Macron - Collomb, en marche pour plus d’expulsion, de répression et de flicage
Suite aux dénonciations des violences policières qui touchent les migrants et les associations qui leur viennent en aide à Calais, le 22 juin, Emmanuel Macron appelait « à la plus grande humanité » dans la gestion des migrants. La presse présentait alors ses propos comme contradictoires à ceux du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb qui dénonçait les migrants « enkystés », « l’abcès de fixation », et invitait les associations à aller « déployer leur savoir-faire » ailleurs qu’à Calais, affirmant que pour avoir une « grande humanité il faut une grande fermeté ».
Aussitôt, de bonnes âmes annonçaient qu’il y aurait une « contradiction totale entre les propos du Président de la République et l’action de son ministre de l’Intérieur ». Et les grands médias de relayer ce type d’appréciations, d’autant que le 22 juin, à Bruxelles Emmanuel Macron annonçait que la réforme du droit d’asile faisait partie des « priorités du travail gouvernemental ».
Qu’en est-il donc des projets de Macron sur l’asile et la question migratoire ?
En janvier 2015, lors de son passage à Berlin, Macron s’était démarqué de la position de Valls. Il louait la politique d’accueil menée par Angela Merkel, et il reprochait à l’Europe de n’avoir pas « réagi comme elle aurait dû à ce moment-là », nombre de pays ayant refusé les quotas d’accueil souhaités par la chancelière. Durant toute la campagne électorale, seuls ces propos ont été rappelés. Et Macron lui-même s’est peu exprimé sur cette question. Pourtant, à la lecture de son programme, la nomination de Gérard Collomb au ministère de l’Intérieur ne semble pas être le produit du hasard. À la tête de la Communauté urbaine, puis de la Métropole de Lyon, adepte de la théorie de la lutte contre « l’appel d’air », Collomb agit depuis de longues années contre les campements et les squats de migrants ; nombre de mineurs isolés étrangers sont laissés à la rue, et il répète qu’il faut expulser rapidement « les faux demandeurs d’asile ». Quant à Emmanuel Macron, il s’est exprimé clairement sur ce qu’il nomme « la crise migratoire », au lendemain du second tour des élections législatives, une fois sa majorité acquise. |
Et de préciser : « Nous devons accueillir des réfugiés car c’est notre tradition et notre honneur. Je le redis ici, les réfugiés ne sont pas n’importe quels migrants. Ce ne sont pas les migrants économiques. Ce sont des femmes et des hommes qui fuient leur pays pour leur liberté, ou parce qu’ils sont en guerre ou pour leur choix politique. ».
Le programme de Macron fixe l’objectif de recruter les « têtes » nécessaires à l’économie française. Ainsi, en février 2017, le candidat Macon invitait-il les chercheurs américains menacés par Trump à s’exiler en France : « Vous avez aujourd’hui et vous l’aurez à partir du mois de mai prochain une terre patrie : ce sera la France. ».
Et son programme annonce des mesures pour stimuler « l’immigration de la connaissance » : « alléger et réduire les procédures d’obtention de visas talents, développer les visas de circulation pour les professionnels (entreprises, scientifiques…) », simplifier les modalités d’accès au travail « pour les étudiants titulaires d’un master ».
Mais quel sort Macron réserve-t-il aux autres ?
Face à « la crise migratoire sans précédent », la France « doit délivrer des titres de séjour à tous ceux dont elle juge qu’ils auront droit à l’asile sur leur territoire ». Ce « droit » dépend en réalité des besoins économiques ou des stratégies politiques de l’impérialisme français. Et tous les autres sont voués à « être effectivement reconduits à la frontière ».
Gérard Collomb, qui a envoyé deux compagnies supplémentaires de gardes Mobiles à Calais pour éviter que se reforment de nouveaux camps, a annoncé le 23 juin qu’il allait présenter « dans les quinze jours », une « réforme du droit d’asile de manière à réduire les délais », et à « traiter le problème de l’asile de manière plus facile qu’aujourd’hui ».
Ainsi, Collomb est en réalité chargé d’appliquer le programme de Macron et sa « réforme de l’asile ».
Macron veut accélérer les procédures en réduisant de 5 mois à 8 semaines les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) chargé d’étudier les dossiers des demandeurs d’asile. Il veut réduire de 6 à 8 mois le délai dans lequel la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) devra rendre son jugement suite au recours formulé par un réfugié après une décision négative de l’OFPRA.
Cette accélération de l’examen des demandes d’asile réduira les possibilités de contestation et de recours. Bâcler l’examen des dossiers permettra seulement d’expulser plus rapidement les réfugiés dans leurs pays d’origine (Soudan, Afghanistan, Guinée, Nigéria...).
Macron a aussi annoncé vouloir installer une délégation de l’OFPRA, organisme chargé de l’application des textes français et européens (sous tutelle du ministre de l’Intérieur), au sein des centres d’accueil de réfugiés (CADA). Il propose aussi que la CNDA, une juridiction administrative, « puisse statuer dans les centres d’accueils eux-mêmes ». Ce serait alors la fin de la séparation et de l’indépendance entre instances de jugement (OFPRA, CNDA, préfecture) et lieux d’accueil.
Comment les travailleurs sociaux chargés d’accompagner les réfugiés pourront-ils alors continuer d’avoir une relation de confiance avec un réfugié si celui-ci les associe aux instances qui vont juger le bien-fondé de sa demande ? La pression sera forte sur les travailleurs sociaux pour leur imposer de participer au tri entre « bons » et « mauvais » réfugiés.
Et en attendant ces mesures Macron annonce « des réponses de court terme » ; il s’agirait, selon le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner, d’accueil, dans des CAO (centres d’accueil et d’orientation) ». Or, les CAO, comme leur nom l’indique, ne sont pas des Centres d’accueil de réfugiés, mais des centres de répit, autant de dispositifs dérogatoires (comme les hotspots installés en Grèce et aux portes de l’Europe) dont l’empilement favorise le tri, la gestion et le contrôle des exilés dont l’éloignement du plus grand nombre demeure l’objectif.
Avec la réforme annoncée, les demandeurs d’asiles seront-ils alors assignés à rester en permanence dans un centre d’accueil ? Tous les éléments pour suivre leur procédure étant réunis dans un même lieu, le risque est grand d’en faire un argument pour les empêcher d’en sortir.
Cela est d’autant plus inquiétant que Macron annonce que tous les réfugiés déboutés de l’asile devront être « effectivement » expulsés.
Il rappelle que « moins de 40% des demandes d’asile sont acceptées ». Mais la plupart des déboutés restent néanmoins sur le territoire et cherchent à obtenir une régularisation par le travail, en tant qu’étudiant ou par rapprochement familial.
Avec Macron, cela ne doit plus exister. D’autant qu’il a annoncé le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires et une étroite collaboration entre les services des ministères l’Intérieur et de la Défense, et ceux des Transports, de la Santé et de l’Industrie. Ce qui augure d’un nouveau pas dans le flicage de la population à commencer par les étrangers.
À l’échelle de l’Union européenne, Macron souhaite aussi renforcer le corps de police de la nouvelle Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (laquelle remplace Frontex depuis octobre 2016) avec 5000 hommes supplémentaires afin d’accroître la répression des migrants aux frontières. Il veut développer plus encore, dans les pays de départ et de transit, des points de contrôles permettant de lutter pour le « retour des migrants non autorisés à entrer dans l’Union européenne ».
La question des « migrations irrégulières » est en toile de fond du sommet du G7 (mai 2017) et du G 20 (7-8 juillet). De même, au 5e sommet Afrique-UE qui se tiendra les 28 et 29 novembre, l’Afrique est-elle placée au rang des grandes priorités internationales.
Ce langage diplomatique masque la réalité : il s’agit, en fait, de faciliter de nouveaux marchés et plans d’investissements au profit d’entreprises allemandes, françaises, italiennes… en Afrique. Ces plans présentés comme devant offrir des emplois aux jeunes africains sont élaborés dans le but de réaliser de nouveaux profits au compte d’entreprises françaises et européennes, alors même que la crise sociale s’amplifie d’une part en Europe et d’autre part en Afrique, et que se développe la précarité.
Rappelons que le FMI, la Banque mondiale, via les pays créanciers (Club de Paris) ont poussé les pays d’Afrique à des « plans d’ajustement structurel » faisant augmenter la pauvreté. Et l’aide internationale fut généralement redistribuée à des gouvernements corrompus qui l’ont détournée. Les ressources nationales furent dilapidées, sans un seul égard pour les populations.
Soutiens aux dictateurs
Les gouvernements d’Europe, dont ceux de la France, soutiennent les dictateurs des pays d’Afrique. Ainsi, le 11 juin Emmanuel Macron pouvait-il se targuer d’accueillir à l’Élysée l’Ivoirien Alassane Ouattara, installé en 2011 à la tête du pays par une rébellion armée accompagnée de canons, de chars, et d’hélicoptères français. La Côte d’Ivoire est aujourd’hui au bord de l’implosion, et Ouattara est venu chercher le soutien de Paris. Alors que la mobilisation d’ampleur qui secoue la région du Rif depuis des mois s’étend à tout le Maroc, alors que des centaines de milliers de Marocains avaient manifesté le 11 juin à Rabat aux cris de « Vive le peuple », « Liberté, dignité, justice sociale », « Libérez les prisonniers » et « contre la hogra » (l’injustice), Macron se rendait à Rabat auprès du roi Mohammed VI. « Je n’ai pas eu lieu de craindre une volonté de répression », assurait-il au moment même où s’abattait une répression féroce contre le mouvement populaire pacifique du Rif. |
Lyon, Hôtel de ville
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Au lendemain de son élection, Macron se rendait au Mali en soutien aux forces militaires françaises déployées au Sahel. Au nom de la « lutte contre le terrorisme », il affirmait la prolongation de l’ingérence militaire de la France au Mali (mais aussi en Libye, en Côte d’Ivoire et en Centrafrique…).
Et « l’épouvantail du terrorisme » comme la xénophobie d’État sont utilisés pour stigmatiser les étrangers (désignés comme voleurs d’emplois, responsables de l’asphyxie de la sécurité sociale alors que le patronat détourne des milliards de cotisations sociales). Cela sert à diviser le prolétariat et la jeunesse, à aussi à porter atteinte aux libertés fondamentales, à faciliter la répression des mobilisations et à justifier des dépenses folles pour « la sécurité et la défense du territoire ».
Tout cela est inclus dans le programme de Macron, qui commence à s’appliquer.
Le conseil des ministres a examiné, jeudi 22 juin, le projet de loi prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre ainsi que celui « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ». Macron veut remplacer « l’état exceptionnel » (état d’urgence) « justifié » par un caractère exceptionnel et temporaire, par un « état permanent » de mise en cause des libertés (voir l’encart page 15).
Plus que jamais, œuvrer à ce que se réalise l’unité des travailleurs et de la jeunesse, quelle que soit leur origine, des salariés, étudiants français ou étrangers, et de leurs organisations est d’une urgente nécessité afin de combattre cette politique et les projets de Macron, pour la levée immédiate de l’État d’urgence, le retrait du projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ».
A cela il faut en particulier opposer la défense des libertés individuelles, dont la liberté de circulation et d’installation, et combattre contre toutes les lois et mesures qui mettent en cause les droits fondamentaux.
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1 http://www.france24.com/fr/20170623...
2 Programme de Macron. Cette position est aussi le leit motiv de Gérard Collomb.