Édito : Après les élections législatives de juin 2017 : une nouvelle étape de la lutte des classes
Avec les élections législatives du 18 juin 2017 s’achève la mise en place d’un nouveau dispositif gouvernemental bourgeois, dispositif dont Macron, élu président, constitue la pièce centrale. Pour les travailleurs, pour la jeunesse et l’ensemble de la population laborieuse, c’est une nouvelle période de combats qui s’ouvre, combats indispensables face à des attaques que le pouvoir engage sans attendre, mais combats qui imposent de lever d’importants obstacles.
Le général de Gaulle, en son temps, avait qualifié les députés de « Godillots de la République ». Chacun comprit la métaphore identifiant les députés à des chaussures militaires : les députés étaient aux ordres du président de la Ve République, marchant au pas sous la férule du président- Bonaparte. Précisons que la Ve République gaulliste n’est pas un régime dans lequel, comme aux États-Unis, le pouvoir du président (l’exécutif) est contre-balancé par un parlement fort et indépendant, c’est un régime de type bonapartiste (inachevé et bâtard dans le cas de la Ve République) dans lequel tout procède du pouvoir présidentiel auquel est asservi le Parlement.
Certes, à partir des années quatre-vingt, durant les années Mitterrand puis Chirac notamment, ce caractère bonapartiste avait semblé s’amoindrir, au point que diverses phases de cohabitation avaient eu lieu (majorité parlementaire différente du pouvoir présidentiel).
Mais avec l’élection de Macron, c’est bien d’une tentative de restaurer le pouvoir bonapartiste dont il s’agit. Certes, n’est pas de Gaulle qui veut, et la situation politique, les rapports entre les classes, ne sont pas ceux des années gaullistes. Ainsi, avec une abstention record de 57%, on est très loin d’un plébiscite en faveur du mouvement de Macron. Mais avec l’élection d’une large majorité de députés-godillots dévoués à l’exécutif, Macron dispose des outils nécessaires à la bourgeoisie française pour réaliser au pas de charge ce qui n’a pu être fait jusqu’à ce jour.
De longue date, la bourgeoise française est divisée sur la question de l’Union européenne, et celle de l’euro en particulier, comme le sont d’autres bourgeoisies européennes. Ses couches dominantes sont favorables à davantage d’intégration, en particulier sur le plan financier et budgétaire, quoiqu’il en coûte pour les couches arriérées de cette bourgeoise, broyée par la concurrence ouverte.
Le parti Les Républicains avait maintenu un délicat équilibre entre défense de l’euro et préservation de la « nation » avec toutes ses prérogatives. Tandis que le FN, prônant la sortie de l’euro, la fermeture des frontières, tentait d’entraîner sur le terrain du protectionnisme et de la xénophobie des couches populaires touchées de plein fouet par une crise financière et économique qui n’en finit pas.
C’est sur cette question que s’est fracassé L. R. et son candidat Fillon : les forces dominantes de la bourgeoise ont décidé de promouvoir Macron, partisan affirmé de l’UE, d’une plus grande intégration. Cette question de l’euro est désormais un facteur qui divise le FN, certains de ses dirigeants jugeant qu’ils ne pourront pas, à l’avenir, accéder au pouvoir sans accepter l’euro.
Sur le plan électoral, l’opération de Macron a d’autant mieux fonctionné que ceux qui, en 2012, avaient voté pour Hollande, faisant le bilan de ces cinq années, ont massivement rejeté les candidats du PS (mais aussi des Verts, le PCF restant marginalisé).
Avec l’élection d’une majorité de Godillots, Macron a toutes les cartes en main pour mettre en œuvre les mesures dictées par le Capital.
Une politique protectionniste n’a jamais signifié une politique favorable aux travailleurs : protectionnisme et ouverture des marchés sont deux politiques de la bourgeoisie ; tant que le capitalisme demeure, l’une ne vaut pas plus que l’autre, mais profite plus ou moins à chaque couche de la bourgeoisie.
Le choix de préserver l’euro, la volonté pour ce faire de limiter les déficits budgétaires implique désormais de changer le rythme et l’ampleur des attaques menées contre la population laborieuse. C’est ce dont Macron est chargé, et le recours annoncé aux ordonnances en est la plus claire expression : démolition du code du travail, offensive contre les fonctionnaires et leur statut, diminution de la majorité des retraites, attaque contre le salaire mutualisé qui fonde la Sécurité sociale (des pans entiers de ce salaire indirect appelé cotisations salariales et patronales seront remplacés par la CSG), destruction de la solidarité ouvrière que sont les caisses de chômage que financent les salariés (elles seraient financées par la CSG, ouvertes aux non-salariés) ; dislocation de l’enseignement public : pour l’ancien élève des Jésuites désormais au pouvoir, rien n’est tabou.
D’autant qu’il possède de forts appuis pour mener sa politique.
La volonté d’aller vite, le recours aux ordonnances, ne rend pas moins nécessaire pour Macron d’obtenir l’aval (explicite ou tacite) des directions syndicales, en faisant mine de les écouter ; personne n’est dupe mais ce dialogue désarme les travailleurs qui, quant à eux, savent que la politique de Macron devra être combattue.
La carte maîtresse en ce domaine est la CFDT. Son dirigeant, Laurent Berger, qui a déjà œuvré à accompagner la politique de Hollande, a d’ores et déjà proposé ses offres de service pour cogérer la politique gouvernementale dans une lettre ouverte au président titrée : « Monsieur le Président, partagez le pouvoir ! ».
Cela donne le la : toutes les directions syndicales ont commencé à « dialoguer », à se soumettre aux concertations, etc… et renvoient à l’automne toute éventuelle mobilisation.
Pour préparer les conditions d’un combat efficace, il s’agit dans l’immédiat de mettre en avant (en particulier dans les syndicats) la réalité des attaques qui s’annoncent, et de refuser toute la politique de concertation, de dialogue social : le rôle des directions syndicales n’est pas de cautionner ces projets en s’imaginant les aménager à la marge.
Au-delà de cette résistance élémentaire qui s’impose, sur le terrain syndical et par les luttes, les travailleurs devront tirer le bilan des partis politiques dits de gauche.
Et ils devront entreprendre la reconstruction d’un véritable parti ouvrier : non pas un parti qui protège le système capitaliste tout en le critiquant à la marge (ni davantage un mouvement populiste, « du peuple », des « gens », sans frontière de classe), mais un parti qui fixe l’objectif d’en finir avec le capitalisme, qui combatte pour le socialisme.
19 juin 2017