Partout, une même chasse aux réfugiés et aux sans papiers
Aux États-Unis, comme en Europe et en France, se répercutent les conséquences de la crise du capitalisme. Cette situation génère de violents conflits et d’innombrables luttes. Face à cela, les différentes bourgeoisies et leurs gouvernements utilisent des politiques xénophobes, racistes, créent des boucs émissaires pour diviser la classe ouvrière et la jeunesse.
Alors qu’une myriade d’organisations militantes, voire de personnes qui n’ont jusqu’alors jamais milité, refusent la situation faite aux exilés, aux réfugiés, aux « sans papiers », se portent à leur secours, s’engagent dans des actions collectives, la xénophobie d’État ne cesse de se renforcer. Cette xénophobie marque la campagne électorale en France.
Certains candidats, attribuant aux étrangers la cause de tous les problèmes (chômage, déficit de la Sécu, terrorisme, etc.), proposent de renforcer plus encore les mesures répressives (expulsions massives, suppression du droit du sol, etc.) comme Fillon et le FN. D’autres, quoique plus mesurés dans leurs propos, se situent dans la continuité de l’actuelle politique dite « d’immigration choisie » et de chasse aux « sans papiers » (Macron, Hamon et Mélenchon). Seuls les candidats du NPA, de LO tentent d’affirmer des principes de solidarité ouvrière avec les réfugiés, les immigrés et sans papiers.
Le gouvernement a encore renforcé les possibilités de répression contre les réfugiés et migrants.
La loi sur l’asile (27/07/2015) a raccourci les délais pour l’examen des demandes d’asiles. Alors que seuls 36,6% des demandeurs d’asile ont obtenu le statut de réfugié en 2016, la situation des déboutés du droit d’asile s’est dégradée : réduction des délais pour pouvoir faire appel, dégradation des conditions d’accueil dans les centre d’accueils pour demandeurs d’asile (surpopulation, locaux souvent insalubres…), mesures « d’accompagnement » pour les contraindre à retourner dans le pays qu’ils ont dû fuir…
Le Code d’entrée et de Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) a aussi été modifié par la loi du 7/03/2016 créant une carte de séjour pluriannuelle (durée : 2 à 4 ans). Mais il existe plus de quinze catégories de cartes différentes :
carte « vie privée et familiale » de deux ans, carte « passeport talents » pour les salariés très qualifiés, les créateurs d’entreprises, titre pour personne malade limité à la « durée prévisionnelle des soins » (sic), etc.
La préfecture peut exercer des contrôles renforcés même après la délivrance de la carte. Ainsi, Pôle emploi, la Sécurité sociale, les établissements scolaires et d’enseignement supérieur, les opérateurs de télécommunication, d’électricité, les banques, etc. devront livrer les informations en leur possession… Cette carte pluriannuelle maintient en réalité les étrangers dans la précarité.
Médecin du Monde (MdM) estime à 10 000 le nombre de mineurs isolés qui, ayant échappé à la violence de leur pays, puis de leur parcours migratoire, vivent en France métropolitaine : 60% des mineurs rencontrés par MdM n’ont été ni logés, ni nourris quotidiennement en 2016. Or, avec la nouvelle loi dite de « protection de l’enfant » qui a précisé les modalités de l’évaluation de la qualité de mineur isolé, ces jeunes sont victimes de suspicion permanente, d’intimidation ; les documents d’identité du pays d’origine sont mis en cause, l’utilisation de tests osseux pour définir l’âge légal a été légalisée. Nombre de jeunes sont mis à la rue, privé d’école et de toute protection.
Quant aux travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement des exilés, ils souffrent d’une aggravation de leurs conditions de travail et de multiples atteintes au droit du travail. Et ils se voient confier des missions qui relèvent plus du contrôle, voire du tri des populations immigrées.
En Europe, aux États-Unis, la chasse aux étrangers « en situation irrégulière » se renforce. Trump avait annoncé des expulsions massives, la construction d’une grande muraille contre les envahisseurs. Il a dû renoncer à son décret contre les ressortissants issus de « pays musulmans ». Mais l’Immigration and Customs Enforcement (ICE, le service de l’immigration et des douanes) multiplie les raids dans tout le pays pour terroriser les immigrés. Il pourchasse les militants qui mobilisent contre les conditions de travail et les salaires indignes et veulent imposer aux employeurs le respect des lois sur le travail. De multiples manifestations ont eu lieu contre cette xénophobie d’État. Aujourd’hui, les militants et organisations de défense des droits des immigrés se joignent à d’autres forces cherchant à faire du 1er mai une journée de manifestations contre l’agenda de Trump (dans plusieurs villes, les syndicats d’enseignants envisagent une grève).
Quant aux États membres de l’UE, ils ne cessent de renforcer les mesures répressives à l’intérieur de chaque pays. Pour construire l’Europe forteresse, ils ont développé un arsenal législatif, administratif et politique visant à accueillir, trier et renvoyer les migrants.
Après avoir livré les migrants aux passeurs, fermé la route des Balkans, enfermé les réfugiés dans de multiples camps, ces États accordent des milliards d’euros à la Turquie, la chargeant de faire le tri entre les « bons migrants » et les autres. Ce faisant, ils couvrent les violences du gouvernement Erdogan qui bafoue les libertés individuelles et collectives emprisonne des milliers d’opposants, universitaires, militants ouvriers… Et cette politique d’externalisation s’étend à d’autres pays : Libye, Tunisie…
Le capitalisme a engendré une très grande mobilité des travailleurs. La condition d’existence du capital, c’est le salariat, lequel repose sur la concurrence des ouvriers entre eux. Confronté à cette situation, au brassage des populations d’origines diverses, le mouvement ouvrier s’est construit sur un principe : « Les ouvriers n’ont pas de patrie ». Et la lutte pour l’unité de la classe ouvrière internationale s’est concrétisée dans le mot d’ordre qui conclut le Manifeste du parti communiste de 1847 : « Travailleurs de tous les pays unissez-vous ». (1)
Avec des variations selon les pays, face à cette immigration massive la bourgeoisie combine trois mesures. Elle encourage l’immigration pour des raisons économiques et politiques, agit pour la restreindre et la contrôler, et elle orchestre des campagnes idéologiques pour attiser le racisme et la xénophobie contre les immigrés afin de diviser la classe ouvrière.
Or les suppressions d’emplois, les fermetures d’entreprises, le chômage massif, n’ont pas pour origine l’utilisation de travailleurs étrangers, immigrés mais la « crise mondiale combinée - économique et écologique - du capitalisme » (2). Certaines fractions du patronat, en France, comme aux États-Unis, ne cesseront pas d’employer des travailleurs immigrés : la politique de terreur permet de renforcer leur exploitation, de leur interdire de faire valoir leurs droits et de contribuer ainsi à une baisse générale de la valeur de la force de travail. Aussi, la répression des mobilisations des travailleurs et de la jeunesse se combine-t-elle aux inculpations pour « délit de solidarité » avec les migrants.
Nombre de discours affirment que la « liberté de circulation » des hommes, des travailleurs serait responsable du « dumping social » et que le rétablissement des frontières nationales offrirait une issue. Ce faisant, ils masquent les véritables causes : le capitalisme entraine le chômage et la misère, la dégradation de l’environnement, plonge des populations entières dans le plus grand dénuement.
Les travailleurs « nationaux » n’ont aucun intérêt commun avec le patronat qui les exploite. Ils ont les mêmes ennemis et les mêmes intérêts que les exilés qui fuient la guerre, les dictatures (le plus souvent soutenues par les puissances d’Europe) et qui migrent en espérant pouvoir travailler et vivre.
À cette politique de division de la classe ouvrière et de la jeunesse, aux mesures de répression qui l’accompagnent, il faut combattre sur des mots d’ordres clairs, en particulier :
Liberté de circulation et d’installation !
Même droits pour tous : droit à la scolarisation et à la formation pour tous les jeunes, droit au travail (avec les garanties nécessaires), droit à la santé, droit au logement…
Assez d’expulsions, d’interdictions de retour sur le territoire ; assez de criminalisation de la solidarité, des mobilisations de travailleurs, de la jeunesse. Abrogation de lois qui créent les sans papiers !
(1) https://www.marxists.org/francais/m... « on a accusé les communistes de vouloir abolir la patrie, la nationalité. Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut leur ravir ce qu’ils n’ont pas. »
(2) Cf. l’article de François Chesnais publié dans le n°28 de L’insurgé.
(3) Parmi les mobilisations citons la grève avec occupation de 128 travailleurs sans-papiers du marché de Rungis : ils ont obtenu de la préfecture un récépissé avec autorisation de travail. Ils exigent un titre de séjour leur permettant de travailler en contrat régulier.