Les temps sont en train de changer (par Valerio Arcary)
Les mobilisations se sont ensuite étendues et élargies, au point que le gouvernement de Dilma Rousseff et les autorités
locales ont dû commencer à reculer, en annulant l’augmentation des tickets de transports en commun. Puis, ont surgi de nouvelles revendications, ainsi que de nouvelles questions. Ainsi, lors de
certaines manifestations, des groupes d’extrême droite infiltrés dans les manifestations et scandant « aucun parti ! », ont cherché à interdire que soient présentes en tant que telles des organisations politiques ouvertement présentes dans les cortèges, comme la jeunesse du PT (c), ou les militants révolutionnaires du PSTU ou du P.Sol (b).
La question du rôle des syndicats s’est également posée. Et la centrale CSP-Conlutas a appelé à une journée de
mobilisation le 27 juin. D’autres questions ont également surgi lorsque Dilma Rousseff a manoeuvré en proposant un référendum pour modifier la constitution.
L’insurgé aura l’occasion de revenir sur ces questions.
Le 30 juin 2013
![]() Photo : L’insurgé | "Venez tous vous rassembler braves gens Bob Dylan
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Une sagesse antique enseigne que Zeus envoya Pandore pour punir Prométhée. Celui ci avait volé le feu pour garantir aux êtres humains, avec ce pouvoir, le droit à la vie. Prométhée avait résisté aux dieux et fut condamné. Il souffrit toutes les malédictions qui avaient été conservées dans la boîte de Pandore. Jusqu'à ce que Zeus décide de fermer la boîte quand à l'intérieur il n'y eut plus que la dernière, mais la plus terrible des malédictions. L'humanité échappa donc au pire des maux, le plus invisible et le plus effrayant : la perte de l'espérance.
Mais à São Paulo il y a, c’est incontestable, une crise politique. Le plus important est que les quatre manifestations de rue dans les dix derniers jours ont été les plus importantes depuis, probablement, août 1992, lorsque la jeunesse est descendue dans les rues pour exiger le départ de Collor. Et la manifestation de lundi 17 Juin promet d'être la plus grandiose et imposante de toutes. La brutalité répressive de la police militaire, comparable seulement à la violence des années de dictature militaire, a conduit une nouvelle génération à s’engager dans la lutte. Maintenant, il s’agit aussi de la défense des plus élémentaires libertés démocratiques. Cette nouvelle génération ira défiler dans les rues de Pinheiros. Ils seront, probablement, beaucoup plus nombreux que la semaine dernière. En ayant une énorme volonté de se battre jusqu’à la victoire. Cette volonté, cela est nouveau, elle est puissante, elle est contagieuse.
La lutte contre la hausse du coût des transports et la solidarité impressionnante contre la répression, suggèrent que s’était accumulée lentement, de manière souterraine, une insatisfaction, voire un mécontentement, qui n'avait pas encore trouvé une opportunité ou un canal d'expression politique. Le jaillissement de la jeunesse dans les rues est, comme tant d'autres fois dans l'histoire du Brésil (1968, 1977, 1983, 1992), la foudre, l’éclair, l'étincelle
Dilma a été huée lors de l'ouverture de la Coupe à Brasilia. La lente récupération des salaires effectuée au cours des années 2000 a été interrompue par La stagnation économique de ces dernières années. La pression inflationniste a touché les foyers des travailleurs et des classes moyennes salariées. Contrairement à ce qui s'était passé à Cracolândia (1), à Pinheirinho (2), à l'USP(3), cette fois, la férocité et la sauvagerie de la répression de la PM a déclenché une indignation et une révolte qui ont atteint les foyers et uni les familles dans la défense des étudiants, ont fait irruption dans les usines et gagné la sympathie de la classe ouvrière. Unies, ces forces sociales peuvent gagner. La mobilisation a démontré une telle légitimité qu’elle toucha même les autistes
Alckmin et Haddad, bras dessus, bras dessous à Paris, pour l'instant au moins, dans un isolement politique glacial.
Le contexte économique de cette nouvelle conjoncture n'est pas encore une crise, mais il y a des signes de turbulence à l'horizon. Le Brésil n'est pas en récession, cependant, il est sous la pression du marché mondial. Ces premiers mois de 2013, la balance commerciale a réalisé sa pire performance historique. Nous n'avons pas pour autant de spirale inflationniste incontrôlable. Ni d’inflation incontrôlée. Néanmoins, il est essentiel de comprendre que la perception populaire dominante entre 2004 et 2012 comme quoi la vie était un peu meilleure, est entrain de changer.
Comme au cours des deux derniers siècles, avec la crise mondiale actuelle, le capitalisme brésilien est fragilisé par son talon d'Achille : les comptes extérieurs. La baisse des exportations aggrave le déficit de la balance courante qui devrait dépasser les 70 milliards de dollars en 2013, pour atteindre 100 milliards de dollars. Ce qui ne peut être couvert par l'afflux de dollars. Les signes de changement dans les flux internationaux de capitaux, des pays périphériques vers les États-Unis, avec une hausse attendue des taux d'intérêt de la FED, sont déjà à l'origine d'une baisse momentanée de la Bourse et d’une hausse du dollar. Cela augmente ainsi les pressions inflationnistes et la Banque centrale a déjà indiqué très clairement que le taux d'intérêt au Brésil continuera également d'augmenter. En un mot, une situation plus instable pour les affaires. De même, les marges de manœuvre des gouvernements au service des monopoles se réduisent. Ce qui indique que les possibilités de négociations et concessions pour la jeunesse et les travailleurs diminuent également.
Les luttes seront donc dures, très dures, et vont exiger un état d’esprit révolutionnaire pour vaincre. La chose la plus importante est que la jeunesse est de retour dans les rues, et avec une grande force. Elle a apporté ses cris, sa colère, ses chansons, son courage. Elle ouvre la voie à une nouvelle situation. Et l'espoir brille dans le cœur de nous tous.
(traduction L’insurgé http://www.insurge.fr/)
(b) P. SOL Partido Socialismo e Liberdade, fondé en 2004 par une partie de l’aile gauche du Parti des travailleurs.
(c) PT : Parti des travailleurs, créé en 1980 dans le combat contre la dictature militaire. Luis Inàcio da Silva « Lula », dirigeant des métallurgistes en grève de la région de São Paulo en 1978, en a été le principal initiateur du mouvement.