La seule et unique boussole de Macron et de son gouvernement
Il fut un temps où on le disait maître des horloges, où il croyait son Verbe capable de saisir et ressaisir le réel ; capable en même temps de subjuguer les politiciens venus de droite et les politicards venus de gauche.
Sa recette ? Le dialogue social, les têtes à tête, les conférences… Ainsi, sur le plan national, on eut droit à trois mois de « grand débat » (début 2019) pour contenir la crise des Gilets jaunes, se concrétisant par 19 899 cahiers de doléances aujourd’hui soigneusement enterrés. Et, à l’été 2023, on eut droit aussi à l’annonce d’une « IPA », une « Initiative politique d’ampleur » (sic) pour finir de faire accepter la réforme des retraites. Cette IPA se traduisit le 30 août par une rencontre entre Macron et tous les chefs de partis, depuis la FI jusqu’au RN, douze heures durant, pour faire le tour de la situation politique. Cette « rencontre de Saint Denis » avait pour but de préparer la fin de son second quinquennat.
Et la méthode s’avéra efficace, dès lors que ses « partenaires » - dirigeants syndicaux et chefs de partis dits de gauche ou de droite - acceptaient de jouer le jeu, acceptaient de danser : un bal tragique pour les salariés qui ne purent empêcher, malgré leur mobilisation sans précédent, l’adoption de la réforme des retraites.
Mais sur le plan international, la méthode s’est avérée bien peu fructueuse.
Un impérialisme discrédité, ridiculisé
Sur ce plan, le bilan des années Macron s’avère d’ores et déjà désastreux pour la bourgeoisie française.
Avec Poutine, ce fut « le grand jeu » : invitation de Poutine à Versailles, coups de téléphone illimités, face à face avec Poutine de part et d’autre d’une table démesurée. Tout entier occupé à tenter de préserver les liens « historiques » (et économiques) entre la France et la Russie, Macron fut mené en bateau par Poutine et se ridiculisa un tantinet à l’Est de l’Europe, au grand dam des ambassadeurs du Quai d’Orsay. Ce faisant, il conforta Poutine dans sa volonté de s’attaquer à l’Ukraine. Mais Macron n’avait fait que sagement obéir aux grands patrons français, en particulier à l’homme le plus riche du monde, propriétaire de LVMH : « il faut parler avec les Russes. Les liens entre nos deux pays dépassent les conjonctures politiques. Ils sont historiques, éternels » lui avait expliqué Bernard Arnaud (Paris Match, 3 avril 2017).
Dans le Pacifique, il y eut le coup de couteau de « l’ami » australien qui déchira ans vergogne le beau contrat de vente de sous-marins. En Afrique, il y eut les coups d’état au Mali (2020 et 2021) et au Burkina (deux en 2022) qui contraignirent l’armée française à se replier au Niger. Mais un coup d’état au Niger fin juillet 2023 obligea l’armée française à partir. La voie était donc libre pour la très poutinienne milice Wagner qui apporte protection à ces nouveaux régimes. Au Sahel ne reste donc que le Tchad comme allié de la France. Et puis, patatras, on apprend que le gouvernement tchadien passe un accord avec Viktor Orban pour l’arrivée de 400 soldats hongrois. Viktor, un ami de Poutine…
Avec le brutal rebondissement de la guerre au Proche-Orient en octobre, Macron afficha sa rupture avec la politique traditionnelle de l’impérialisme français dans cette région du monde (la « tradition » du gaullisme puis du chiraquisme) considérée comme « équilibrée », un équilibre d’ailleurs fort relatif puisque Paris a toujours contribué, avec les autres impérialismes, à protéger l’État d’Israël.
Sans hésiter, Macron apporta tout son soutien à la politique de Netanyahou, refusant des semaines durant de réclamer un cessez-le-feu alors que l’armée d’Israël pilonnait Gaza, tandis que son ministre des polices prétendait interdire toute manifestation exprimant son soutien à la population palestinienne.
On le vit même proposer de transformer l’alliance réalisée contre Daesch en une alliance contre le Hamas… Un vent de révolte souffla dans le ministère français des affaires étrangères contre cette étrange affaire…
Et, à Tunis, les manifestations devant l’ambassade de France exigèrent le départ de l’ambassadeur.
Pour se refaire une santé, Macron organisa alors une conférence humanitaire le 9 novembre à l’Élysée pour l’aide aux civils de Gaza et envoya deux des plus gros navires français, qui firent des ronds dans l’eau.
Quelques déboires
Sur le plan intérieur, la méthode de Macron n’empêche pas quelques déboires. Ainsi l’épisode 2 des « Rencontres de Saint-Denis » convoquées le 17 novembre fut-il boycotté par plusieurs invités de marque : dont Les Républicains. Cette dernière défection, en la personne d’Éric Ciotti, s’ajoutant à la défection du PS (et de la FI), provoqua la colère de Macron, qui parla d’« une faute politique majeure », Macron jugeant « absolument indigne de la part d’un dirigeant politique » que l’on puisse justifier « une absence à une réunion de travail sur des réformes constitutionnelles » (Le Monde, 17 novembre 2023).
Certes, le PCF y participa, ainsi que les Verts, mais l’ambiance était gâchée. Car l’idée de Macron, gêné par l’absence de majorité parlementaire, était de reprendre la main avec l’aval de LR (et du PS) en modifiant la constitution. Dans une lettre aux chefs des partis le 3 novembre, Macron proposait une extension du champ référendaire « aux questions sociétales », dont « les politiques migratoires ». Mais à quoi pouvait servir un tel référendum alors qu’une nouvelle loi contre les migrants est en débat ?
Finalement, le 17 novembre, Macron « prenait acte » de l’absence de soutien à son projet constitutionnel.
La boussole de Macron
Pour autant, si Macron va souvent de zig en zag, il a une boussole : s’attaquer à tous les acquis des salariés, aux salaires, aux statuts des fonctionnaires, aux fondements de l’école publique, etc.
Sont menacés les statuts des fonctionnaires d’État. Macron veut en finir avec la fonction publique de carrière, instaurer une fonction publique d’emploi, avec nouveau recrutement, mobilité, salaire au mérite.
Pour les enseignants, l’objectif est la « fin du concept de recrutement par concours pour un emploi à vie ».
De même veut-il rendre le SNU quasi obligatoire en contraignant les élèves de Seconde à choisir entre un stage de 15 jours en entreprise ou 15 jours de SNU. Avec un cadre : la militarisation de l’enseignement.
Pour les migrants, la loi Darmanin constitue une aggravation de la situation des sans-papiers, une profonde remise en cause des droits démocratiques. C’est une attaque contre tous les travailleurs, alors que, malgré les risques, les travailleurs immigrés avec ou sans papier se battent pour leurs droits : plusieurs centaines d’entre eux sont en grève comme à Chronopost et sur les chantiers des jeux olympiques à Saint-Denis.
Et sur cet axe visant à s’attaquer à tous le acquis, il bénéficie de deux soutiens : l’appui explicite des autres partis bourgeois (des Républicains notamment) et la complicité des dirigeants des syndicats et partis plus ou moins d’origine ouvrière. Et l’activité principale de ces derniers semble être de boucher toute issue, fût-elle électorale, d’interdire toute alternative gouvernementale, fût-elle vaguement réformiste. Ainsi le PCF rompt avec la NUPES, la FI se déchire et Mélenchon « exclut » certaines de ses plus fidèles serviteurs.
Quant aux directions syndicales, elles reprennent de plus belle leur politique de dialogue social, de concertation avec le gouvernement, discutant de chaque projet gouvernemental au lieu d’exiger le retrait de ces projets et de rompre avec le dialogue social, et de réaliser l’unité sur cette base.
Mettre en échec chacun de ces projets, chaque mesure anti ouvrière, anti démocratique, implique donc d’agir pour la rupture de tout dialogue social, pour l’unité pour le retrait de chaque projet.
Un tel combat vise à préparer, nourrir de nouvelles mobilisations de masse, ce qui ouvrirait la voie pour un autre gouvernement, un autre pouvoir, au service des travailleurs.