Loi « plein emploi », France Travail : livrer au patronat une main d’œuvre servile
Le 14 novembre 2023, le Parlement a définitivement adopté le projet de loi « pour le plein-emploi » après que députés et sénateurs aient trouvé, en commission mixte paritaire, un accord sur un texte final.
Ce projet qui avait été transmis à l’Assemblée nationale le 12 juillet, fait suite aux mesures prises par Macron lors de son premier mandat, notamment la réforme-destruction de l’assurance chômage [1]. Il a été préparé par le rapport de la Mission de préfiguration France Travail dirigée par Thibault Guilluy [2] à qui le gouvernement avait confié une mission de concertation et de préfiguration sur la transformation du Service Public de l’Emploi en France. Si les parlementaires et le gouvernement ont apporté des modifications au cours des discussion, l’essentiel des objectifs a été maintenu. [3]
E. Borne présentait ainsi ce projet de loi : « Depuis un an, avec le ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, Olivier Dussopt, nous avons engagé des chantiers majeurs : en allant au terme de la réforme de l’assurance chômage, devant laquelle tant de majorités avaient reculé ; en menant la réforme des retraites, qui va permettre d’assurer le financement de notre modèle social et favoriser l’emploi des seniors ; et en lançant, sous l’égide du président de la République, et avec le ministre de l’Éducation nationale, la réforme du lycée professionnel, pour le rapprocher des métiers. Aujourd’hui, le projet de loi pour le plein emploi est la quatrième étape de notre action ».
Pour Macron, le « plein emploi » c’est la mise à disposition des entreprises d’une main d’œuvre docile, et bon marché. Ce qui impose de détruire tous les acquis essentiels du prolétariat arrachés par les luttes. Voilà pourquoi « le plein emploi » est placé au cœur de la feuille de route » du Gouvernement.
« Plein emploi » ou travail forcé ?
C’est une offensive brutale qu’engage ce projet de loi contre tous les travailleurs précaires, les privés d’emploi, allocataires des minima sociaux, jeunes en insertion, voire même les travailleurs handicapés. L’objectif fixé à l’opérateur France travail est de répondre aux besoins immédiats des entreprises, notamment celles des secteurs en tension de recrutement. Non d’améliorer le sort des demandeurs d’emploi. Or, les secteurs en tension sont connus de longue date. Ce sont ceux qui cumulent de faibles salaires et de mauvaises conditions de travail. L’objectif de Macron n’est donc pas de contraindre les entreprises à augmenter les salaires, mais de dégrader plus encore les conditions de vie des chômeurs, les bénéficiaires du RSA, des jeunes, voire les personnes en situation de handicap, afin de les contraindre à prendre n’importe quel emploi vacant. Et pour cela, d’accroître les pressions sur les salariés chargés de les accompagner.
Le Réseau pour l’emploi : vers la privatisation du service public de l’emploi
Le projet de loi prévoit de rassembler dans un même Réseau pour l’emploi (initialement nommé Réseau France Travail) l’État, Pôle emploi, les Missions locales jeunes, Cap emploi, les collectivités territoriales (régions, départements, communes), d’autres acteurs dont la liste s’est étoffée lors des débats parlementaires, les Caisses d’allocations familiales (CAF) et CMSA chargées de verser le RSA.
Il y aurait une répartition des publics : France travail (ex Pôle emploi) pour les demandeurs d’emploi ; le département pour les bénéficiaires du RSA ; les missions locales pour les jeunes de 16 à 25 ans ; les organismes référents en matière de handicap pour les travailleurs handicapés. Mais aussi d’autres organismes privés fournissant des services en lien avec l’insertion, la formation, l’accompagnement à l’emploi. L’appel à des prestataires privés sera tout à fait possible sur la base d’un conventionnement avec l’État, avec des récompenses selon les résultats.
La gouvernance assurée par un « comité national pour l’emploi » [4], présidé par le ministre de l’Emploi, fixera les règles de fonctionnement du réseau et définira les orientations stratégiques au niveau national. Des « comités territoriaux pour l’emploi » sont aussi prévus aux niveaux régional et départemental et dans les bassins d’emploi.
Le projet de loi s’appuie sur les propositions issues de la concertation lancée en septembre 2022 avec des représentants d’entreprises, des « acteurs locaux » et les syndicats.
Si quelques modifications ont été apportées par la loi au Rapport de synthèse de la mission de préfiguration de France travail, le schéma ci-dessous issu de ce rapport (ex : Réseau pour l’emploi remplace Réseau France travail), met en évidence la poursuite de la libéralisation du Service public.
Source : Rapport de synthèse de la mission de préfiguration de « France Travail », avril 2023
C’est une véritable marche à la privatisation du Service public de l’emploi (SPE) qui est engagée. Ce que confirme le ministre du Travail O. Dussopt, le 26 janvier dernier lors de ses vœux à la presse : « cette nouvelle organisation du service de l’emploi… je dis service de l’emploi sans préciser service public car nous pensons à un certain nombre d’acteurs qu’il faut embarquer dans ce chantier tels que les acteurs associatifs, les acteurs privés, et tous ceux qui, dans les territoires, concourent à cet objectif de plein emploi. ».
Une territorialisation renforcée
La gouvernance du « Réseau pour l’emploi » est déclinée à chaque niveau sous la présidence de l’État ou des Collectivités territoriales correspondantes (selon leurs champs de compétences) et une animation assurée par l’Opérateur France Travail (Pôle emploi). Les organisations syndicales et patronales sont présentes au niveau national et régional.
Mais le rôle de l’État reste prépondérant. Cette territorialisation s’intègre dans la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (cf. la loi 3DS) qui accroît le rôle des préfets de régions comme de départements dans la mise en œuvre de la politique d’austérité du gouvernement (et de la mise en cause du statut des personnels).
Par le biais d’une contractualisation à tous les niveaux (national, régional, départemental communal), avec la signature de chartes, de pactes… l’État organisera le pilotage selon les résultats. Les orientations et les mesures prises seront différenciées selon les territoires C’est donc une nouvelle décentralisation des politiques publiques en matière d’emploi qui s’annonce. Cela induit aussi un processus d’éclatement des conventions nationales et des statuts des salariés.
Un service public transformé en police des précaires
Même si chaque opérateur garde sa propre gouvernance actuelle, leurs missions se réduisent au profit du seul objectif gouvernemental : accélérer les parcours et le retour à l’emploi coûte que coûte.
Il s’agit de poursuivre les objectifs du ministère du « Travail, du Plein emploi et de l’Insertion » - créé en 2022 -, et des deux réformes du chômage de Macron : faire baisser coûte que coûte le taux de chômage, non pas en contraignant les entreprises, mais en continuant à soumettre les privés d’emplois à une précarité grandissante et à augmenter la pression, déjà importante, sur les agents de Pôle emploi. En les transformant en véritable police au service des entreprises.
Pour répondre aux injonctions des patrons, en septembre 2022, le gouvernement a mis en place un « Plan métiers en tensions ». Pôle emploi a créé des « portefeuilles Métiers en Tension », soit « un vivier de candidats motivés et prêts à l’emploi ou susceptibles de l’être moyennant une action rapide d’adaptation », indique la CGT. Avec ce vivier de « privés d’emploi inscrits (en formation ou en réorientation professionnelle) dans les secteurs de la Santé/Social, des Transports, de la Restauration/Hôtellerie étendue demain à l’« Industrie dite verte » ou en Ile de France à la sécurité en prévision » des Jeux Olympique 2024 », il s’agit « contraindre les travailleurs privés d’emploi à accepter des offres aux conditions de travail dégradées, aux salaires minima, au temps partiel subi… » [5]. Et, pour cela, le droit du salarié à l’accès à une formation selon le choix est totalement nié.
La loi « Pour le plein emploi » qui imposera une inscription généralisée auprès de l’opérateur France Travail sera mise en place, au plus tard en 2025, pour toutes les personnes sans emploi.
Seront concernés :
- les demandeurs d’emploi qui relèvent aujourd’hui de Pôle emploi ;
- les demandeurs du revenu de solidarité active (RSA) (et leur conjoint, concubin ou partenaire pacsé) ;
- les jeunes demandant un accompagnement auprès des missions locales ;
- les personnes handicapées sollicitant un accompagnement auprès de Cap emploi.
Chaque personne accompagnée ou bénéficiaire du RSA signera un contrat d’engagement d’une durée hebdomadaire de 15 heures minimum d’activité (immersion en entreprise, remise à niveau, formation, contrat aidé...). Le non-respect de ces engagements conduira à la suspension des droits (art. 2). Et la centralisation des données permettra un contrôle sans précédent de toute ces personnes.
Des personnels à formater
Avec l’algorithme qui remplacera le premier niveau d’information, nombre de chargés d’accueil en CDD ou partant en retraite ne seront pas remplacés. Avec la création de l’Académie France Travail, sous couvert de favoriser « les échanges, l’entraide entre professionnels, le partage de pratiques, d’expertises et d’expériences », les professionnels d’un ou plusieurs territoires seront mis en réseau. Il s’agit de formater les personnels de l’accompagnement, notamment ceux de Pôle emploi, des Missions locale. Et ces « Communautés France Travail » renforceront la mise concurrence et la pression sur les personnels.
Le métier des « opérateurs France travail » est bouleversé : de conseillers à l’emploi, ils deviennent conseillers en recrutement pour les entreprises, y compris les boîtes d’intérim. Et ils sont chargés d’assurer le contrôle policier des demandeurs d’emploi.
Ce réseau d’acteurs a donc pour objet de mobiliser, centraliser, adapter une main d’œuvre mobile, formées aux compétences nécessaires aux besoins des entreprises et à leur évolution constante.
Quel avenir pour les jeunes ?
Ces mesures s’appliqueront aux jeunes suivis par les missions locales.
Le Contrat d’engagement jeune (CEJ) remplace la Garantie jeunes depuis mars 2022. Le CEJ a déjà « mis en cause l’accompagnement global réalisé par les Missions locales » [6], indique la CGT. Il est mis en place par Pôle emploi, les Missions locales mais aussi par des Organismes privés de placement (OPP). Dès 2022, sur les 400 000 CEJ annoncés, Pôle emploi devait en accompagner 100 000, les Missions locales devaient en prendre en charge 200 000 (or, en 2021, faute de moyens, elles n’ont pu accompagner ce même nombre de jeunes). Par contre 100 000 CEJ étaient dévolus aux OPP.
Pour la CGT, « Déployer et faire reposer ce dispositif sur une application mobile sur le modèle de la « start up nation » cher à notre président, c’est méconnaitre la nécessité d’un accompagnement en présentiel dont ont besoin les jeunes mais aussi l’illectronisme qui pèse sur les jeunes en grande difficulté sociale ».
Avec 15 à 20 heures d’activités (ateliers, stages, formations, entretiens…) bricolées par les Missions locales, Pôle emploi déjà en sous-effectif, le CEJ « ressemble d’ailleurs plus au choix assumé de satisfaire les besoins immédiats du patronat local plutôt que de permettre aux jeunes de bénéficier d’un parcours d’orientation et de formation leur permettant de s’insérer durablement dans la vie professionnelle ».
La Commission nationale des Missions locales (FNAS-FO) s’inquiète des mesures visant à promouvoir le travail précaire, l’auto-entreprenariat, l’encouragement du temps partiel.
Tout cela s’articule à la réforme des lycées professionnels. Avec l’augmentation de 50% des stages, l’évolution de la carte des formations, qui selon Macron ne doit répondre qu’aux besoins du bassin d’emploi, il s’agit d’empêcher les jeunes de se former au métier de leur choix. Cette volonté de calibrer les filières pour les secteurs en tension, aujourd’hui désertés par les actifs qualifiés, est intolérable.
À noter que le système introduit avec le CEJ a préparé l’attribution du RSA à des conditions similaires.
De l’assurance chômage à l’aumône
Les bénéficiaires de l’assurance chômage seront soumis à une obligation renforcée d’accepter une offre d’emploi sous peine de suppression de leur allocation. L’objectif est de contraindre les demandeurs d’emploi à prendre les emplois vacants dans le territoire, d’accepter des postes ou des formations qui ne leurs conviennent pas et à n’importe quelle condition. Une aubaine pour le patronat.
Le montant et la qualité de cette prestation a ensuite diminué progressivement jusqu’à 57 % du salaire brut, avec contrôles pénalités possibles. Faire de l’indemnisation un outil d’incitation au retour à l’emploi était au cœur de la création de Pôle emploi en 2008 (fusion de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), opérateur public, responsable du placement des chômeurs et le groupe Unedic/Assedic).
Les cotisations patronales ont baissé (exonérations menées depuis Sarkozy).
Les réformes de Macron ont achevé le processus.
Depuis le 1er octobre 2018, la part salariale des cotisations a été supprimée. C’est désormais pour une part l’État, via les impôts, qui finance cette prestation (même les retraités, qui n’ont plus besoin du chômage, financent via la CSG). Cela a permis à l’État d’imposer la réduction des prestations d’Assurance-chômage. C’est celui qui finance qui décide.
Avec les décrets Macron de 2019, puis la loi du 21/12/2022, le mode de calcul de l’allocation chômage a conduit à réduire l’indemnisation. En moyenne, les chômeurs indemnisés perçoivent 960 € net par mois, versés sous conditions par Pôle Emploi. De plus, avec la loi de 2022, la durée de l’indemnisation varie en selon marché du travail (si le taux de chômage est inférieur à 9%, cette durée est réduite de 25%).
C’est la mort de l’assurance chômage qui organisait la solidarité entre travailleurs actifs et travailleurs non occupés. Le travail du salarié n’ouvre plus des droits. L’État fournit une aumône contre des « devoirs » : c’est le retour au système de charité qui impose la soumission des demandeurs et détruit la solidarité entre les travailleurs.
Activités forcées pour les allocataires du RSA
Le Revenu Minimum d’Insertion (RMI), créé en 1988 par Rocard pour les personnes de plus de 25 ans privées de ressources, a ouvert la voie au démantèlement de l’assurance chômage. Le RMI (devenu RSA en 2008) est la négation de la Sécurité sociale. Il participe du processus d’étatisation de la protection sociale (renforcé en 1990 par l’introduction de l’impôt CSG). À un système financé par les cotisations sociales qui ouvre des droits, organise la solidarité ouvrière, on substitue une « aide nationale », un nouveau type de charité (nommé « solidarité nationale »). Au « droit au travail » (qui inclut le droit aux indemnités de chômage) et induit la responsabilité du patronat à proposer un emploi, on substitue le devoir du travailleur sans emploi à travailler gratuitement pour percevoir une aumône.
Macron veut réaliser ce que Rocard n’avait pu faire : imposer la conditionnalité du RSA. L’allocation (607,75€ actuellement pour une personne seule) sera soumise à un « parcours intensif » (variable selon les besoins du territoire) : 15 à 20 heures « d’activité » par semaine sous forme de formation, d’atelier CV, ou stages en entreprise. Elle sera suspendue si l’allocataire refuse. Actuellement, 18 départements expérimentent le nouvel « accompagnement » du RSA jusqu’à fin 2024. [7] La loi « plein emploi » en impose la généralisation. Le terme « activité » n’étant pas précisé, il est clair que l’objectif est de fournir de une main d’œuvre quasi gratuite. Le RSA étant financé sur fonds publics, risque d’être supprimé.
Extension de la notion de travailleurs handicapés
La loi Plein emploi légalise les préconisations de la Conférence Nationale du Handicap présidée par Macron (26 avril 2023) [8].
Toute personne qui a obtenu une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) délivrée par une MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapées) sera d’office inscrite comme « demandeuse d’emploi » à l’opérateur France Travail (Cap emploi).
Ce ne sont plus les équipes pluridisciplinaires de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées des MDPH qui évalueraient et préconiseraient sur la base d’un dossier et d’un avis médical l’orientation vers le milieu protégé ou vers des établissements et services de réadaptation professionnelle !
Ce sont les équipes de Cap qui assureraient l’accompagnement et le diagnostic d’employabilité et qui orienteraient vers une entreprise ordinaire, ou une entreprise adaptée ou protégée (ESAT). Ce qui est contesté par les syndicats et associations de handicapés.
La loi va aussi favoriser le passage du travailleur porteur de handicap de l’entreprise adaptée au milieu ordinaire, avec la possibilité de signature de contrat à durée déterminée (CDD) « tremplin » et d’emploi dans des entreprise adaptée de travail temporaire.
L’amélioration des droits sociaux accordés aux travailleurs en ESAT (droit de grève, représentation syndicale, intervention de l’inspection du travail…) et de nouveaux droits individuels (complémentaire santé, remboursement des frais de transport...) ne peut compenser l’exploitation subie. Et le non-respect des données de santé, transmises automatiquement aux employeurs, favorisera les discriminations.
La reconnaissance du statut de travailleur concernera non plus les seules personnes qui en font la demande, mais sera attribuée automatiquement aux accidentés du travail, victimes de maladies professionnelles, titulaires de l’Allocation Adulte Handicapé, d’une pension d’invalidité, d’une carte « mobilité inclusion » avec mention « invalidité » et même aux mineurs accompagnés par une MDPH pendant leur scolarité.
Avec cette arrivée de nouveaux travailleurs reconnus automatiquement « handicapés » sans leur avis, c’est une masse de main d’œuvre qui sera orientée vers des entreprises sous le patronage de l’État. Cela permettra aux entreprises de ne pas payer la contribution financière dont elles doivent s’acquitter si elles n’emploient pas 6% de travailleurs handicapés. Une aubaine pour les employeurs privés.
« Comme pour les bénéficiaires du RSA », indique la CGT, « les privés d’emploi reconnus travailleurs handicapés sont soumis à l’obligation d’être dans une démarche active de recherche d’emploi (sous peine de sanctions), d’intégrer le milieu dit « ordinaire » et servir de vivier de mains d’œuvre précaire au bon vouloir du patronat ».
Formation professionnelle à la main des entreprises
Le programme national de formation prévu par la loi est essentiellement centré sur les besoins de entreprises, via des conventionnements avec les régions. Il s’agit de prioriser les actions de formation destinées à apporter des réponses directes aux entreprises « en tension » de recrutement. France Travail soutiendra massivement le développement de la formation en situation de travail (FEST), le contrat d’apprentissage, les formations à distance et la Validation des Acquis de l’expérience (VAE). Autant de mesures qui visent à l’acquisition de compétences spécifiques à un poste de travail.
Une opportunité pour les employeurs de ces secteurs connus pour leurs conditions de travail médiocres et les bas salaires (hôtellerie, restauration, etc.). Avec les formations délivrées par France Travail, les employeurs n’auront pas besoin d’augmenter les salaires ni d’améliorer les conditions de travail. Pour les privés d’emploi, c’est la négation du droit à une formation de son choix pour l’accéder à une qualification reconnue au sein d’une « classification » et d’une Convention Collective nationale, lui permettant de percevoir un salaire correspondant et un emploi pérenne en CDI.
La CAF au service de France Travail
La branche famille de la Sécurité sociale qui est aussi gestionnaire du RSA devra partager avec France Travail ses informations sur les bénéficiaires du RSA pour faciliter le contrôle des ressources et le respect du contrat d’engagement. En lien avec les collectivités locales, la CAF participera au financement de l’offre d’accueil de la petite enfance pour répondre aux besoins de ces futurs travailleurs mis au pas. La branche famille de la Sécu est donc directement mise au service de France Travail.
Le projet de loi stipulait que la mise en œuvre de la politique d’accueil du jeune enfant deviendrait une mission obligatoire des communes. L’État se désengageant une fois de plus de sa responsabilité au détriment des collectivités territoriales, alors que dans le même temps, il réduit les dotations de l’État. Les Républicains, au Sénat, se sont opposés à cette mesure. Le texte final a réintroduit l’article sur l’accueil de la petite enfance en précisant que « seules les communes de plus de 10 000 habitants seront tenues d’élaborer un schéma pluriannuel de l’offre d’accueil de jeunes enfants ». Les députés ont introduit un renforcement du dispositif d’autorisation et d’inspection des crèches. Il n’en reste pas moins que les décisions antérieures du gouvernement diminuant le taux d’encadrement par des professionnels sont maintenues, et que le nombre de crèches est notoirement insuffisant.
Quels combats pour la défense des droits des travailleurs ?
Sous couvert « d’amélioration », le projet de loi France Travail renforce considérablement le processus de destruction de l’assurance chômage, des lycées professionnels, des droits à la retraite… Il participe à la destruction des acquis arrachés (Code du travail, Sécurité sociale, service public). Le droit au travail, le droit à l’emploi (lequel « droit » inclut l’indemnisation des chômeurs à hauteur du salaire) devient une obligation de travailler à n’importe quel prix, et dans n’importe quelles conditions. Le « plein » emploi de Macron est en réalité un processus qui vise à précariser tous les travailleurs privés d’emploi, à livrer au patronal cette main d’œuvre correspondant à ses besoins. Et ce faisant, cela pousse à la baisse des salaires et à l’aggravation des conditions de l’ensemble des travailleurs.
Mais alors que durant des mois l’importante mobilisation contre la loi Macron sur les retraites a mis ouvertement en cause le pouvoir et Macron lui-même, comment le gouvernement a-t-il pu imposer cette loi qui est un nouveau bélier contre les droits arrachés par les mobilisations ouvrières ?
Macron a profité des mêmes raisons qui lui ont permis d’imposer sa réforme des retraites. Suite à l’échec de la mobilisation pour le retrait de la loi sur les retraites, le gouvernement a pu présenter, le 7 juin, sa loi « plein emploi » en Conseil des ministres.
De plus, comme pour la loi sur les retraites, ce projet annoncé dès septembre 2022 par Olivier Dussopt dans le cadre du projet « Objectif Plein Emploi » [9], a été préparé par des concertations (une vingtaine selon la CGT). Les syndicats ont accepté de participer à la commission dirigée par Thibault Guilluy ; ils ont même présenté des contributions (avec des « critiques » et des propositions). Ce faisant, ils cautionné ce projet de loi « Plein emploi », lequel concerne l’ensemble du monde du travail.
Combattre aujourd’hui contre la mise en œuvre de la loi plein emploi, en défense des acquis des travailleurs et de la jeunesse, nécessite plus que jamais, ainsi que nous l’indiquions dans le dernier numéro de L’insurgé, de briser toutes les protections dont bénéficie Macron en commençant par rompre tout dialogue social. Car la défense du « droit au travail », des doits de tous les travailleurs, de la jeunesse ne peut être menée qu’en partant des seuls intérêts du monde du travail, lesquels sont totalement contradictoires à ceux du capital, du patronat.
– > Lire l’article page 15 dans ce numéro de L’insurgé : Réforme du RAS : une pierre, deux coups.