« La réforme des retraites se fera avec ou sans accord »
« Le temps nous est compté » , c’est ainsi que l’Exécutif a donné le 28 janvier comme date limite pour que son projet de « réforme »des retraites soit approuvé par le gouvernement et arrive au Parlement.
Et ceci quoiqu’il arrive dans les discussions avec les partis, l’UGT et les CC.OO (Comisiones Obreras), syndicats majoritaires, et les représentants du patronat dans le cadre du pacte de Tolède. C’était pour le moins une bonne façon de commencer des négociations !
Le Pacte de Tolède est né en 1995 sous gouvernement socialiste et sous l’impulsion du Roi, soucieux de dépasser les clivages politiques… Prétextant la nécessité de pérenniser le système de retraites, c’est en fait une commission réunissant les partis politiques, les patrons et les syndicats, chargée de discuter les évolutions du dit système. Ainsi, « le pacte de Tolède garantit la stabilité du système quelle que soit la conjoncture ». Cet accord est une règle du jeu pour réformer continuellement la sécurité sociale (plus perfectionné encore que le COR dans l’association des syndicats aux contre-réformes demandées par le patronat). Depuis quinze ans, cet accord s’est étendu à la politique de l’emploi (réduction de cotisations sociales…).
Aujourd’hui ses recommandations ressemblent étrangement à celles faites au gouvernement UMP par le COR : allongement des années de cotisation et recul de l’âge légal du droit à la retraite. Mesure que l’on retrouve dans beaucoup d’autres pays !
La volonté de fixer une date limite et définitive pour les négociations doit servir à rassurer…les marchés financiers et les agences de notation : la réforme se fera, soyez-en sûrs ! Mme Salgado, vice-présidente et ministre de l’Économie et des Finances l’affirme : « le fait de fixer une date limite pour la réforme des retraites doit donner confiance ».
Dans le même temps, la vice-présidente a affirmé que la perte de 230 millions d’euros due à la baisse de l’imposition sur les petites entreprises sera largement comblée par l’augmentation des taxes sur... le tabac. En effet, depuis 1995, les prestations versées aux personnes dans l’incapacité de travailler sont financées par l’État.
Et dans le même registre, le 19 janvier une rumeur innocente annonçait l’intention de la part du gouvernement d’échanger les 1.800 emplois d’une centrale nucléaire (Garoña, près de Burgos) contre un accord avec les syndicats sur les retraites. Cette annonce surréaliste et rapidement démentie n’était qu’une façon de rajouter de la confusion dans les débats.
Autant d’informations donnant l’impression de lignes écrites en France il y a quelques mois…
L’écueil principal pour le gouvernement, en fait le seul, est depuis le premier jour des « négociations », le passage de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans. Les syndicats invités à la table des négociations l’ont dit haut et fort : pas d’accord si on touche à l’âge de la retraite. Mais déjà le 11 janvier nous pouvons lire dans leurs réactions que … les exceptions à ce recul de l’âge légal ne leur conviennent pas. On peut difficilement être plus clair ! Les syndicats demandent au gouvernement de leur laisser quelques espaces de « négociation » : on discutera donc aussi … des régimes spéciaux !
Du coup, M. Zapatero claironne déjà à la télévision que le passage de l’âge de la retraite à 67 ans est inamovible tout en admettant « que certains travailleurs pourront prendre leur retraite à 65 ans. Si nous vivons plus longtemps, nous devons travailler plus longtemps » et « si plus de gens sont à la retraite nous devrons également cotiser davantage ».
De son côté, Madame Elena Salgado s’amuse à dire qu’elle est prête à continuer de parler et de parler et encore ( « Continuar hablando y hablando… »). Heureusement, la presse et tout son beau monde ont annoncé que les discussions se poursuivront coûte que coûte et même jusqu’à quelques jours avant la date du 28 janvier. Ignacio Fernandez Toxo, secrétaire général de CCOO et M. Cándido Méndez, secrétaire général de l’UGT se chargeant de ne pas laisser faire le gouvernement.
Ainsi le 10 janvier, la réunion du Pacte de Tolède ne dura qu’une heure et demie. La presse espagnole est donc rassurée.
Afin de préparer le terrain, un rapport de Bruxelles datant de 2009 dirigé par Joaquín Almunia, responsable de l’économie européenne, expliquait opportunément que le système de retraites espagnol était déjà l’un des plus dangereux de l’Union européenne. Il faut donc le réformer.
Une autre étude publiée le 28 avril 2009 par les enseignants Javier Diaz-Giménez, de l’IESE (Université de Navarre), et Julian Diaz-Saavedra de l’Université de Grenade, affirmait que le système de retraites espagnol, avec ses règles actuelles, présenterait un premier déficit en 2015 et épuiserait ses fonds de réserve en 2026.
M. Diaz-Giménez précisait que les retraites représenteraient une grosse dépense et qu’il faudrait les financer autrement. Par exemple, en travaillant jusqu’à 68 ans, dépassant ainsi les préconisations de l’OCDE et de la Commission européenne, entre autres.
Il expliquait ces mesures, de façon surprenante, par l’allongement de l’espérance de vie (sans plus de précisions bien sûr), un rallongement des années d’études et en vantant l’exemple allemand.
Finalement, l’âge légal passerait de 65 à 67 ans, avec 37 annuités au lieu de 35 (et ceux qui auront cotisé 38,5 années pourront partir à 65 ans avec une retraite pleine). Tel serait l’accord de principe trouvé entre le gouvernement, le patronat et les directions syndicales, moyennant quelques aménagements à la marge (les jeunes pourront notamment cotiser pendant leurs stages, t out comme les femmes qui décident d’arrêter un temps de travailler pour élever leurs enfants). Le niveau de la pension ne sera plus calculé en fonction des quinze dernières années de salaire, mais des vingt-cinq dernières (or, le niveau des retraites est déjà très inférieur à celui de la France).
Ces pseudos négociations espagnoles rentrent dans le cadre plus général de l’offensive ultra-libérale contre les acquis ouvriers en Europe, du démantèlement du droit du travail et des mesures incitant à la capitalisation des retraites (ce vers quoi conduisent les propositions du PS et de la CFDT par exemple...). En plus des retraites, d’autres questions telles que le marché du travail, les suppressions de postes, la négociation collective et la politiques de l’emploi font l’objet de « négociations » avec les syndicats.
La presse note le « véritable ballon d’oxygène » que constitue cet accord pour le gouvernement de Zapatero qui bat des records d’impopularité ; et espère qu’un tel accord favorise enfin la paix sociale jusqu’aux prochaines élections générales, prévues en mars 2012.
Ainsi, tout en brandissant la menace « d’une grève générale », jour après jour, à la Moncloa, les directions syndicales ont poursuivi les « négociations » sur les retraites s’alignant sur l’exigence d’un « pacte social global » qui met en cause d’importants acquis ouvriers.
Pour la défense des retraites et de tous les acquis, le combat contre le dialogue social, pour l’unité des organisations ouvrières contre le gouvernement est aussi urgent au-deçà et au-delà des Pyrénées.