Défense des retraites : une revendication de jeunes
Les « réformes » des retraites Balladur (1993), Fillon (2003), Sarkozy (2010), Hollande (2014) ont imposé d’importantes régressions : allongement de la durée de cotisation, modification du calcul du montant de la pension. Cela a conduit à une diminution du montant des pensions de retraite pour la majeure partie des salariés.
Macron veut aujourd’hui imposer un véritable bouleversement. De quoi s’agit-il ?
Détruire la solidarité ouvrière
L’objectif est d’en finir avec le système même des retraites des salariés du privé : les pensions des retraités sont financées par une fraction mutualisée du salaire des actifs (cotisations sociales). Ce système organise la solidarité entre salariés actifs et travailleurs retraités.
Macron veut aussi mettre fin au Code des pensions dans la Fonction publique d’État. Ce système impose à l’État de verser un salaire continué au fonctionnaire retraité. Le code des pensions est partie intégrante du statut, lequel unifie les fonctionnaires face à l’État patron.
On doit rappeler que les retraites, qui sont une branche importante de la Sécurité sociale arrachée en 1945, sont un facteur essentiel de l’allongement de l’espérance de vie.
Dans le nouveau monde de Macron, la concurrence entre les salariés doit être la règle, comme au XIXe siècle. Il lui faut donc casser tous les systèmes de solidarité ouvrière imposés par les luttes.
Macron veut un régime unique au nom de « l’équité ».
Dans un système par annuités, comme l’actuel régime de base français, la pension d’un assuré est fonction de son salaire moyen sur un certain nombre d’années ou de mois et du temps pendant lequel il a cotisé. Le montant des cotisations n’influe pas sur le niveau de la pension.
Les contre réformes antérieures ont allongé le nombre d’annuités et modifié le calcul de la pension des salariés du privé (il se fait non plus sur les 10 meilleures années, mais sur les 25). Le calcul de la pension des fonctionnaires correspond à 75% du salaire des 6 deniers mois (avec une décote si l’agent n’a pas le nombre d’annuités nécessaires). Toutes les études montrent que contrairement aux apparences, ce type de calcul ne permet pas de dire qu’il y a des inégalités entre salariés du privé et fonctionnaires. Car, dans le privé, les meilleurs salaires perçus ne sont pas forcément en fin de carrière, alors que c’est le cas dans la fonction publique.
Le problème des retraites, c’est la baisse des pensions. Cela n’est pas dû aux différences entre les régimes, mais à l’allongement du nombre d’annuités nécessaires pour une retraite à taux plein et à la modification du calcul du taux de remplacement pour les salariés du privé.
Tel est le slogan du projet Macon. Il s’agit, dit-il, d’opérer « un grand choc de lisibilité et de simplification ». Dans la novlangue macronienne, on ne parle pas de « réforme », mais de « construction » ou de « création » d’un système radicalement nouveau.
Les objectifs annoncés sont très clairs. Il s’agit de construire un système où, quel que soit le nombre de retraités et quelle que soit la conjoncture économique, la part du PIB consacré aux pensions restera identique (elle représente actuellement 14% du PIB). Cela signifie donc que les pensions vont baisser bien plus encore.
En unifiant les régimes Macron veut favoriser la « mobilité » des travailleurs, notamment entre la fonction publique et le privé (ce qui découle du plan de suppression de 120 000 postes de fonctionnaires, de la volonté du gouvernement d’élargir le recrutement sur contrat, de casser le statut des fonctionnaires).
Et, plus encore, elle doit favoriser l’auto-entreprenariat, un système que Macron veut développer car il permet à la fois de contourner les droits acquis des salariés et de disloquer les droits arrachés précédemment.
Deux systèmes sont évoqués : le régime par points et le régime par comptes notionnels.
⇒ Avec un régime à points, comme celui de la complémentaire des cadres (AGIRC) et des salariés (ARRCO), ou comme le système allemand, à mesure qu’il cotise, l’assuré acquiert des points dont la somme sera multipliée par la valeur du point à la date où il prend sa retraite.
Avec ce système, les points serviraient de base au calcul de la retraite et à la définition de l’âge de départ. De plus, la valeur du point varierait selon l’espérance de vie moyenne d’une profession, et la situation économique…
Ce régime attribue des droits, mais il ne fixe pas de niveau de pension ; celui-ci dépend de la valeur du point, laquelle est fixée chaque année par les gestionnaires du régime.
⇒ Dans un régime en comptes notionnels, comme celui qu’a adopté la Suède, l’assuré acquiert un capital virtuel constitué de ses cotisations qui sera divisé par un coefficient de conversion. Ce coefficient dépend notamment de l’âge effectif de départ à la retraite et de l’espérance de vie à cet âge de la génération à laquelle appartient l’assuré. Il est fixé de façon à ce que la somme des pensions perçues par chaque génération soit égale à la somme des cotisations qu’elle a versées.
Conséquences : plus le départ est précoce, moins le capital virtuel est important ; plus l’espérance de vie est longue, plus la pension sera réduite…
Ainsi, avec ce système, en 2000, les retraités suédois percevaient l’équivalent de 60% de leur dernier salaire. Mais aujourd’hui, ils ne perçoivent que 53% du dernier salaire.
Le système suédois par comptes notionnels est, pour Macron, un modèle. Il semble néanmoins que le gouvernement veuille plutôt s’acheminer vers un régime par points. Dans les deux cas on ne sait pas par avance quel sera le montant de la pension et on trouve des conséquences similaires.
En finir avec tout ce qui unifie les salariés face au patronat, rétablir la mise en concurrence des salariés (la liberté d’exploitation du travail), tel est l’objectif. Le gouvernement clame qu’il maintient le système par répartition, or, la « répartition » change de nature : la dimension de solidarité entre les salariés disparaît complètement.
Il s’agit aussi d’inciter à retarder le départ en retraite en diminuant le montant de la pension versée. En travaillant plus longtemps, le salarié pourra augmenter le montant de sa retraite : soit en augmentant son nombre de points, soit avec le calcul qui intègre l’espérance de vie, le montant global sera réparti sur un nombre moindre de mensualités (comptes notionnels).
Inciter les salariés à se constituer une épargne retraite individuelle constitue un troisième objectif. En Suède, au régime unique de base (fondé sur le principe des comptes notionnels) s’ajoute une pension obligatoire par capitalisation et une épargne volontaire, facultative, aussi par capitalisation.
Conscient de l’importance de l’attaque, et des réactions qu’elle va susciter, Macron a retardé à 2019 le vote de son projet de loi. Il espère pouvoir s’appuyer sur la défaite que constituerait la mise en œuvre des contre réformes en cours, notamment la casse du statut des cheminots et surtout « sur un calendrier qui nous laisse toute l’année 2018 en dialogue et concertation ». Après le vote de la loi s’ouvriraient d’autres chantiers pour la mise en œuvre du nouveau système.
Le 19 avril, s’est tenu un colloque au Sénat et le 26 avril la première réunion de « concertation ». Toutes les directions syndicales acceptent de se soumettre à ce « dialogue social ».
Contre cette politique qui s’attaque aux fondements mêmes de la Sécurité sociale, il faut affirmer :
– Défense inconditionnelle du code des pensions partie intégrante du statut des fonctionnaires.
– Défense inconditionnelle des retraites des salariés du privé, branche essentielle de la sécurité sociale. Abrogation des réformes antérieures qui ont mis à mal les retraites.
– Rupture immédiate des concertations sur les projets de Macron. Abrogation de toutes les lois antérieures qui ont mis à mal les retraites.