Paris-Tunis : privatiser l’école en France et à l’étranger
Le 14 février, Frédérique Vidal, ministre française de l’Enseignement supérieur, de la Recherche (ESR) et de l’Innovation et Slim Khalbous, ministre tunisien de l’enseignement supérieur et de la recherche ont co-présidé le Comité de pilotage de l’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée (U.F.T.A.M.).
Cette initiative met en œuvre l’accord passé par Macron lors de la visite d’État effectuée en Tunisie du 31 janvier au 1er février 2018. Cette université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée ouvrira dès la rentrée. Elle accueillera à Bir el Bey des étudiants en licence et master, dont le point commun est leur caractère professionnalisant.
Pour l’Union des étudiants de Tunisie (Uget) et l’Union des étudiants communistes (UEC), ces objectifs affichés cachent une volonté des gouvernements français et tunisiens de « favoriser l’implantation d’universités étrangères et privées sur le territoire tunisien (…) au détriment des universités publiques ».
En effet, le gouvernement tunisien a offert « pour un dinar symbolique, six hectares de terrain pour la construction du campus. Dans le même temps, le budget de l’État tunisien pour l’enseignement supérieur est passé de 7% en 2008 à 4.03% en 2019 ». L’UEC dénonce « l’hypocrisie du gouvernement français » qui exclut les étudiants étrangers des universités françaises en augmentant massivement les frais d’inscription.
Ce partenariat regroupe notamment l’ENIT, la Faculté de Droit et de Sciences Politiques de Tunis, l’IHEC de Carthage, l’École Supérieur de Communications de Tunis (Sup’Com), Nice Sophia Antipolis, Paris Dauphine, ENS Paris Saclay, Faculté de Droit Paris I Panthéon-Sorbonne, ENSTA Paris Tech.
L’objectif phare de cette université est de développer la francophonie dans la perspective du sommet de la francophonie en 2020 à Tunis.
La francophonie, outil de domination
Or, la Francophonie n’est pas qu’un outil de rayonnement culturel pour la France. Elle permet aussi de développer sa domination dans différents domaines économiques, politique, militaires et d’ouvrir des marchés pour les entreprises françaises dans différents domaines, dont l’armement. L’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), devenue l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en 1997 compte 54 États et gouvernements membres, 7 membres associés et 27 pays observateurs.
« La France est fière d’être le premier partenaire de la Tunisie sur le plan économique », déclarait l’ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre d’Arvor, le 20 mai 2019 à Tunis, en annonçant la création du groupe d’impulsion économique pour le partenariat France-Tunisie. (Plus de 1 400 entreprises implantées sur le sol tunisien, 200 millions d’euros d’investissements directs en 2017, soit 45% de l’ensemble des IDE en Tunisie). Cinq secteur à « haut potentiel de développement » sont aujourd’hui privilégiés : le tourisme, les transports, la santé, le numérique et l’énergie.
Ainsi, par exemple, l’Initiative de formation à distance des maîtres (IFADEM), menées conjointement avec l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), forme des dizaines de milliers d’instituteurs dans 14 pays en pédagogie et dans l’enseignement de disciplines linguistiques et non linguistiques.
La mise en valeur du patrimoine historique (rénovation de medinas), la construction d’un réseau ferroviaire rapide (RFR), le programme E-santé pour la digitalisation des services hospitaliers, divers projets dans le secteur numérique, la mise en place de 400 000 compteurs intelligents à Sfax, les partenariats dans les énergies renouvelables… Autant de sources de profits pour les entreprises françaises.