Immigration choisie, xénophobie d’Etat
Ce sont les lois sur l’immigration qui créent les « sans papiers ». Valls et le gouvernement utilisent les lois Sarkozy, le « Code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile » (CESEDA), pour poursuivre la guerre aux migrants.
Cette politique s’inscrit dans un contexte mondial plus large.
L’accroissement des échanges économiques, de la mobilité des capitaux s’accompagne de lois règlementant les flux migratoires et d’un développement des contrôles migratoires. C’est le cas avec la création de l’ALENA, du Mercosur : la disparition des barrières douanières s’accompagne du déploiement de patrouilles maritimes, de la progression du mur entre États-Unis et Mexique, de l’essor des techniques de scannage et de biométrie pour contrôler les passeports… On doit aussi noter l’extension de la construction de murs : autour de Ceuta et Melilla, entre l’Inde et la Bangladesh, l’annonce de la construction d’un mur entre le désert du Néguev et le Sinaï égyptien, en Grèce à la frontière de la Turquie.
En Europe, on a vu se développer, dans les années 1980, un espace de libre circulation des biens, des capitaux, des marchandises. Dans le même temps, a été organisé l’espace de Schengen avec un système de tri entre ceux qui peuvent circuler et les indésirables (accord en 1985, puis convention de Schengen en 1990). Différents dispositifs ont été mis en place, comme le fichier Eurodac, ou l’agence Frontex.
Tel est le sous-titre de l’ouvrage de Claire Rodier Xénophobie Business. L’auteur y esquisse trois fonctions.
↳ Cette idéologie cherche à justifie la domination économique et politique de la bourgeoisie. En créant des boucs émissaires (les sans papiers) les gouvernements visent à masquer l’origine réelle du chômage, de la misère dans laquelle la crise du capitalisme plonge une masse toujours plus grande de la population. On brandit les dangers d’une invasion, de la délinquance étrangère pour faire accepter les politiques de contrôles policiers, lesquelles s’appliquent aux étrangers et aussi aux couches populaires. Car les immigrés, sont, de près ou de loin, associés aux « classes dangereuses » qui menacent la société. Cela permet d’asseoir l’autorité des gouvernements dont les politiques sont au service du patronat et de limiter, détourner les combats de classes.
↳ Ces contrôles participent du rapport de dépendance des États dominés vis-à-vis des États impérialistes. La tendance à l’externalisation des contrôles et l’enfermement dans des camps, bref du « sale boulot » vers les pays de départ exprime clairement cette domination néocoloniale (accords entre l’Espagne, la France et le Sénégal, accords avec la Turquie, l’Iran, etc.). Ainsi, les accords passés entre l’Union Européenne et la Mauritanie ont conduit à la création, en 2006, d’un camp surnommé « Guantanamito », financé par des fonds européens ; et par ailleurs, un accord sur la pêche autorise les navires des pays de l’Union Européenne à pêcher dans les eaux mauritaniennes en contrepartie d’une contribution financière.
↳ Enfin, une véritable « industrie de la sécurité » génère de multiples profits. « Technologie de pointe en matière de surveillance à distance, sociétés privées spécialisées dans la gestion des centres de rétention des migrants ou de convoyage des expulsés, recyclage dans le domaine civil du savoir militaire aujourd’hui sous-utilisé », sont autant de marchés « qui se sont développés pour répondre aux programmes politiques de lutte contre l’immigration irrégulière » (C. Rodier). L’externalisation de missions de sécurité assurées par l’État auprès d’entreprises privées (jouant le rôle de mercenaires) crée de nouveaux marchés et de nouveaux profits, fait baisser les coûts à la charge de l’État et rend les responsabilités opaques en cas « d’accidents ». L’utilisation de technologies toujours plu perfectionnées profite aux grands groupes américains, tels Boeing, mais aussi européens (EADS, Thales, Siemens, Eriksson…). Le budget de l’Union Européenne dédié à la recherche en matière de sécurité représente 1.3 Mds/an. Et, par exemple, l’usage civil des drones dans la surveillance et le contrôle des frontières va s’étendre des États-Unis à l’Europe.
à lire : Xénophobie Business À quoi servent les contrôles migratoires ? Claire Rodier, La Découverte. Claire Rodier est juriste au GISTI (Groupe d’informations et de soutien des immigrés). Elle travaille plus particulièrement sur les politiques européennes d’immigration et d’asile.