Édito : Jusqu’au dernier jour
À en croire les médias, et au vu de l’activité des partis politiques ayant pignon sur rue, la situation politique serait maintenant cadrée, et sur- déterminée, par la préparation de l’élection présidentielle.
Certains commentateurs en concluent que, désormais, le président et son gouvernement pourraient faire des cadeaux aux électeurs, en particulier à ceux qui avaient voté Hollande en 2012 pour se débarrasser de Sarkozy. Ces « cadeaux électoraux » (dénoncés notamment par le Parti républicain) serviraient à éviter une débâcle prévisible lors de la pro../../IMAGE/16IMAGE/chaine élection présidentielle et des législatives qui suivront.
Mais on ne nous dit pas pourquoi, dans ces conditions, Hollande a jusqu’à aujourd’hui fait systématiquement le contraire de ce qu’étaient en droit d’attendre « ses » électeurs, en particulier les salariés. Car la liste des mesures réactionnaires prises depuis 2012 est impressionnante. Rappelons pour mémoire : une nouvelle attaque contre les retraites la première année ; le blocage du salaire des fonctionnaires ; de nouvelles mesures sécuritaires (dont l’état d’urgence et sa prolongation répétée) ; la répression policière des manifestations et la condamnation judiciaire de manifestants et syndicalistes ; la politique xénophobe se traduisant par de nouvelles mesures contre les réfugiés, les travailleurs et les jeunes sans papier ; le vote par la majorité parlementaire PS (avec l’abstention du Front de gauche) de la loi Peillon de dislocation de l’Enseignement public avec, comme premières applications, la réforme des rythmes scolaires et la réforme des collèges ; des subventions massives au patronat (crédit d’impôt recherche, etc.). Il faudrait aussi énumérer tout ce que Hollande a refusé de faire, à commencer par l’abrogation des lois et mesures réactionnaires adoptées avant 2012. Toutes ont été maintenues, souvent approfondies : ainsi la réforme Pécresse disloquant l’université a non seulement été préservée, mais aggravée par la loi Fioraso, véritable loi Pécresse n°2, etc.
Et l’apothéose fut le vote de la loi El Khomri, en dépit d’une puissante mobilisation, la plus longue depuis 2012. Il est vrai qu’en la matière, Hollande put bénéficier de la politique des directions syndicales, dont même les plus « hostiles » en parole à la loi Travail menèrent en réalité une politique de canalisation du mouvement, combinant journées d’actions à répétition et demandes réitérées de reprises des discussions avec le gouvernement.
La dernière fleur sur le cercueil de la mobilisation fut déposée le 15 septembre, journée de manifestations dont le dirigeant de FO prit soin de préciser que ce serait la dernière tandis que la direction de la CGT prétendait qu’on allait poursuivre la lutte « à l’intérieur des entreprises ».
Cela était l’aboutissant de la politique conduite, avec des nuances de forme, par l’ensemble des directions syndicales depuis l’élection en 2012 d’une majorité parlementaire PS-Front de gauche : au-delà de quelques critiques verbales, toutes ont accompagné la politique de dialogue social mise en œuvre à partir de la première « conférence sociale » tenue en juillet 2012 entre le gouvernement, les représentants du patronat et les dirigeants syndicaux.
En réalité, Hollande a fait avec obstination la politique qui lui semblait nécessaire pour défendre le capitalisme français. C’est la volonté de répondre aux exigences du MEDEF et non de quelconques préoccupations électoralistes qui ont dicté sa politique depuis 2012. Ce faisant, il a préparé le retour au pouvoir d’un Juppé, d’un Sarkozy ou d’un semblable en 2017.
Pourquoi changerait-il maintenant de politique, alors même que la mobilisation, au lendemain des vacances d’été, a reflué, au moins pour un temps ?
Certes, Hollande se prépare à mener campagne alors que, sondage après sondage, il semble voué à s’enfoncer dans d’inexorables sables mouvants. Et les actuels députés du PS savent qu’il y aura parmi eux bien peu de survivants. Mais, à trop considérer que le PS et ses dirigeants sont d’incurables électoralistes, on en oublie l’essentiel : cet électoralisme n’est que le moyen de se mouler dans les institutions bourgeoises pour mieux servir la bourgeoisie. Certes, c’est aussi un moyen d’en tirer bénéfice grâce aux innombrables postes d’élus qu’offre la Ve République.
Mais au-delà des intérêts personnels, il y a la fonction, le rôle du Parti socialiste, qui est de défendre le capitalisme national (comme tous les partis sociaux-démocrates, passés « définitivement du côté de l’ordre bourgeois » depuis belle lurette). L’élection des candidats du PS n’est jamais une fin en soi : elle vise à mettre en œuvre la politique que Hollande et le PS jugent la meilleure pour « leur » bourgeoisie. Pour « la France », comme ils disent.
C’est la raison pour laquelle, au-delà de mesures de façade, les ultimes réformes que Hollande et Valls vont tenter de faire passer dans les mois à venir seront dans la continuité des précédentes. De même, la publication des décrets découlant de la loi El Khomri se fait-elle au pas de course. Et les opérations de replâtrage, comme celle effectuée à l’usine Alstom de Belfort pour éviter une explosion sociale, ne changent rien à cette orientation générale.
À défaut, il s’agira de préparer le travail du gouvernement suivant, le plus probable étant que ce sera le gouvernement d’un homme issu du Parti Républicain.
C’est ainsi que le gouvernement a tenu à appliquer dès cette rentrée scolaire la réforme des collèges, et que Hollande a annoncé une réforme à venir des lycées, dans la continuité de celle du collège.
C’est ainsi que Hollande tente de boucler une réforme concernant l’évaluation des enseignants.
C’est ainsi que le gouvernement veut économiser 4 milliards sur les dépenses de santé en 2017 (fermetures de lits d’hôpitaux, réduction de soins…), « coup de rabot » sans précédent depuis 2012.
C’est ainsi que le gouvernement propose aux syndicats de discuter de la réécriture de la première partie du Code du travail, en application de la loi El Khomri.
Bien évidemment, des candidats tels que Juppé ou Sarkozy ou Le Pen ne peuvent que tirer profit de cette politique, et prévoient de l’accélérer.
Pour Sarkozy, Fillon ou Le Pen, cela va sans dire. Cela vaut aussi pour Juppé, dont les medias s’évertuent à offrir une image modérée, aseptisée.
Ainsi Juppé prévoit l’autonomisation complète des établissements scolaires. Le même Juppé veut appliquer jusqu’au bout les lois Pécresse et Fioraso en permettant aux universités, financièrement asphyxiées, de faire payer les étudiants (dans les limites d’une « fourchette »…) qui veulent faire un master ou un doctorat.
Tous ces projets avancés par Juppé, Sarkozy et Cie représentent un grand danger, pour les salariés et la jeunesse. Et les combattre sera nécessaire.
Mais aujourd’hui, c’est à la politique de Hollande et Valls que la jeunesse et les travailleurs sont confrontés.
Et le meilleurs moyens de préparer le combat contre tous ces projets ultra-réactionnaires portés par Sarkozy ou Juppé, c’est de combattre la politique actuelle du gouvernement, de la combattre jusqu’au bout. Toute défaite, tout recul qui lui sera imposée sera un point d’appui pour les combats ultérieurs. C’est en ce sens qu’il est possible que les luttes "encadrent" les élections, et non l’inverse.
Mais pour imposer un tel retournement, au moins partiel, de situation, encore faut il que les syndicats soient aux avants postes du combat des travailleurs, encore faut il mettre fin à la politique de collaboration, ouverte ou discrète, de directions syndicales avec le gouvernement.
Cela passe par le combat contre le dialogue social, lequel est promu par toutes les directions syndicales, sans exception, de FO à la FSU en passant par la CGT et Solidaires (sans même parler de la CFDT).