la liberté » d’expression… mais aussi celle d’exploitation (des travailleurs), « l’égalité »… civique mais pas sociale, « la fraternité »… avec notamment Marine Le Pen et les étudiants du GUD (!), mais pas avec les étrangers, comme l’a encore démontré il y a peu la dernière loi Macron-Darmanin.
Ainsi utiliser le terme de « valeurs républicaines », « symboles républicains » et « rituels républicains » à la place des termes de valeurs, symboles et rituels « de la Ve République » a pour objectif d’inculquer à la jeunesse (et plus largement à tout la population) un caractère immuable à la Ve République (et au-delà à toute République bourgeoise). Parler de « valeurs républicaines » au lieu des « principes de la Ve République », qui correspondent aux articles de la Constitution de la Ve République (comme notamment le 49.3, l’état de siège…), vise à sacraliser ces principes et, en les associant à la notion de « bien », à les rendre incritiquables.
« Neutralité » et « engagement » au service de la Ve République
L’orientation politique du gouvernement est donc cachée via l’utilisation de la notion de « valeurs républicaines », qui pour lui serait apolitique, ce qui est faux. Cette position l’amène même au sein du règlement intérieur (du séjour de cohésion du SNU) à écrire d’une part que « Les convictions religieuses, politiques, idéologiques de chacun sont respectées » tout en écrivant d’autre part que le « respect des valeurs républicaines » passe par la... « neutralité »
[4]...
Enfin, alors que la page officielle du SNU snu.gouv.fr incite à « s’engager » au SNU pour notamment « connaître les formes d’engagement », il s’agit dans la réalité d’inculquer aux jeunes certaines formes d’engagement (pas toutes !) et selon quatre thématiques : « esprit de défense, transition écologique, solidarité et égalité des chances. »
La thématique écologique a été introduite en cette année scolaire 2023-24 afin de « verdir » le SNU et de mieux leurrer les jeunes dans les objectifs réels du gouvernement. Cette thématique peut en outre recouvrir plusieurs orientations politiques. De même la notion de « solidarité » peut être déclinée de façon politique : les jeunes apprendront au SNU comment porter secours à quelqu’un… mais pas la solidarité financière (comme le rôle des caisses de solidarité ou avec un historique sur les origines de la Sécurité sociale … que Macron veut achever). L’« esprit de défense » est tourné vers celui de la Nation et son armée, il s’agit en premier lieu de défendre la bourgeoisie française et ses pouvoirs (et non à apprendre à se défendre contre les attaques patronales).
Quant à l’« égalité des chances », rappelons que ce concept est né après la seconde guerre mondiale en relation avec l’idée d’école « méritocratique » en opposition à une école qui promouvait une élite « sans mérite ». Le premier à promouvoir à grande échelle « l’égalité des chances » fut… le maréchal Pétain dans son « message au peuple français », le 11 octobre 1940 : « Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes, mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des chances données à tous les Français de prouver leur aptitude à servir (...). Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire. » Tombé en désuétude (on comprend pourquoi…), le concept réapparaît au début des années 2000, au sein d’une partie du patronat et dans certaines écoles (comme Sciences po en 2001), et au sommet de l’État (De Villepin déclarera en 2006 l’égalité des chances « cause nationale », peu après les révoltes de fin 2005). Ce concept d’« égalité des chances » permet de justifier les inégalités sociales (et contribue à les maintenir), il affirme que tout le monde a les mêmes chances et donc que si une personne ne s’en sort pas, c’est qu’elle n’a pas été assez talentueuse ou volontaire.
Objectifs politiques du SNU
Dans le préambule du règlement intérieur du séjour de cohésion sont mentionnés les trois objectifs du SNU. Le premier objectif est de « Renforcer la résilience de la Nation, en permettant aux jeunes d’acquérir les connaissances et compétences pratiques qui leur donnent la capacité d’intervenir en cas de crise la capacité d’intervenir en cas de crise. »
De quelle « crise » parle le gouvernement ? Sûrement pas de crise du logement ou de crise économique. Mais sûrement de l’incapacité de l’État à gérer le délabrement du système sanitaire ou la contestation de sa politique. Pour le gouvernement il s’agit d’apprendre à la jeunesse à mieux s’en remettre au dogme tout puissant de la Ve République en cas de telles « crises » (et donc à la Constitution qui donne la possibilité de restreindre nos libertés démocratiques lors de la réforme des retraites de 2023) et de trouver des « volontaires » qui s’engagent auprès de lui. Il s’agit d’apprendre aux jeunes à vivre avec les crises, et les dégâts qu’elles imposent au lieu d’en combattre les causes.
Le deuxième objectif est de « Développer la cohésion nationale, en favorisant le sentiment d’appartenance à la Nation et d’identification aux valeurs de la République. »
Parler de « cohésion nationale » suppose qu’il y a des fractures territoriales, éducatives, de classe sociales… Il s’agit donc pour le gouvernement de répondre à ces problèmes par un « sentiment » d’appartenance et d’« identification »… bref par de l’endoctrinement, et ainsi soumettre la jeunesse à l’ordre capitaliste.
Ces deux premiers objectifs sont également centrés sur un groupe, « la nation », affirmant ainsi une idéologie nationaliste.
Le troisième objectif est celui de « Promouvoir une culture de l’engagement » selon les quatre thèmes vus précédemment (esprit de défense, transition écologique, solidarité et égalité des chances. »). On l’a compris, cette « culture de l’engagement » doit être faite au service de la Ve République et de sa bourgeoisie.
Combattre l’endoctrinement
Ainsi le séjour de cohésion du SNU est un lieu d’endoctrinement de la jeunesse. Cet endoctrinement passe par des rituels politiques, qu’ils soient militaires ou non, l’inculcation d’une idéologie politique au service de la bourgeoisie française et une approche sélective des formes d’engagement. Une pression y est exercée sur les jeunes qui refusent cet endoctrinement, via notamment le règlement intérieur du séjour de cohésion du SNU qui s’inscrit contre la liberté de conscience et contre la liberté d’expression.
L’objection de conscience est souvent comprise comme le refus de participer au service militaire car l’on est contre l’usage personnel des armes. Mais l’objection de conscience va bien au-delà. Il s’agit du refus de réaliser tout acte imposé par une autorité et contraire à ses convictions, dont les convictions politiques. L’objection de conscience peut donc s’appliquer au SNU.
La lutte pour la liberté de conscience et contre le SNU passe ainsi par une critique sans relâche et argumentée du militarisme du SNU mais également de toutes les autres formes d’endoctrinement présentes dans le SNU.