Editorial : Annuler les dettes, et en finir avec le capitalisme
« Nous ne paierons rien ! Cette dette n’est pas la notre ! » : c’est ainsi que la crise financière et économique, qui a rebondi durant l’été, donne une vigueur chaque jour plus grande àcette exigence clamée par nombre de manifestants, de jeunes et de travailleurs àtravers toute l’Europe. Face à cette exigence profonde, des « économistes » de « gauche », des associations et des partis, ainsi que des dirigeants syndicaux, formulent un certain nombre de propositions : ils demandent un « moratoire », et un « audit » de la dette, cet audit ayant pour mission de définir dans quelle mesure la dette est illégitime. Sur cette base, ils revendiquent l’annulation de la « dette illégitime ».
On conviendra que cette formulation est quelque peu suspecte : pourrait-il donc y avoir une dette d’État qui soit, en partie, légitime et qui devrait être remboursée ? C’est négliger que, du point de vue du prolétariat, tout capital accumulé dans les mains d’un rentier ou d’un banquier, c’est le produit du travail des exploités, une part de la plus-value qui leur a été extorquée. Que ce capital soit ensuite prêté à un autre banquier ou à un État ne change rien à l’affaire : tout capital, toute dette, sont « illégitimes ». C’est le capitalisme qui est « illégitime ».
C’est donc toute la dette qui devrait être annulée. Et pour cela, il n’est guère besoin d’audit. L’ouverture des livres de comptes par les travailleurs, la mise à jour des dispositifs spéculatifs sera un instrument pour le contrôle ouvrier. Mais on doit d’ores déjà affirmer que c’est la totalité de la dette qui doit être annulée (on ne prend pas ici en compte les maigres épargnes que peuvent parfois faire les travailleurs, pour lesquelles les intérêts reçus sont souvent moindres que l’inflation).
Encore faut il préciser : dans quelle perspective ? Nombre d’experts et de gouvernements considèrent que, pour Grèce, la dette ne peut plus être remboursée : non seulement parce que les plans de rigueur conduisent à l’explosion sociale, mais parce que la rigueur enfonce un peu plus la Grèce dans la crise, ce qui diminue les rentrées fiscales et accentue le déficit budgétaire. Il n’y a donc plus d’issue. L’intérêt bien compris du capitalisme serait donc de procéder à une opération chirurgicale, en Grèce et dans quelques autres pays, pour permettre la reconstruction d’un système en ruine. Restructurer la dette, l’annuler en partie, sont désormais des « solutions » formulées aussi par certains dirigeants bourgeois.
On comprend mieux que de nombreux bureaucrates syndicaux et dirigeants politiques dits « de gauche » puissent à leur tour, parler de dettes illégitimes…
Pour les travailleurs et la jeunesse, cette revendication d’annulation de la dette n’en est pas moins juste. C’est une exigence immédiate pour disloquer les plans de rigueur. Mais la faillite de la Grèce, si le capitalisme s’y maintient, n’empêchera pas le chaos économique et financier, le chômage et la misère. D’autant que les monnaies n’ont plus de contrepartie-or, depuis la décision que Nixon fut contraint de prendre en 1971. De ce fait, les monnaies ne sont plus garanties aujourd’hui que par des États… eux-mêmes endettés jusqu’au cou. La faillite de différents États serait donc une menace mortelle pour la totalité des monnaies papier de la planète.
Annulation des dettes, de toutes les dettes, ne peut donc être une revendication isolée. C’est une revendication pour la mobilisation des masses contre le capitalisme et contre les gouvernements qui assurent sa défense. Elle est inséparable de revendications qui permettent à la classe ouvrière d’échapper à la barbarie capitaliste et de prendre le contrôle de l’économie : interdiction des licenciements, salaires indexés sur les prix, répartition du travail entre toutes les mains sans diminution des salaires, expropriation des banques et monopole du commerce extérieur sous contrôle des travailleurs, etc…
Cela implique que les travailleurs prennent le pouvoir.
Une organisation révolutionnaire ne peut donc que faire siennes ces revendications.