Sauver la zone euro ?
L’avenir de l’euro fait aujourd’hui débat. Une fraction tout à fait minoritaire de la bourgeoisie, souvent la couche la plus arriérée, demande à sortir de l’euro. C’est le cas du Front national en France, qui exprime les intérêts des couches de la bourgeoisie menacées par la concurrence exacerbée à l’échelle européenne.
D’autres, sans remettre en cause les objectifs de l’euro, jugent que le système est mal construit à la base et ne peut plus être aménagé. Ils insistent sur la contradiction, indéniable, qui existe entre l’euro et la BCE d’un côté et le maintien d’États nationaux souverains. Ils jugent l’euro, de ce fait, inévitablement condamné, sauf à transformer l’Union européenne en une réelle confédération, ce qui leur paraît impossible ou non souhaitable.
Mais la fraction majoritaire des bourgeoisies européennes juge que son intérêt fondamental est de défendre la zone euro. L’Allemagne est particulièrement attachée à sa défense, en dépit des résistances de ceux qui ne veulent pas « payer » pour la Grèce et autres cigales du « club Méd ». Car les bénéfices, financiers et politiques, qu’en tire l’Allemagne valent bien quelques sacrifices. Elle entend cependant que le prix à payer soit partagé par tous, y compris par les banques, qu’elles soient françaises, anglaises ou américaines... Et elle exige que sa politique de rigueur soit appliquée dans toute l’Union européenne.
Quasi toutes les autres bourgeoisies de la zone euro défendent le même choix. C’est le cas des pays traditionnellement alignés sur l’Allemagne (Pays-Bas, Autriche, etc..). C’est aussi le cas des bourgeoisies italienne et française, cette dernière notamment ayant toujours rechigné à se soumettre à sa rivale historique. L’acceptation, par Chirac, du second traité de Maastricht (dit d’Amsterdam) avait ainsi provoqué une violente crise au sein du parti gaulliste. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de tels états d’âme au sein du patronat italien ou français, qui - par peur d’être déchus au rang des bourgeoisies grecque ou portugaise - affirment clairement leur volonté de rester arrimés à la puissance allemande et à l’euro.
« L’Italie est en danger » déclare ainsi, le 9 septembre, Emma Marcegaglia, la présidente de la Confindustria, dans une violente charge contre Berlusconi, considéré désormais par le patronat italien comme une menace pour les finances italiennes.
En France, il en résulte des déclarations pro européennes appuyées de la part de Laurence Parisot qui, début septembre, dénonce la « tentative de déstabilisation de la zone euro » impulsée depuis les États-Unis, et insiste sur « la volonté de s’engager vers un fédéralisme européen ». Le 13 septembre, elle affirme encore « l’unité de vue complète entre les patronats français et allemand ». Cela contribue à déstabiliser Sarkozy, qui doit aujourd’hui reprendre les exigences de Merkel.
Dès lors, les gouvernements européens, avec la BCE, font assaut d’imagination pour préserver la zone euro : l’objectif est d’y maintenir la Grèce (quitte à restructurer sa dette devenue ingérable) et d’éviter des défaillances en chaîne d’autres pays et du système bancaire. Sur cette base, diverse mesures techniques sont étudiées (création d’euro obligations, rôle accru du Fonds européen de stabilité financière (FESF) sans impliquer davantage la Banque centrale européenne, plan Eureca créant une holding à laquelle serait attribué tout ce qu’il est possible de privatiser en Grèce : cette holding prendrait alors en charge un tiers de la dette grecque sans qu’il en coûte un centime à la BCE). Mais dans tous les cas, cela passe par un renforcement des politiques de rigueur, que l’Allemagne est en mesure de dicter même sans modifier les traités européens ; et cela suscite l’irritation des États-Unis qui exigent que l’Allemagne impulse au contraire une politique de relance qui leur serait bénéfique.
Pour la classe ouvrière, il n’y a pas à choisir entre les diverses solutions proposées par la bourgeoisie, entre rigueur féroce imposée au sein de la zone euro, et dévalorisation générale (50% au moins) des salaires dans le cadre d’un retour au national capitalisme. Il n’y a de véritable issue qu’en affirmant comme perspective une Fédération d’États socialistes d’Europe, ce qui passe dans chaque pays par l’expropriation des banques et des grands moyens de productions, et la prise du pouvoir par la classe ouvrière. La question de dettes et de la monnaie ne peut trouver de solution que dans cette perspective.