Retrait du projet de loi asile – immigration !
Lors de sa campagne électorale de 2022, Emmanuel Macron annonçait une nouvelle loi sur l’asile et l’immigration. La 29e depuis 1980. Le 14 novembre, le Sénat a adopté, en première lecture, le texte « le plus ferme, avec les mesures les plus dures, de ces trente dernières années », selon le ministre de l’Intérieur. Les amendements déposés par le gouvernement à son propre texte, ceux votés par le Sénat (avec l’aval de G. Darmanin) s’alignent sur les exigences des Républicains et sur la stratégie du Rassemblement national. Macron et Darmanin instrumentalisent le contexte politique, stigmatisant encore plus les étrangers, assimilés à des délinquants, voire à des terroristes. Cela ne permet en rien de lutter contre les agressions et attentats. C’est cette politique qui crée des sans-papiers !
Un « projet équilibré » ?
Macron et Darmanin parlent d’un « projet équilibré ». C’est la même rhétorique que l’on retrouvait dans l’entre-deux-guerres : on ferme de plus en plus les frontières mais… c’est pour mieux accueillir !
Dans les années 60, la France a accueilli plusieurs millions d’étrangers. « À l’usine, sur le chantier, un ouvrier sur trois n’est pas Français », expliquait un reportage de 1964. Mais derrière la générosité, il y a toujours un intérêt d’État. « La France a besoin de main d’œuvre étrangère, du fait de son expansion économique qu’elle connaît depuis un certain nombre d’années », déclarait le directeur de l’Office d’immigration (créé en 1945) Il précisait que ce « sont souvent aussi des travaux peu rémunérés. » Aujourd’hui, si l’État ferme les vannes, c’est que l’économie a moins besoin d’une main-d’œuvre immigrée.
« Il faut une intégration par le travail (...) et mettre fin au travail au noir. Il faut une immigration pragmatique, réviser la liste des métiers en tension (...) car des domaines ont des besoins. » indiquait Gérald Darmanin en novembre 2022. [1] L’article 3 du projet veut « créer un titre de séjour métiers en tension ». Or la possibilité de « régularisation exceptionnelle par le travail » existe déjà. La loi Hortefeux de 2007 a déjà instauré un système de liste de métiers en difficultés de recrutement et la circulaire Valls de 2012 permet, sous certaines conditions, une régularisation par le travail.
Pour pallier les difficultés de recrutement de certains secteurs (serveurs de cafés-restaurants, chaudronniers, aides à domiciles…), le gouvernement veut un titre totalement dépendant des besoins d’un employeur, qui soumet plus encore les travailleurs aux aléas du marché, exacerbant la concurrence pour faire baisser les salaires. Pour cela, on fabrique des travailleurs encore plus exploitables et « jetables ».
Car cette politique va de pair avec la généralisation de la précarité pour tous les travailleurs : destruction de l’assurance chômage, des droits à la retraite, du droit à l’enseignement pour tous les jeunes…
Stigmatiser, réprimer toujours plus
Le projet de loi multiplie les barrières contre l’accès au séjour : attaques contre le droit à la vie familiale via le regroupement, la réunification ou les titres de séjour pour ce motif ; contrôle accru de l’immigration étudiante ; nouveaux motifs pour refuser ou retirer un titre de séjour ; instauration de quotas migratoires ; rétablissement du délit de « séjour irrégulier » ; passage à cinq ans de résidence stable (au lieu de 6 mois) et régulière pour l’obtention de prestations sociales ; augmentation de manière draconienne des exigences pour accéder au séjour, à la nationalité (10 ans de présence sur le territoire au lieu de 5) ; nouveau renforcement des possibilités d’enfermement et d’expulsion des personnes exilées… La suppression de l’aide médicale d’État (AME), l’exclusion des personnes sans titre de séjour du droit à l’hébergement d’urgence et du droit à la réduction tarifaire des transports visent à « rendre impossible » la vie des « sans-papiers ».
Les amendements du Sénat sont plus répressifs les uns que les autres. Il s’agit de créer un « ennemi intérieur », des boucs émissaires pour diviser toujours plus, et renforcer l’arsenal répressif, lequel pourra s’étendre à de nouvelles mises en cause des libertés démocratiques, être utilisé contre les mobilisations du monde du travail. L’arrestation puis l’expulsion de la militante palestinienne Mariam Abudaqa pour des raisons politiques en est une des dernières expressions. Cette répression se situe dans la lignée des mesures mettant en cause la liberté d’expression, de manifestation qui n’ont cessé depuis le 7 octobre, touchant des élus, militants politiques, militants syndicaux et organisations solidaires de la Palestine.
Quel combat ?
Pour faire voter cette loi, le gouvernement entend « co-construire avec le Parlement un texte ferme ».
Devant la commission de lois, le 21 novembre, Darmanin n’a pas caché que dans le texte voté au Sénat ont été ajoutés des « cavaliers législatifs qui seront censurés ». Cela sera vraisemblablement un moyen de marchandage pour justifier qu’un « recul » doit permette le vote de cette loi à l’Assemblée.
Le 11 septembre une trentaine de parlementaires (Modem, Renaissance, PCF, EE-LV, PS) signaient une tribune [2], appelant à la régularisation de sans-papiers, souvent en première ligne, dans des secteurs en tension. Une autre tribune [3] en a fait la critique, demandant la régularisation de tous les travailleurs et travailleuses sans papier. Mais quid de ceux et celles qui n’ont pu, même illégalement, accéder au travail (faute de « papiers ») ? Et ce texte ne demande pas plus le retrait du projet de loi asile-immigration.
Aujourd’hui, une autre campagne à l’initiative d’associations propose à chaque citoyen d’interpeller les députés de sa circonscription directement par mel et/ou par X afin qu’ils s’opposent à ce texte [4].
Or ce projet de loi est totalement réactionnaire : il est à combattre dans son entièreté. Il n’est ni amendable ni négociable. La grève des 600 travailleurs sans papiers en Île-de-France a permis l’obtention de CERFA [5] pour la quasi-totalité des grévistes, en quelque jours ; elle a rappelé le rôle central des travailleurs immigrés, du syndicalisme. L’expérience des retraites le montre : seule la mobilisation unie des travailleurs et de leurs organisations peut imposer le retrait, en se fixant l’objectif d’infliger une défaite à Darmanin et au gouvernement de Macron. C’est ce combat qu’il faut aider à construire.