Enseignement, Université, Recherche
LMD et LRU au service des entreprises
“Ce qui est attendu, c’est que l’écart entre les « qualifications » certifiées par l’appareil éducatif et les compétences recherchées par l’entreprise se restreigne”. “Il faut cesser d’identifier formation et scolarisation pour penser véritablement la construction des compétences tout au de la vie”.
C’est ainsi qu’en 1995, le rapport du commissariat au Plan définissait les objectifs qui devaient se fixer les « réformes » de l’enseignement (les textes de l’OCDE, de l’UE - processus de Bologne 1999-2010 - vont dans le même sens).
La série de décrets qui ont introduit le LMD[1] en France, puis les lois touchant la Recherche et l’Université répondent à ces demandes patronales (Pacte pour la recherche ; loi relative aux libertés et responsabilités des universités[2], LRU). Il s’agit aujourd’hui d’aller jusqu’au bout de ce processus en instaurant à l’Université le système des compétences remplaçant définitivement les diplômes (ces “assignats universitaires”[3]), et les qualifications par le “portfolio” ou “portefeuille de compétences” validé par l’entreprise.
Au début des années 2000, la mise en place du LMD, présenté comme unifiant les études universitaires dans l’espace européen a reçu l’appui des directions du mouvement ouvrier (syndicats et partis). Ce système est aujourd’hui encore mis en cause par les étudiants (ces derniers mois, ce sont les étudiants algériens qui ont fait grève contre la dévalorisation des diplômes avec la LMD).
Dès le départ, les objectifs étaient clairement définis : une structure en cycles L, M et D ; un système de crédits (ECTS) et des annexes (ou suppléments) aux diplômes ; une compétitivité de l’enseignement supérieur au niveau national comme au niveau mondial[4]. Partout, la logique est la même : faire des économies (par le refinancement des universités) ; soumettre les universités aux stricts besoins des entreprises ; casser la valeur nationale des diplômes et de ce fait, les garanties collectives, afin d’accroître la concurrence entre les salariés sur le marché du travail.
Cette marche à la privatisation est d’ores et déjà largement engagée. Le patronat exige qu’elle aille jusqu’au bout.
La convention signée le 23 novembre 2010, entre le Medef et la Conférence des présidents d’universités (CPU) fait ouvertement référence au Pacte pour la recherche et à la LRU. Elle favorise les “relations des universités avec les entreprises”, et prévoit quatre types d’actions communes.
La « formation tout au long de la vie » (LLL Lifelong Learning) doit permettre « la réalisation des objectifs de croissance », c’est-à-dire améliorer les profits du patronat. Le “décloisonnement de la formation initiale et continue » vise à faire baisser les coûts de formation : les universités prennent en charge le financement de la formation continue et les étudiants financent une grande partie de leur formation (projet personnel et professionnel de l’étudiant, PPPE, multiples stages « à tous les niveaux » et « dans toutes les filières », hausse du prix des inscriptions…).
Toute la recherche doit répondre aux besoins immédiats des entreprises. En associant « laboratoires universitaires et industriels avec leur corollaire doctorat », en renforçant la collaboration entre « pôles de recherches et d’enseignement supérieur, pôles de compétitivité » et en organisant la « mobilité » entre l’université et l’entreprise.
L’université doit développer des modules de connaissance de l’entreprise, et les entreprises valoriser l’entreprenariat auprès des enseignants chercheurs…
Enfin, la participation des entreprises à la gouvernance des universités (prévue par la LRU) doit devenir réalité. Les fondations (universitaires ou partenariales), les rencontres entre enseignants chercheurs et directeurs de laboratoires privés, les rencontres Universités-Entreprises étant autant d’outils de soumissions des universités au patronat.
L’opération Campus doit s’accélérer avec le vote, en décembre, de la loi Adnot. Elle lève les obstacles juridiques à la mise à disposition des entreprises des locaux des universités (bâtiments et espaces publics).
Des cavaliers ont été ajoutés pour pallier aux « manques » de la LRU.
Ainsi, un amendement donne compétence aux PRES pour délivrer des diplômes de Masters et Doctorats, notamment ceux portés par les laboratoires d’excellence (Labex), en lieu et place des Écoles Doctorales. Or, dans ces PRES se trouvent des établissements privés qui pourront ainsi délivrer les mêmes diplômes nationaux que les universités publiques. En outre, ces « pôles d’excellences » condamnent nombre d’universités à devenir des établissements de seconde zone : ces « Collège universitaire », seront limités à des Licences déconnectées de la recherche. Cela interdit définitivement tout cadrage national des diplômes et ouvre la voie à la suppression de toute distinction entre le secteur public et le secteur privé.
Enfin, souhaitant « que le plan Campus démarre très vite, et que les partenariats public-privé puissent être signés très vite », Pécresse a préféré repousser à plus tard des amendements prévoyant d’élargir aux membres non élus du CA la possibilité de définir le projet pédagogique de l’université et d’élire le Président.
C’est dans ce contexte, celui de la LRU, de la convention Medef-CPU et de la loi Adnot que s’inscrit la réforme de la licence.