Enseignement, Université, Recherche
Il faut annuler toutes les lois et mesures Sarkozy
Réduction drastique de postes statutaires, soumission de l’enseignement aux besoins étroits du patronat, casse des diplômes et les qualifications reconnues au profit des compétences individuelles ; dislocation de la qualification des enseignants et du statut ; mise en concurrence des établissements, marche à la privatisation… Ce sont autant d’éléments qui disloquent l’Enseignement public. Contre cette politique, de la maternelle à l’université, le retrait des réformes était une exigence des mobilisations de 2009.
PHOTO : Lyon, manifestation d’avril 2009 : l’effigie de Lionel Collet, Président de Lyon 1 et de la CPU, pro-LRU, aujourd’hui directeur de cabinet de la ministre Fioraso (à gauche) et celle de Xavier Darcos alors ministre de l’Éducation nationale (à droite)
Face à la crise, le patronat exige un système d’enseignement et de formation étroitement soumis aux besoins des entreprises, et de nouvelles mises en cause des droits acquis : droit à la formation continue, à la santé, à la retraite (acquis codifiés dans le droit du travail, et les statuts), droit à un enseignement gratuit et de qualité… Le rapprochement école-entreprise est un des axes prioritaires du Medef, comme le montrent les conventions de partenariat Medef-Pas de Calais-Rectorat de Lille, CLUB Entreprise-Université Lille Nord de France ; stages école-entreprise pour les enseignants en Rhône-Alpes, etc. En transférant aux régions nombre de compétences en matière d’enseignement et de formation professionnelle, les lois de décentralisation mettent l’enseignement au service de « la compétitivité des entreprises » et l’adaptent en fonction des besoins locaux en main-d’œuvre. Ainsi, sur le site de la Région Rhône-Alpes, on peut lire : « L’apprentissage est une voie royale pour accéder à un emploi durable. L’objectif de Rhône-Alpes est d’arriver à 50 000 apprentis à l’horizon 2015. »
Aujourd’hui, l’Association des Régions de France demande que les Conseils Régionaux obtiennent la compétence pleine et entière en matière d’orientation et de formation professionnelle. Ils devraient aussi un élargir leurs compétences dans la définition des cartes de formation, dans le domaine de l’emploi, l’université, la recherche... Et l’ARF de rappeler que « les régions partagent avec le gouvernement la volonté de mettre l’emploi au cœur des stratégies gouvernementales », « la volonté de ré-industrialisation du pays et du renforcement de la compétitivité de nos entreprises ». (Notons que toutes les régions, sauf l’Alsace, sont à majorité PS).
Et, d’ores et déjà, plusieurs régions (dont le Nord-Pas-de Calais, la Franche-Comté…), en application des contrats d’objectifs et de moyens - COM - signés avec l’État, ont décidé pour la rentrée 2012, de mixer les publics apprentis (liés par un contrat de travail) et les classes de lycée professionnels (sous statut scolaire). La voie est largement ouverte vers la transformation des lycées professionnels en Centres de formation des apprentis (CFA). (Selon la FSU, ces contrats COM répondent à l’optique du gouvernement d’augmenter le nombre d’apprentis). Ce processus accompagne la dislocation de la valeur nationale des diplômes : pour la session 2012, toutes les disciplines du bac pro sont évaluées en Contrôle en cours de formation (CCF). C’est aussi l’avenir du bac général : des CCF remplacent, peu à peu, l’examen évalué en épreuves terminales nationales.
Quant au service public d’orientation tout au long de la vie (SPOTLV), il détruit les CIO, le métier des COpsy, celui des enseignants, en leur ajoutant de nouvelles tâches. Le SPO créé par la loi d’orientation et de formation tout au long de la vie de 2009 (LOFTLV) ouvre la voie au foisonnement d’associations et d’organismes, qui une fois « labellisés » interviennent auprès des élèves, des jeunes adultes et des adultes. Cette loi autorise l’apprentissage avant 16 ans, développe l’apprentissage au détriment de l’Enseignement professionnel scolaire. Elle étend la tutelle des régions sur la formation professionnelle, rend l’individu responsable de son parcours professionnel, crée un livret de compétences pour les jeunes et un « passeport d’orientation formation »…
Or, que signifie la création inédite d’un ministère de « la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la Fonction publique » ? Les deux précédentes étapes de la « décentralisation » ont accru l’autonomie des établissements, ce qui a aggravé les inégalités territoriales, créé la concurrence entre les établissements scolaires et contribué à la dislocation de l’enseignement public.
Le délabrement actuel de l’enseignement professionnel public montre comment l’autonomie, la « décentralisation » - introduites à doses plus ou moins homéopathiques - conduisent inéluctablement à la dislocation de l’enseignement public de la maternelle à l’université.
Remplacer les diplômes nationaux et les qualifications reconnues dans les contrats et statuts collectifs, telle est la demande du patronat.
Le 14 mars 2012, le MEDEF signait avec l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL : la plus importante association de parents d’élèves), une convention de partenariat pour un rapprochement de l’école et du monde de l’entreprise. Il s’agit de définir des actions concrètes afin d’initier les jeunes à l’esprit d’entreprendre, de susciter chez eux l’envie de s’investir dans les entreprises, d’y travailler en équipe, d’y acquérir des compétences et les aider dans leurs choix d’orientation (par exemples : classes en entreprise, colloques et forums régionaux ou départementaux, stages de découverte en 3e, semaine école-entreprise, mini-entreprises…)[1].
Prenant appui sur l’enseignement privé, le Medef veut rapprocher davantage l’école et l’entreprise. Il le fera d’autant mieux si les financements de l’école privée par de fonds publics perdurent et que l’enseignement public reprend à son compte le langage et les méthodes de l’entreprise.
Or, dans son discours sur l’éducation prononcé lors le jour de son investiture, Hollande annonce qu’il donnera « la priorité à l’acquisition d’un socle commun de compétences et de connaissances ». Les « compétences » et le « socle commun » sont au cœur de la loi Fillon de 2005 combattue par les enseignants, les parents et les lycéens. Quant à Peillon, il propose d’instaurer un « conseil national du socle et des programmes ». Ainsi serait confirmée la séparation entre le socle et les programmes.
Les « compétences » vont de pair avec le « parcours individuel de l’élève ». Tout cela répond aux demandes actuelles des entreprises. Le patronat a besoin d’une masse de jeunes possédant un bagage minimum et utilitariste (le socle) ; et, pour la formation des salariés destinés aux tâches de conception, de nouveaux programmes répondant aux référentiels de compétences demandées sur le marché du travail devraient assurer le processus de « formation tout au long de la vie », c’est à dire d’adaptation de la main d’œuvre à l’évolution des compétences attendues.
Le retour à la semaine de cinq jours annoncé par le ministre de l’enseignement Peillon, met à l’ordre du jour d’autres chantiers.
Peillon a salué la concertation sur les rythmes scolaires organisée par son prédécesseur Chatel… Parmi les recommandations du comité de pilotage Chatel on trouvait : le maintien de l’aide personnalisée (AP), une heure et demi de pause méridienne, l’allongement des vacances de Toussaint, la réduction des congés d’été de deux semaines, une définition locale des horaires... Hollande a annoncé que le choix du mercredi ou du samedi matin serait laissé aux collectivités locales ; Peillon propose un allongement de la pause de midi et des vacances de Toussaint…
Le rapport du comité de pilotage proposait aussi que soit rendu obligatoire « un temps non strictement d’enseignement » et que différents « partenaires » de l’école (collectivités, parents, associations) soient avec l’Éducation nationale associés à la prise en charge de ce « temps global éducatif ». Il s’agirait de « reconnaître le rôle éducatif des différents partenaires » et « d’ouvrir l’école aux collectivités, aux parents, aux associations » pour former « un pacte éducatif ».
En janvier, dans son discours du Bourget, F. Hollande indiquait que le « quinquennat s’ouvrira sur des réformes de structure » dont « le pacte éducatif, la décentralisation ».
D’ores et déjà, plus de 60 organisations (associations, fédérations et mutuelles, organisations étudiantes, structures d’insertion, syndicats, etc.) ont publié un manifeste (Pour un Big-Bang des politiques de la jeunesse !) qui ouvre la voie à des projets inacceptables : remplacer, par exemple, des enseignements (artistiques, sportifs…) par des “activités culturelles, artistiques ou sportives” organisées par… ces associations...
Interrogé sur sa conception de l’autonomie Hollande a répondu qu’il s’agissait de « l’autonomie pédagogique » ; c’est, dit Peillon, l’autonomie « des équipes pédagogiques ». Or, entre la « liberté pédagogique » des enseignants et « l’autonomie des équipes », il y a bien plus qu’une nuance. Quel contenu à cette « autonomie pédagogique » dans une école qui doit être « refondée » avec la participation « des collectivités locales, des mouvements d’éducation populaire » et « des associations de parents » ? Cela ne peut qu’être une nouvelle mouture de l’autonomie des établissements accompagnée d’une redéfinition du service des enseignants et de leur statut. Et le gouvernement veut préserver l’aide personnalisée (AP) qui remet en cause le métier d’enseignant.
Autant de mesures qui font peser de lourdes menaces sur le cadre national de l’enseignement et sur les garanties statutaires des personnels : avec la redéfinition des services, les menaces d’augmentation du temps de présence dans les établissements voire même d’annualisation du temps de travail réapparaissent. L’adaptation locale de l’organisation du temps scolaire, le remplacement de la définition nationale stricte (hebdomadaire et annuelle) des horaires d’enseignement par un « temps global éducatif », serait un pas considérable vers la flexibilisation du temps scolaire et la mise en cause du droit à un enseignement gratuit et de qualité pour tous.
Toutes les directions syndicales ont salué le « nouveau dialogue social » qui s’ouvre avec le gouvernement de Hollande. Que le syndicat souhaite « négocier » en défense des revendications des personnels est légitime. Mais s’agit-il, dans les « concertations » ouvertes par Peillon, comme dans la « conférence sociale » de cet été, de négocier sur les revendications des personnels ?
Au Conseil économique et social (CES), Hollande a affirmé que la croissance « ne naîtra pas de dépenses publiques supplémentaires ». Or, les 75 000 postes supprimés dans l’Enseignement public (comme ceux supprimés dans toute la Fonction publique) ont été le fer de lance des « réformes » réactionnaires des années Sarkozy. Et les 60 000 postes de personnel (et non d’enseignants) annoncés pour la mandature ne seront pas des créations nettes, mais ils seront pris sur d’autres secteurs de la Fonction publique. Par contre, le gouvernement ne prévoit pas d’abroger la loi Carle, ni aucune des autres lois qui financent les écoles privées avec les fond publics.
Mais Peillon veut une « concertation rapide », puis une « loi d’orientation et de programmation à l’automne ». Et il a tenu à préciser qu’il ne s’agissait pas d’une “négociation”. Devant le congrès de l’APEL, il a annoncé que les parents d’élèves (et donc les écoles privées), « comme les collectivités locales, c’est une nouveauté », seront « pleinement associés » à la concertation qui sera lancée après les élections législatives, afin de préparer la loi d’orientation.
L’objectif du « dialogue social » qu’il propose n’est donc pas tant de discuter des revendications des personnels, que de faire cautionner par les syndicats les projets gouvernementaux.
Dans cette situation, comment défendre les revendications sans exiger le rétablissement de tous les postes, l’abrogation de toutes les lois et mesures contre l’Enseignement public et les statuts ?
La direction de la FSU demande que la loi d’orientation d’Hollande dessine « un projet éducatif ambitieux ». Mais ambitieux pour qui ? Les intérêts des élèves, de la masse des salariés, des enseignants sont-ils les mêmes que ceux du patronat, de l’enseignement privé, eux aussi conviés à la « concertation » ? La FSU propose de « développer le travail des équipes pluri-professionnelles »… Mais elle ne réclame ni le rétablissement des 14 000 postes supprimés à la rentrée 2012, ni l’abrogation de tous les textes portant atteintes aux garanties statutaires (loi de mobilité introduisant la polyvalence et le licenciement des fonctionnaires, etc).
La FNEC-FO revendique le rétablissement des 14 000 postes. Elle « affirme » son « indépendance », annonce qu’elle « ne participerait pas plus avec ce gouvernement qu’avec le précédent à la production de textes législatifs ». Mais dans le même temps, la FNEC comme les autres fédérations siège dans toutes les structures de « dialogue social », du Conseil économique et social (CES) aux Comités techniques de la Fonction publique et aux Conseil d’université, qui associent les syndicats à l’élaboration et/ou à la mise en œuvre de la politique gouvernementale.
SUD-Éduc met aussi en avant des revendications importantes : « rétablissement du tiers temps devant élève des stagiaires dès la rentrée 2012 », levée « de toutes les sanctions et autres répressions à l’égard des mouvements sociaux, des syndicalistes et des jeunes… », « abroger toutes les contre réformes » (loi Fillon de 2005, loi OFPTVL)…
Mais SUD-Éduc, de même que la FSU, FO, la CGT-Éduc, annonce sa participation aux « débats sur les rythmes scolaires, les réformes au collège comme au lycée, l’éducation prioritaire », tout en demandant des moyens afin que les débats soient « crédibles pour les personnels ».
Peillon a rencontré toutes les fédérations de l’enseignement. Selon la CGT-Éduc, Peillon a refusé de s’engager sur l’abrogation du SMA, du jour de carence, du système ECLAIR, des textes législatifs engageant la privatisation des GRETA… Et les trois heures de décharges concédées aux enseignants stagiaires à la rentrée seraient compensées par des heures supplémentaires assurées par les enseignants en poste… Car il n’est pas question de rétablir les 14 000 postes supprimés, ni d’abroger la réforme de l’État, la logique de performance (loi organique de finance de 2001, LOLF), la « professionnalisation » des études (processus de Bologne, stratégie de Lisbonne), l’autonomie… Pour le gouvernement, l’objectif n’est donc pas de négocier à partir des revendications des personnels, mais d’obtenir l’indispensable coopération des directions syndicales à l’application de sa politique. Les directions syndicales doivent donc refuser cette coopération.
Formation des enseignants Concernant la formation, la FSU et d’autres syndicats demandent des pré-recrutements. Encore faut-il préciser : cela doit impliquer la suppression de la “mastérisation”, la suppression de la “professionnalisation” des études (et donc l’abrogation du LMD), un statut d’élève professeur pour les étudiants pré-recrutés avec le versement d’un salaire et le décompte de ces années pour la retraite, le rétablissement des concours sur épreuves disciplinaires et une formation professionnelle (un an ou deux) après le concours avec un service d’enseignement très réduit. Mais cela impose de rétablir tous les postes supprimés. Cela implique aussi de refuser une « refondation de l’école » qui reprendrait les objectifs de Jules Ferry : former « une génération de bons citoyens » (discours d’Hollande). Alors que s’aiguisent les contradictions entre les classes, formater de « bons citoyens » est un des moyens de préserver la paix sociale. La future formation professionnelle des enseignants aura-telle cette mission ? Et Hollande d’affirmer que « nul ne peut s’exonérer du devoir d’étudier ». Le droit à un enseignement gratuit et de qualité - dont le coût et la mise en œuvre incombe à l’État - est ainsi transformé en devoir pour le jeune. L’État s’exonère de sa responsabilité de l’échec scolaire en la reportant sur chaque jeune et sur sa famille. |
Les syndicats doivent refuser toute mise en cause des vacances d’été, toute mesure d’annualisation du temps de travail ; exiger un seul enseignement professionnel national et l’abrogation des textes qui multiplient les stages et placent l’enseignement sous la coupe du patronat et des régions. Il faut abroger les multiples lois qui développent l’apprentissage et de transformer les CFA en LP.
De même, dans le premier et le second degré on doit refuser tout ce qui annualise le temps de travail, toute autonomie des établissements, laquelle n’a rien à voir avec la liberté pédagogique.
L’exigence, c’est l’abrogation des lois qui cassent l’Enseignement public : celle de 2005, mais aussi la loi d’orientation et de formation tout au long de la vie… de 2009. C’est aussi l’abrogation des lois qui imposent le « management », la « gouvernance », c’est à dire la casse de la Fonction publique, en premier lieu la LOLF de 2001, la loi de mobilité de 2009…
La responsabilité des directions syndicale, c’est d’exiger le démantèlement de toutes les mesures réactionnaires des années Sarkozy et le rétablissement de tous les postes, la création de tous les postes nécessaires : les syndicats avec les assemblées de personnels ont parfaitement les moyens d’en faire le chiffrage sur la base de 25 élèves par classe, voire moins. C’est aussi d’exiger l’abrogation des textes qui mettent en cause l’indépendance syndicale et le droit de grève (en premier lieu la loi sur le service minimum d’accueil - SMA) et la levée de toutes les sanctions, condamnations à l’égard des syndicalistes, des personnels et jeunes.
Le Front unique à tous les niveaux doit se réaliser pour engager le combat sur ces revendications. Mais cette unité sur les revendications ne peut se réaliser si, dans le même temps, les organisations syndicales apportent leur caution aux « concertations » qui, en se situant dans le cadre de la défense du capitalisme français en crise, préparent la nouvelle loi d’orientation.