Grèce : un an de gouvernement Syriza-AN.EL
1/3. De la victoire du 25 janvier 2015 au référendum du 5 juillet
En janvier 2015, la victoire électorale de Syriza souleva, en Europe, l’enthousiasme de nombreux militants. Un an après, que reste-t-il de cette victoire ? Un premier bilan s’impose.
Il y a un an, la victoire électorale de Syriza faisait la « une » des médias. Certains d’entre eux ne cachaient pas leur enthousiasme. La page Une de L’Humanité du 26 janvier titrait : « SYRIZA ouvre la brèche ». Un titre intérieur, dithyrambique, proclamait « Tsipras, conscience grecque et clairvoyance européenne ». Enthousiasme aussi de Libération, sur « l’apothéose de Syriza ».

Ces commentateurs semblaient davantage s’intéresser aux conséquences possibles de cette victoire pour la France, et pour l’Europe, que pour le peuple grec qui se voyait missionné pour un combat par procuration. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, s’exclamait : « ce soir, l’espoir renaît en France ». Quant à Mélenchon, plus rien ne le retenait : « les suivants, ce seront les espagnols, et après ce sera nous ».
Pourtant, à Athènes, l’enthousiasme était plus mesuré. Certes, l’objectif était atteint : chasser le gouvernement de Nouvelle Démocratie, dirigé par Antónis Samarás, qui avait conduit une violente politique d’austérité. En même temps était sanctionné lourdement le Pasok qui, auparavant, avait mené la même politique. Mais chacun savait qu’on n’en avait pas fini pour autant avec l’austérité.
Formation du gouvernement après les élections du 25 janvier 2015
Syriza, qui avait 71 députés dans le Parlement sortant, se retrouve en tête, avec 36,34% des suffrages exprimés et bénéficie de ce fait d’un « bonus » de 50 députés. Ce système doit permettre à un parti qui a la majorité relative de gouverner, la majorité absolue étant de 151 sièges.
Néanmoins, ce bonus ne suffit pas à Syriza, qui totalise ainsi 149 députés. Il lui faut trouver un allié au moins, ou obtenir un vote permettant de gouverner sans majorité absolue. Mais quel allié ?
Syriza a décidé de refuser tout accord avec l’un des partis ayant soutenu ou soutenant la politique dictée par la Troïka. Cela exclut donc des partis bourgeois tels que Nouvelle Démocratie, bien sûr, mais aussi un nouveau parti, « To Potami » (La rivière : 6,05% et 17 députés).
Cela exclut aussi le Pasok, qui est laminé mais a encore 13 députés.
Mais il y a au Parlement un autre parti opposé à l’austérité : le KKE (avec 15 députés). C’est un parti d’origine stalinienne qui n’a renoncé à rien de ses origines, et a mené surtout campagne contre… Syriza. Son « sectarisme » ne relève nullement d’une quelconque myopie politique, mais exprime la volonté de protéger le capitalisme en Grèce en développant une politique de division parmi les salariés. Mais si le KKE refuse tout soutien, même indirect, à Syriza qualifié de « réformiste », Tsipras lui-même ne mena aucun combat pour arracher quelque soutien que ce soit de la part de ce parti. Il exclut en particulier de demander au Parlement un vote dit de « tolérance » permettant de constituer un gouvernement de Syriza seul, sur la base d’engagements précis, issus du programme de Thessalonique (du 14 septembre 2014) et du congrès fondateur de SYRIZA de 2013 (il suffisait que 151 députés, individuellement, soutiennent ces engagements. Or, il n’était pas impossible de faire céder deux ou trois députés pour compléter le vote des 149 élus de Syriza).
Reste donc l’improbable Parti des Grecs indépendants, l’AN.EL (4,75% des voix). Ce parti dit vouloir refuser l’austérité et renégocier la dette ; mais ce positionnement se fait au compte de couches bourgeoises touchées par la crise, que l’AN.EL veut préserver.
Le 25 janvier traduit, sur le terrain électoral, les luttes qui se sont développées en particulier de 2010 à 2012 : grèves et manifestations locales, « grèves générales » contre la politique d’austérité.
Cette vague culmina en 2012 sans pouvoir briser cette politique d’austérité.
Ont contribué à cet échec le fait que les actions, sont en général demeurées sous le contrôle des bureaucraties syndicales. Les « grèves générales » n’étaient ainsi que des journées d’action nationale (parfois prolongées par une deuxième journée de grève).
A pesé également la politique de division menée par le KKE et le courant syndical qu’il contrôle, le PAME, organisant par exemple des manifestations distinctes les jours de grève.
Le mouvement s’est donc reporté sur le terrain électoral pour tenter de résoudre la question du pouvoir jusque là exercé par Nouvelle Démocratie et le PASOK. Cela a conduit, le 25 janvier, à la défaite de Nouvelle Démocratie, et à la victoire d’un ’nouveau’ parti, Syriza, qui siphonne l’électorat du PASOK : celui ci tombe de 44% en 2009 à 4,7% en 2015 ; (son ancien dirigeant, Georges Papandreou, qui vient de créer son propre parti, échoue à entrer au Parlement).
Tout cela dans une situation où l’abstention atteint 36%, où le recul de ND, qui obtient 27,8%, est limité, et où Aube dorée, avec 6,3%, ne recule guère alors que ses dirigeants sont en détention provisoire depuis septembre 2013, accusés d’appartenir à une organisation criminelle.
Quant au KKE, il recueille 5,47% des voix au lieu de 4,5% en juin 2012 et 8,5 % en mai 2012. Il ne profite donc pas de l’effondrement du PASOK, payant ainsi sa politique de division systématique.
Antarsya n’en profite pas plus, passant de 0,33% en juin 2012 à 0,64% en janvier 2015. (Il s’agit d’une petite coalition « anti-capitaliste » souvent proche du KKE dont la principale composante est le NAR (Nouveau courant de gauche). On y trouve aussi quelques proches du NPA français.

Repères
Syriza, qui fut d’abord une coalition, devint un parti lors de son congrès de juillet 2013. La majorité est dirigée par Tsipras, tandis que la Plate-forme de gauche représente un tiers des militants.

La Plate-forme de gauche regroupe elle-même deux composantes : le Courant de gauche, majoritaire que dirige Panayótis Lafazánis, un ancien du Parti communiste ; et le Red Network impulsé par DEA, courant marxiste révolutionnaire qu’anime en particulier Antonis Ntavanellos.
C’est sur le programme de « Thessalonique » (adopté en septembre 2014) que Syriza a mené campagne : programme très « allégé » par rapport à celui de 2013, mais qui promet néanmoins la hausse progressive du salaire minimum à 750 euros (soit le niveau de 2009), le retour du 13e mois pour les petites retraites, des aides sociales pour les plus pauvres. Ce plan coûterait 12 milliards.
En soi, ces mesures n’ont rien de révolutionnaires. Mais dans la situation de la Grèce soumise au double joug de sa propre bourgeoisie et de la Troïka, satisfaire ces mesures implique d’affronter tout à la fois la bourgeoise grecque et les créanciers internationaux. Cela nécessite en particulier (mais pas seulement) d’annuler la dette ou, au minimum, d’en suspendre le remboursement.
À l’inverse, Tsipras et son équipe prétendent pouvoir satisfaire ces promesses en obtenant des concessions de la part des créanciers, et en réduisant de 3 milliards la fraude fiscale, estimée de 10 à 20 milliards. Mais la bourgeoisie grecque, grande et petite, maîtrise les mécanismes de la corruption institutionnelle (et a mis l’essentiel de ses capitaux à l’abri à l’étranger).
L’AN.EL, parti ultra réactionnaire
Quant au reste de sa politique… c’est la réaction noire : son dirigeant, Panos Kamménos, défenseur acharné de l’Église Byzantine et de l’armée grecque, est connu pour ses propos xénophobes et homophobes. C’est un populiste notoire impliqué dans plusieurs scandales. C’est avec cet homme que Tsipras a décidé de s’allier, lui offrant le ministère convoité : celui de la défense. Cette alliance définit à elle seule la nature bourgeoise du gouvernement. Elle concrétise l’orientation de Tsipras qui, en dépit de déclarations contre les « oligarques », joue la carte patriotique sur le mode : « l’ennemi principal, c’est la Troïka, c’est l’Allemagne de Merkel ». Et non pas le capitalisme…
Fait notable : il existe au sein de Syriza une opposition « de gauche » (la Plate-forme de gauche). Mais ses dirigeants ont accepté sans sourciller de participer à ce gouvernement aux côtés du très réactionnaire Kamménos. Or, il était tout à fait possible de rester dans Syriza et d’y militer tout en refusant de participer à ce gouvernement. C’est ce qu’ont fait les militants de DEA, (Gauche ouvrière internationaliste, membre de la Plate forme), refusant tout poste dans le gouvernement mais aussi dans l’appareil d’État et qui se sont exprimés contre l’alliance avec l’AN.EL.
La seconde marque : l’élection d’un président bourgeois
Dès son installation, Tsipras donne d’autres garanties. Et d’abord à l’Église. Certes, pour la première fois depuis quatre décennies, le nouveau premier ministre ne prête pas serment sur la Bible ; mais il prend soin d’aller rassurer l’archevêque d’Athènes : « les relations entre l’Église et l’État seront améliorées et plus efficaces que jamais ». Cela vaut méthode de gouvernement : un petit geste pour plaire aux militants, et un solide engagement vis-à-vis de l’ordre clérical.
Cette volonté de donner des gages à la bourgeoise grecque s’exprime à l’occasion de l’élection du président de la République par le Parlement.

Tsipras pouvait choisir un membre ou un proche de Syriza. Mais, le 18 février, il proposa la candidature de Prokópis Pavlópoulos, ex-ministre et membre de Nouvelle Démocratie (ND), qui fut donc élu avec les voix de Syriza et de ND. C’était un nouveau geste fort.
Là encore, la « gauche » française préféra n’en rien dire… La Plate-forme de gauche manifesta son opposition à ce choix, mais quasi tous les députés de Syriza se soumirent à la discipline de vote. Une exception fut celle de la députée Ioánna Gaïtáni, membre de DEA : elle s’est déclarée « absente » lors de ce vote « pour des raisons de conscience et de tradition politique ».
Cela dit, nombre de Grecs ont mis leur mouchoir sur ce vote, considérant que l’urgence était d’obtenir que la pression financière exercée par la Troïka soit levée.
Mais dans ces conditions, Tsipras est mal engagé pour intimider les créanciers : leur préalable, c’est que Tsipras doit finir de mettre en application les décisions imposées à la Grèce en 2012 avec le « deuxième plan d’aide ». Sinon, les derniers versements promis seront bloqués. Tsipras a le révolver sur la tempe. Or, il a mis au cœur de sa campagne le refus d’appliquer ces exigences et prétend vouloir obtenir renégociation des mesures et de la dette…
La BCE tire la première
Le 4 février, la Banque centrale européenne ferme brutalement l’un des canaux finançant les banques grecques. Or, la Grèce doit sans cesse, pour rembourser ses dettes, émettre de nouvelles obligations dont la plupart sont rachetées par les banques grecques. Pour ce faire, ces banques empruntent à la BCE en y déposant comme « garanties »… des obligations grecques. Par banques interposées, c’est donc la BCE qui prête à l’État grec. Mais il lui suffit de considérer que ces obligations cessent d’être « sûres » pour les refuser. Ce sont alors les banques grecques et l’État lui-même qui risquent le dépôt de bilan.
Certes, il existe un autre « robinet », un autre dispositif pour obtenir de liquidités d’urgence (l’ELA) mais la BCE peut aussi le fermer, dans une situation où les retraits de capitaux se poursuivent dans les banques grecques. La date butoir est le 28 février, quand s’achève le plan « d’aide » en cours.
Contre ce chantage de la BCE, des manifestations largement spontanées ont lieu le 5 février. D’autres ont lieu le 11 février, puis le 15 février.
Du 5 au 20 février 2015
Le 8 février, dans son discours de politique générale, Tsipras déclare : « la décision inébranlable du gouvernement est d’honorer toutes ses promesses de campagne ».
Il importe peu de savoir si Tsipras pouvait croire une seconde qu’il ferait céder l’Eurogroupe. Mais face à ces derniers, il mit en avant Varoufàkis, un ministre des finances d’une vanité rare.
Durant deux semaines, les rencontres se multiplient à Bruxelles, à Berlin et ailleurs entre ministres des finances, chefs de gouvernements… rencontres souvent glaciales, parfois explosives… Le 20, un « compromis » est trouvé. Les 23 et 24 février, il est finalisé.
Le gouvernement grec accepte désormais la plupart des réformes qui étaient programmées par le mémorandum, à charge pout lui de les préciser d’ici fin avril. L’aide financière à la Grèce est prolongée de 4 mois, aux conditions des créanciers.
Le pays « laisse derrière lui l’austérité, le mémorandum, la troïka » clame alors Tsipras, précisant : « nous avons gagné une bataille mais pas la guerre ». C’est le moins que l’on puisse dire… Il suffit de lire la déclaration amère de Manolis Glézos, vieux résistant grec et eurodéputé de Syriza : « Je demande au peuple grec de me pardonner pour avoir contribué à cette illusion » que les promesses seraient tenues : « Changer le nom de la “Troïka” en “institutions”, celui du mémorandum en “accord” et celui des créanciers en “partenaires” ne change en rien à la situation antérieure ».
Le détail de l’accord dit du « 20 février »
De fait, au-delà de quelques concessions, cet accord est une première défaite. Certes, des mesures font facilement accord, comme la lutte contre l’évasion fiscale, ou contre la corruption (mais c’est un vœu pieux tant que les banques européennes continuent de protéger les « évadés » fiscaux) ; et des promesses de Tsipras semblent préservées (la saisie des résidences principales des plus pauvres est suspendue ; l’aide « humanitaire » aux situations les plus tragiques acceptée).
Mais des promesses sont dénaturées : la hausse du salaire minimum, reportée, sera soumise à « consultation (…) avec les partenaires sociaux et les institutions européennes et internationales ».
De même, si les conventions collectives peuvent être restaurées, elles prendront en compte « l’équilibre entre la flexibilité et la justice » (sic).
Quant à la promesse d’annuler les privatisations anciennes ou en cours, c’est fini. De nouvelles privatisations sont envisagées, sous forme de « baux à long terme et partenariats publics – privés ».
Et surtout, au-delà des ambiguïtés qualifiées parfois « d’ambiguïtés positives », tout sera soumis au bon vouloir des créanciers. Le versement prévu de 7 milliards sera conditionné aux réformes que devra présenter et préciser la Grèce. L’activité du gouvernement grec sera sous le contrôle des représentants des « Institutions », et la dette payée aux échéances prévues. La Grèce devra maintenir des excédents budgétaires « adéquats ». Chaque dépense supplémentaire sera compensée.
Tout dépendra de ce que veulent les « Institutions ». Or l’objectif de l’Eurogroupe, de la BCE et du FMI est d’abord politique. Il s’agit de faire plier Syriza jusqu’à sa défaite complète.
Dans ces conditions, des critiques s’expriment su sein de Syriza. Certaines mesurées, viennent de la Plate-forme de gauche et de son principal leader, Panayótis Lafazánis : il clame ainsi que « tout arrangement transitoire doit être compatible avec le programme du gouvernement ». Mais il n’est pas question pour cette aile « gauche » de renoncer aux porte-feuilles ministériels qu’elle détient.

Des critiques, plus fermes, sont portées par DEA qui affirme la nécessité de revenir aux décisions de la conférence de Syriza de juillet 2013 et aux engagements de Thessalonique de septembre 2014. Ces résistances internes conduisent Tsipras à ne pas soumettre cet accord au Parlement.
À l’extérieur de Syriza, des critiques virulentes sont formulées par le Parti communiste (le KKE) ou par des groupes tels Antarsya : « SYRIZA est le nouveau pôle de la social-démocratie en Grèce et il s’intéresse à la gestion du pouvoir bourgeois » explique le KKE le 10 février.
Cette politique de critique-dénonciation est accompagnée de manifestations : le 26 février, quelques centaines de manifestants se rassemblent, à l’appel d’Antarsya, contre l’accord avec l’Euro-groupe. Le 27, c’est au tour du KKE qui rassemble 7 à 8000 manifestants.
Mais cette politique de « dénonciation », confond un parti (Syriza) et le gouvernement d’alliance avec l’AN.EL, et rejette toute alternative gouvernementale, alors que celle-ci est possible.
Mars avril : « nous ferons sortir le sang de la pierre ».
Dès le mois de mars, le gouvernement grec est pris à la gorge par la chute des recettes fiscales et doit demander un déblocage rapide d’une partie au moins de l’aide promise Mais, chaque semaine, il paye rubis sur l’ongle ses dettes. Sont ainsi versés, en mars, 1,2 milliards au FMI et 4,5 milliards aux banques pour des bons du Trésor arrivés à échéance. Il en sera de même en avril et mai. A ceux qui s’imaginaient que le gouvernement grec ne paierait pas ses dettes, Varoufàkis répond : « Le FMI est prioritaire. Nous ferons sortir le sang de la pierre pour le rembourser ».
Parallèlement, les discussions s’engagent sur les réformes que le gouvernement grec accepte.
Le 9 mars, Varoufàkis présente à l’Eurogroupe un chiffrage précis de ces réformes. Le 11 a lieu à Bruxelles une réunion des représentants grecs avec feu la Troïka - désormais rebaptisée « institutions » - en réalité un quartet : les représentants du FMI, de la BCE, de la Commission européenne et du MES (Mécanisme européen de stabilité, qui détient 40% de la dette grecque).
Et Tsipras a dû entériner le retour des experts de l’ex-Troïka et désormais Quartet, lesquels arrivent le 12 dans la capitale grecque pour vérifier tous les comptes, évaluer et discuter chaque mesure.
Mais les discussions n’avancent qu’à « pas de bébé » selon un représentant de l’Eurogroupe.
Le 24 avril, au sein de l’Eurogroupe, les échanges sont particulièrement aigres. Pour les créanciers, la liste des réformes proposées n’est ni « complète » ni « acceptable ». La dernière tranche de 7,2 milliard reste donc bloquée. Le même jour, une première privatisation, celle du PMU, est annoncée.
Mais le gouvernement grec tente toujours de limiter l’ampleur de ce qu’il doit concéder aux institutions, du fait d’une résistance qui s’exprime dans la rue et jusqu’au Parlement. Ainsi, le 9 avril, une manifestation a lieu à Athènes contre le versement au FMI, à l’appel du syndicat de fonctionnaires Adedy, et du mouvement « Effacer la dette maintenant », créé début mars.
Pour calmer ces protestations, le gouvernement fait voter quelques mesures promises : la loi du 18 mars concerne un plan dit « humanitaire » pour les plus pauvres. Cette loi est votée aussi par ND et le Pasok car ces partis préfèrent la charité (financée par l’État) que l’embauche des chômeurs et la hausse des salaires. Mais fin avril, les décrets d’application ne seront toujours pas publiés…
La loi du 21 mars autorise le paiement échelonné des retards d’impôts. Celle du 11 mai permet de réembaucher 4 000 fonctionnaires antérieurement licenciés (mesure qui avait été jugée illégale) ; et une loi permet la naturalisation des enfants nés de l’immigration de « deuxième génération ».
Mais l’Eurogroupe sait qu’il lui suffit d’attendre : les caisses grecques se vident rapidement.
L’enlisement
Le 27 avril, Tsipras doit mettre Varoufàkis – dont l’arrogance est contre productive – en retrait des négociations : c’est George Chouliarakis qui mènera ces négociations, en coordination avec Euclide Tsakalotos. Fait notable : les négociations, quant au contenu, font l’objet d’un huis-clos.
Semaine après semaine, la Grèce continue de payer ses dettes au FMI, et de rembourse les bons du Trésor arrivés à échéance, avec les intérêts, tout en empruntant de nouveau à court terme. Mais c’est chaque semaine plus difficile. Début mai, le gouvernement doit réquisitionner les réserves financières des collectivités locales et des entreprises publiques. Et, pour éviter un krach bancaire, la BCE relève, à 73,2 milliards d’euros, le plafond de l’aide d’urgence aux banques grecques, victimes de retraits massifs (5 à 6 milliards par mois). Cet exode massif fait la joie des banquiers, en Allemagne, destination préférée de ces capitaux, mais aussi en France, et autres pays d’accueil.
Et aucune aide alternative n’est à espérer venant de Moscou, malgré le voyage de Tsipras et les efforts du gouvernement grec pour charmer Poutine, lui-même en difficulté financière.
Mais le 14 mai, Athènes débloque le processus de privatisation du port du Pirée lancé par le gouvernement précédent, et suspendu en janvier.
La télévision publique ERT recommence à émettre le 11 juin 2015. Elle avait été fermée en juin 2013 par le gouvernement d’Antónis Samarás.
Le 4 juin, c’est une première, la Grèce ne peut payer une traite due au FMI, et s’engage à la régler en fin de mois (ce que permet le règlement du FMI). Cela vaut alarme : le gouvernement est pendu.
À Athènes, la presse publie des informations sur le contenu de l’accord en gestation, ce qui provoque un tollé de protestations. La Plate-forme de gauche appelle à une « rupture » et à « une solution alternative », c’est-à-dire à sortie de l’euro. Mais ses dirigeants ministres restent en place.
La situation se tend le 18 juin : Varoufakis est proprement congédié de l’Eurogroupe irrité des atermoiements grecs. Le 21, la Grèce fait de nouvelles offres : « les premières vraies propositions » selon Donald Tusk, président du Conseil européen. Les réunions vont alors s’enchaîner.
Il faut dire que les efforts de Tsipras sont substantiels : l’objectif d’un excédent primaire budgétaire est accepté (1% en 2015, 3% en 2017), de même des hausses de TVA, et des concessions sur les retraites. Mais tout n’est pas réglé, et les « Institutions » semblent avoir, le 23 juin, ré-activé des exigences qu’elles avaient abandonnées. Or, il y a urgence : 6 milliards ont été retirés des banques en une semaine. Même les salariés et artisans retirent ce qu’ils peuvent (les grandes fortunes sont parties depuis longtemps : près de 100 milliards ont « émigré » depuis 2008). La BCE a porté à 85,9 milliards le plafond de son soutien, mais peut y mettre fin à tout moment.
Tsipras est donc acculé : il va devoir capituler, et obtenir un vote favorable de son étroite majorité parlementaire en apparaissant comme le meilleur combattant de la « cause grecque ». Certes, To Potami, avec ses 17 députés, et une partie du Pasok, font savoir qu’ils voteront pour un accord, ce qui compenserait des défections dans les rangs de Syriza, mais Tsipras en sortirait alors affaibli.
Référendum grec : une ultime manœuvre
Alexis Tsipras annonce donc, dans la nuit du vendredi 26 juin, la tenue d’un référendum sur les mesures d’austérité demandées par les créanciers. Personne n’a vu le coup arriver. Ni même les négociateurs grecs en pleine discussion.
La samedi, le Parlement approuve ce référendum par 178 des 300 députés (tous ceux de Syriza, ceux de l’AN.EL et les néo nazis).
Le référendum est fixé au 5 juillet.