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Les projets Fillon pour l’école
Le but de son programme est d’adapter l’éducation au plus près des besoins de formation en main d’œuvre pour le patronat tout en baissant les coûts de formation et en attaquant les garanties collectives délivrées par référence aux diplômes nationaux. Il s’agit de faire de l’école un instrument du redressement du pays. Tout cela doit se faire sans augmenter les dépenses en matière d’éducation. Il est aussi important de noter que « cet objectif ne nécessite pas une nième réforme », toutes ces attaques pourraient se mener dans le cadre de la « loi de refondation » Peillon, en s’appuyant sur les modifications statutaires des enseignants.
L’organisation de la scolarité des élèves se fait autour du socle commun institué par la loi Fillon 2005 et approfondi par la loi de 2013. Le cadre national de l’éducation qui restreint la concurrence entre les établissements et les élèves est attaqué au collège comme au lycée.
Au collège, les heures d’accompagnement et l’orientation dépendront plus étroitement d’évaluations harmonisées. Les semaines de découverte des métiers seraient multipliées en 3e afin de développer l’apprentissage. Une sélection serait instaurée pour l’entrée au lycée.
Au lycée, les différentes filières devraient se concentrer sur quelques matières fondamentales, et diriger leur orientation en direction de l’avenir professionnel, donc des besoins en main d’œuvre. La majorité des épreuves du baccalauréat se déroulerait en contrôle continu.
L’enseignement professionnel scolaire sera placé sous la coupe des régions, afin de définir les formations en fonction du bassin d’emploi, c’est-à-dire des besoins économiques locaux.
Dans le Supérieur également, les attaques contre les droits collectifs adossés aux diplômes nationaux se précisent. Il est évoqué la possibilité pour les régions de définir des adaptations régionales de diplômes en corrélation avec les besoins économiques. Le « diplôme » ainsi obtenu n’aurait alors qu’une valeur temporaire et restreinte géographiquement. On pourra aussi relever que les mots diplômes ou qualifications sont absents de ce programme : il n’est question que de « certifications ».
Comme pour le gouvernement Hollande, développer l’apprentissage est un objectif fondamental du programme de Fillon, ce qui est la négation même du combat de dizaines d’années pour faire sortir les enfants des usines afin de leur permettre d’acquérir connaissances et esprit critique à l’école.
L’école doit être le lieu d’inculcation de valeurs « d’excellence, de reconnaissance du mérite, de récompense de l’effort, de respect des autres et de sens de la vérité ». L’éducation constitue le creuset de la Nation, c’est-à-dire du formatage de la jeunesse pour gommer toute frontière de classe. En parallèle serait rétablie la note de vie scolaire.
En lien avec le passage de l’enseignement professionnel aux régions, les enseignants nouvellement recrutés en lycée professionnel seraient des agents de la fonction publique territoriale.
Le traitement des enseignants serait fortement individualisé, au « mérite », dépendant largement des inspections et des chefs d’établissement. En parallèle Fillon prévoit une hausse du temps de présence des enseignants pour l’accompagnement, pour recevoir les parents. L’enseignant doit aider à surmonter les difficultés des élèves par l’accompagnement individualisé, sur son temps de présence dans l’établissement.
En classe de 6e, pas plus de cinq enseignants ne devraient intervenir en classe, imposant ainsi la bivalence (voir trivalence !) des enseignants. Le fait pour les enseignants d’accepter la bivalence serait un facteur de promotion. Les services devant les élèves seraient modulés au cours de la carrière, pouvant être plus importants au milieu de carrière qu’en début ou en fin de carrière.
Enfin, les examens de fin d’année seraient repoussés d’une à deux semaines, allongeant l’année scolaire d’autant.
Fillon se donne aussi pour objectif le développement de l’autonomie des établissements, afin d’attaquer le cadre national de l’éducation et de mettre en concurrence les établissements, à travers notamment le développement de projets locaux d’établissement. C’est aussi dans ce cadre que le gouvernement doit réussir à vaincre les résistances des enseignants, qui refusent toujours les contre-réformes des gouvernements précédents (réforme du collège, école du socle, etc.).
Un « véritable » chef d’établissement serait instauré dans le primaire, qui serait le supérieur hiérarchique direct des professeurs des écoles. Les pouvoirs des chefs d’établissements seraient renforcés, tant en primaire qu’au secondaire : ils recruteraient les enseignants sur profil, après avis des parents d’élèves, et auraient la possibilité de gérer à leur guise la dotation horaire des établissements. La présidence du conseil d’administration serait confiée à une personne extérieure à l’établissement, alors qu’un parent d’élève serait élu vice-président du CA.
L’usage du numérique serait à développer, comme moyen de faire accepter les évolutions du métier refusées par les enseignants : « Le cours se tiendra d’une autre manière lorsque les ressources numériques pourront être mises à disposition des élèves à la maison ».
Enfin, il est prévu de favoriser un peu plus l’enseignement privé, sous couvert de libre choix des familles.
Le rapport du sénateur Gérard Longuet (Les Républicains) réalisé pour la commission des finances du Sénat et publié peu de temps après, donne quelques indications sur les moyens de mettre en œuvre le programme de Fillon. (1)
Le rapport fustige les « rigidités » liées à la « définition du temps d’enseignement sur une base hebdomadaire ». Il prend acte du fait que le décret du 20 août 2014 redéfinit le métier en missions. Mais le temps de travail des enseignants est inférieur à la moyenne de l’OCDE.
Le rapport préconise d’adapter « l’offre » de formation « aux besoins qui peuvent être fluctuants tout au long de l’année scolaire » : augmenter de 2 heures hebdomadaires le service d’enseignement des certifiés, aligner sur cet horaire le service des agrégés (20 heures pour tous) et annualiser ce temps de travail. Les heures consacrées aux missions liées à l’enseignement devront être étroitement contrôlées.
Ce rapport propose aussi la suppression de nombre d’options au lycée.
Au total, cela permettrait de supprimer un tiers des postes dans le secondaire.
Le programme de Fillon constitue une véritable machine de guerre contre le droit à enseignement pour tous, contre la possibilité d’obtenir des diplômes reconnus par les conventions collectives, mais aussi contre les personnels de l’Éducation nationale. Il prévoit pour cela de s’appuyer sur la loi de refondation Peillon, qui concentre le cœur de toutes les attaques menées.