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Les projets du Parti socialiste pour l’enseignement : des projets réactionnaires
Le Parti socialiste vient de publier ses « 30 propositions » pour 2012. Outre un résumé de quatre pages, ce projet - qui pourra être amendé à la marge par les militants - existe en deux versions, dont une version « intégrale » de 52 pages. On n’abordera ici que la partie concernant l’enseignement du premier et du second degré, enseignement professionnel inclus.
Si on laisse de côté les formules qui n’engagent à rien, telle que « Donner un avenir à la jeunesse », on doit rapidement constater que ce projet ne peut satisfaire ni les personnels de l’éducation, ni les parents d’élèves, ni tous ceux qui sont attachés à la défense de l’école publique, parmi lesquels figurent nombre de militants du Parti socialiste lui-même.
Les suppressions massives de postes de fonctionnaires dans l’enseignement public et la recherche ont déjà occasionné des dégâts considérables. Ce que demandent les enseignants et les parents, c’est que l’on rétablisse, pour commencer, tous les postes supprimés. Que répond le PS ?
Certes, il s’indigne des suppressions de postes : « Les suppressions par dizaines de milliers de postes dans la fonction publique ont été désastreuses : comment améliorer la performance scolaire de nos enfants avec moins de professeurs ? (..) Comment réduire l’insécurité avec moins de policiers et de gendarmes ? Comment rendre la justice de façon sereine et rapide avec moins de magistrats et greffiers ? ». Mais à ces questions, la réponse la réponse est variable. Pour la justice, le PS promet un « rattrapage des moyens ». Pour la police, il annonce la création de « 10 000 postes de gendarmes et de policiers de proximité » (proposition n°24).
Et pour l’enseignement ? Rien. Ni annonce chiffrée, ni promesse de « rattrapage des moyens ».
Le pacte éducatif prévu par le PS indique qu’il « mettra l’accent sur le primaire et les premiers cycles d’enseignement supérieur qui sont les fragilités les plus grandes de notre système ».
Il prévoit ainsi de renforcer « l’encadrement » en primaire. Mais rien n’est dit concernant le nombre de postes qu’il faudrait rétablir. Le texte indique seulement que ce pacte éducatif « sera fondé sur une refonte des rythmes scolaires et des programmes, une personnalisation accrue des enseignements et une revalorisation du métier d’enseignant ». A l’évidence, c’est par ces biais que le PS espère dégager les moyens nécessaires.
Ce projet laisse la porte ouverte à une simple redistribution des postes actuels sans rétablissement des postes supprimés. Ainsi est-il possible, par exemple, de jouer sur les volumes horaires attribués à chaque élève sous couvert de rééquilibrer l’organisation de l’année scolaire. Le projet annonce « une refonte des rythmes scolaires pour alléger les journées de travail (les plus lourdes d’Europe) et mieux les répartir dans l’année ». Un rapide calcul montre qu’en réduisant le nombre d’heures hebdomadaires (3 heures par semaine, par exemple) pour chaque classe, il est possible, non seulement de rajouter annuellement deux semaines de travail au détriment des vacances scolaires, mais de dégager des heures pour « renforcer l’encadrement » de certaines classes. Cela implique l’annualisation du temps de travail des enseignants, voire l’augmentation de leur charge annuelle.
Une autre technique consiste à enlever aux uns pour donner aux autres : « Nous mettrons en place une modulation de la dotation de moyens, non par zones, mais par établissement en fonction des catégories sociales. Les taux d’encadrement de ces établissements seront augmentés, ce qui permettra de baisser les effectifs des classes ». On se garde bien de dire ce que devient le taux d’encadrement des autres établissements : sera-t-il préservé, ou diminué ? Le verbe « moduler » ouvre la voie à un système de variation au dessus et en dessous du taux moyen actuel.
Certes, Bruno Julliard (Libération du 9 mai) prévoit « le gel des suppressions de postes et des recrutements d’urgence, notamment dans les ZEP et à l’école primaire » mais il ne dit pas de quel type de recrutement il s’agit. Il indique seulement qu’ « il faut augmenter le nombre des encadrants ». La voie est donc ouverte à des « encadrants » divers. Il ne le cache d’ailleurs pas : « Une demi journée pourrait être assumée (sic !) par des intervenants « hors école », collectivités locales, associations… ».
C’est ainsi que cet ancien responsable de l’UNEF, qui négocia avec Sarkozy l’instauration de la LRU pour détruire l’Université, prépare aujourd’hui de nouveaux plans contre l’école publique.
Alors que les enseignants et les lycéens ont combattu pour le retrait des réformes gouvernementales, le Parti socialiste n’en propos pas l’abrogation. Il n’envisage que des adaptations et des aménagements. Pour la réforme des lycées, il annonce : « nous évaluerons la réforme imposée par la droite afin de procéder aux adaptations nécessaires ». De même n’annonce-t-il pas la suppression pure et simple de la réforme des bacs pro en trois ans, unanimement condamnée. Il se contente d’écrire : « Nous remettrons à plat les formations professionnelles du CAP au bac professionnel, en étroite concertation avec les représentants du monde professionnel et les régions ». Or ces réformes ont notamment comme objectif de réaliser des économies de postes.
Et, pour l’école primaire, le PS reprend mot à mot l’actuelle politique destructrice des programmes : il s’agira de « garantir à tous les élèves l’acquisition d’un socle commun de savoirs et de compétences (lire, écrire, compter, cliquer) ».
Quant à l’école maternelle, le projet prévoit qu’elle serait obligatoire dès trois ans, et ouverte à l’âge de deux ans pour toute famille qui en fera la demande. Mais un projet de loi déposé au Sénat le 28 avril dernier par le Parti socialiste révèle la logique qui sous tend ce projet Il s’agirait surtout d’obtenir une meilleure productivité du système scolaire : or, l’école maternelle doit permettre ensuite de réduire le taux de redoublements : « C’est en investissant tôt dans la scolarité d’un enfant qu’on évite le mieux les échecs ou les réorientations qui coûtent cher à la société par la suite ». Ainsi, le redoublement « coûte près de 2 milliards d’euros par an ». Il vaut donc mieux une « réaffectation des moyens à la source ».
L’un des aspects de l’actuelle politique gouvernementale est d’abaisser le niveau général des enseignements, de réduire le nombre d’heures de cours, en promouvant une pédagogie dite « individualisée ». Le PS reprend cette orientation : « nous engagerons la personnalisation des réponses éducatives avec des pédagogies différenciées ».
Certes, il critique l’actuelle politique qui disloque le cadre national de l’enseignement : « Il est de plus en plus difficile » dit -il, « de parler d’une éducation vraiment nationale : l’école publique se fragmente de plus en plus ». Mais aussitôt ; il propose d’accentuer ce processus, sous couvert de rendre le pouvoir aux équipes pédagogiques, « en leur confiant une part de la dotation en heures d’enseignement ». On avancerait ainsi dans la dislocation des horaires définis nationalement pour chaque niveau d’enseignement.
Quant à la politique sécuritaire de Sarkozy, le PS entend la poursuivre, alors que la présence de caméras à l’entrée des établissements, et l’installation de policiers à l’intérieur de certains d’entre eux, provoque la colère des enseignants et des parents. C’est ainsi que le projet du PS annonce que « Les dispositifs de sécurité seront renforcés dans les établissements ».
On voit même le PS reprendre à son compte de vieux projets que Sarkozy n’a pas eu le temps de mettre en œuvre, comme le retour aux professeurs bivalents en collèges (Il y a une trentaine d’années, en collège, il y avait des professeurs bivalents, les PEGC, qui étaient d’anciens instituteurs. Ces PEGC enseignaient plusieurs matières, par exemple : français, histoire et géographie. Ils ont ensuite été remplacés par des professeurs certifiés et agrégés). Mais comme le PS craint que cela provoque un tollé, il ne le dit pas ouvertement. Il écrit donc : « Nous améliorerons la transition à l’entrée en sixième, aujourd’hui traumatisante car trop brutale ». Mais cela ne peut tromper personne, car les défenseurs de ce projet n’ont jamais trouvé d’autre argument que de prétendre qu’en sixième, les élèves souffriraient d’avoir trop de professeurs. Mais la vraie raison, c’est que le gouvernement ferait des économies en utilisant des professeurs polyvalents.
De même, le projet du PS accentue la politique gouvernementale qui oblige déjà les élèves de collège et lycée à faire des stages et des visites en entreprise. Il organisera ainsi « la découverte des métiers dès l’école primaire, la revalorisation de l’image sociale de certains métiers (notamment industriels), la réalisation pour tous les élèves d’au moins un projet scolaire en lien avec le monde du travail ». Et pourquoi pas dès la maternelle pendant qu’on y est ? Si l’on voulait vraiment revaloriser l’image des métiers de l’industrie, il faudrait commencer par créer des emplois dans l’industrie, ne pas disloquer les diplômes professionnels et payer correctement les ouvriers !
Dans le même sens, le PS projette de régionaliser l’orientation scolaire, en l’articulant à l’activité de Pôle emploi et des centres de bilan de compétences.
Enfin, le PS veut revaloriser le métier d’enseignant. Mais il ne s’agit ni de mieux les payer ni d’améliorer leurs conditions de travail. Il s’agit de préparer une nouvelle « réforme » de la formation initiale et, pour ceux qui sont en poste, de renforcer la formation continue : celle-ci « deviendra obligatoire, et sera valorisée dans les carrières ». Outre qu’il n’est pas précisé si cette formation se tiendra durant l’année ou pendant les vacances, ce dispositif ouvre la voie à une véritable remise en cause des statuts fondés sur les concours nationaux : ces derniers n’auraient plus qu’une valeur éphémère.
Ce seul aspect du projet du PS montre à l’évidence que le cœur de son programme demeure la défense du capitalisme. Mais sa mise en œuvre, si le PS devait revenir au gouvernement, ne se fera pas sans provoquer de fortes résistances. Car d’ores et déjà, dans les écoles, dans les collèges et lycées, les parents et enseignants se mobilisent contre les fermetures de postes et toutes les mesures gouvernementales ; et parmi ces enseignants et ces parents mobilisés figurent nombre de militants du Parti socialiste. On ne peut donc qu’encourager ces militants du parti socialiste à remettre en cause les projets de leur propre parti.