Enseignement, Université, Recherche
Pour le retrait du projet Fioraso, l’abrogation de la LRU, du LMD, du Pacte de recherche
Ce n’est que depuis février 2013 que, dans les universités, ayant pris connaissance du projet de loi Fioraso, les personnels commencent à se mobiliser et à exiger le retrait du projet. À l’abri des huit mois de concertation, le gouvernement a mis sur pied le projet de loi qui doit être soumis au conseil des ministres le 27 mars 2013.
Le programme du gouvernement était parfaitement clair. Il n’est pas, dit Fioraso, de « revenir sur la notion d’autonomie », mais de « remédier aux dysfonctionnements identifiés lors des Assises ». Prenant acte « des mouvements importants » qui se sont déroulés contre la LRU, elle précise : « La méthode que nous avons adoptée est celle du dialogue ».
La présentation de ce projet de loi au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) des 18-19 et 25 février 2013, clôt un long « cycle » de « concertations ». Et Fioraso en fait le bilan : « Par le biais des Assises, nous avons voulu réengager le dialogue (…) plusieurs dizaines de séminaires dans les territoires, l’implication des recteurs, des préfets, des équipes de recherches et de la communauté académique dans son ensemble ont fait la réussite de ces Assises. Elles ont été encadrées au niveau national par un Comité de pilotage indépendant qui a procédé à plus de 110 auditions » (audition au Sénat).
Et de manières diverses, les directions syndicales ont toutes apporté leur caution. Tout en critiquant, la direction du SNESup a appelé ses « militants à participer aux débats » ; le SNTRS-CGT a appelé les personnels « à intervenir ». Le SNPREES-FO a aussi participé tout en affirmant que ces assises ne pouvaient être « le lieu de négociations syndicales sur les revendications ». Seul SUD-Recherche a décidé de ne pas y participer.
En outre, les directions syndicats cogèrent la LRU au quotidien.
À l’échelle nationale, toutes les organisations participent aux multiples instances de « cogestion » qui mettent en œuvre de la LRU. Tous les syndicats - enseignants et aussi étudiants - participent, par exemple, aux comités de suivi de la licence et du master. Ces organismes mis en place dans la cadre du LMD ont fait « évoluer » (sic) la licence et le master selon les axes de la LRU. Le projet Fioraso s’appuie sur leurs travaux. (cf l’encart p. 22).
Et dans chaque université, les structures et les taches sont multiples. Ainsi, par exemple, participent-ils à l’élaboration de « référentiels » redéfinissant en termes d’heures, voire de points, les activités ou responsabilités des enseignants chercheurs en dehors des missions essentielles (enseignements en CM et TD, préparation des examens, corrections de copies, des jurys…). Le passage aux RCE a multiplié et diversifié les activités annexes : conception de modules de formation en e-learning et suivi des étudiants ; responsabilité de filière, d’année, de diplôme ; enseignant référent (suivi de stage, de rapports et de mémoire de stage, encadrement de projet tutoré, suivi de mémoire de recherche, encadrement de thèse, d’HDR…), etc. Comme il n’y a pas d’argent pour payer ces activités, c’est la débrouille : certains ont imaginé un système de capital-points qui pourra être utilisé lors de décisions statutaires telles l’avancement, le détachement…
Le 26 février, un « communiqué unitaire », FSU (SNESup, SNCS, SNASUB, SNEP, SNETAP), CGT (SNTRS, CGT-INRA, FERC Sup), SNPRES-FO, Solidaires (SUD Recherche, EPST, SUD Éducation, Solidaires Etudiant-e-s), SLR, SLU, reprend ces revendications. Mais il demande « l’ouverture d’une véritable négociation pour une loi d’orientation et de programmation à la hauteur des besoins ». Il appelle à l’AG du 2 mars, à organiser des AG dans les établissements, et en même temps « à faire voter des motions »… dans « les conseils d’universités, les sections de CNU ou du CoNRS », c’est à dire dans les instances de cogestion et de mise en œuvre des lois d’autonomie. Il propose « d’intervenir auprès des parlementaires »…
Et, le 2 mars, les 150 personnes venues d’une trentaine d’établissements de toute la France, réunies en AG à l’INALCO (Paris) votent à l’unanimité une motion qui « dénonce la stratégie de Lisbonne » et exige « l’abandon pur et simple du projet de loi Fioraso et un moratoire sur le projet de formation des enseignants ». Mais en même temps, elle demande « une loi de programmation [qui] devra abroger l’ensemble des dispositifs mis en place par le Pacte pour la Recherche (notamment ANR, Alliances, Fondations de Coopération scientifique) et par la loi LRU (et notamment les RCE) ».
Qui peut croire que de nouvelles négociations avec Fioraso et son gouvernement pourront imposer l’abrogation de la LRU, du Pacte de recherche et satisfaire les revendications ? Faut-il rappeler que la mobilisation de 2009 a été cassée grâce à la participation directe de représentants syndicaux (FO, Unsa, CFDT) et la complicité de ceux du SNESup aux « négociations » avec Pécresse ?
En mai 2012, la volonté d’en finir avec la casse de l’enseignement public, avec la dislocation du cadre national de l’enseignement et de la recherche a joué un rôle important dans la défaite électorale infligée à Sarkozy et à l’UMP. Si les travailleurs ont dû utiliser le terrain électoral, c’est parce que, lors des mobilisations, les dirigeants syndicaux, comme ceux du PS et du PCF, ont refusé de remettre en cause la légitimité de Sarkozy, renvoyant grévistes et manifestants aux élections.
C’est cette aspiration qu’expriment les résultats du vote le 6 mai, puis du 10 juin 2012 accordant une majorité écrasante aux députés du PS et du Front de gauche (le PS a lui seul ayant la majorité) et leur donnent les moyens de mettre en œuvre une politique conforme aux aspirations des enseignants et personnels, des travailleurs, de la jeunesse. Et c’est contre cette aspiration que s’est constitué le gouvernement de Hollande, un gouvernement bourgeois soutenu par le PCF - et le PG - qui tour à tour combine « critique » et soutien à la politique de défense des intérêts de la bourgeoisie française. Il bénéficie aussi du soutien les directions syndicales qui, depuis six mois, refusent, au nom du « dialogue social », de mettre en avant les revendications.
On ne peut imposer le retrait du projet Fioraso qu’en combattant contre ce gouvernement, en imposant la rupture avec les concertations et le dialogue social sous toutes les formes. Ce sont aux AG de personnels, d’étudiants (et non aux instances de cogestion), de définir les revendications, d’élire des comités de mobilisation, des délégués à une coordination nationale intégrant les représentants syndicaux (afin de les contrôler), afin de préparer et d’organiser la mobilisation (grève et manifestation centrale) pour imposer le retrait du projet Fioraso, l’abrogation de la LRU, du Pacte de recherche (et aussi du LMD et de tous les dispositifs d’autonomie). Cette exigence doit se centraliser en direction de la majorité de députés du PS et du Front de gauche (et non des « parlementaires » en général). Mais ils ne le feront pas d’eux-mêmes : il faudra le leur imposer.