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Évaluation CM2 : quels enjeux pour le gouvernement ?
Les évaluations nationales ont fait cette année l’unanimité contre elles : syndicats d’enseignants, chercheurs, FCPE… Pourtant, leurs critiques ne portent trop souvent que sur les modalités des évaluations en CM2 : la date de passage, les épreuves elles-mêmes, l’exploitation qui en est faite. Cela permet au ministre d’annoncer des « améliorations » sans rien changer sur le fond.
Selon le ministère, en effet, les enseignants et les inspecteurs auraient besoin de ces évaluations.
Il faut rappeler que les enseignants n’ont pas besoin d’évaluation formelle et nationale pour connaître les acquisitions des connaissances. Ils savent fabriquer leurs outils de contrôle pour tenter de prendre en compte les problèmes des élèves en difficulté. Et les résultats de ces évaluations n’ont pas de valeur, ni de crédibilité pour les enseignants. Car ces évaluations ne servent pas à la construction des apprentissages.
Un seul exercice permet rarement de mesurer l’acquisition d’une connaissance. Or, c’est pourtant le choix fait dans ce dispositif. Personne n’oserait utiliser un thermomètre aussi imparfait pour indiquer la température d’un individu !
Un exemple concret : deux tiers des exercices situés dans le domaine numérique font intervenir des nombres décimaux. Or ceux-ci ne commencent à être travaillés qu’au CM1 et ne sont souvent repris que dans le second semestre du CM2 après janvier, donc ces connaissances sont encore mal maîtrisées par les élèves. Quelles indications pourra-t-on tirer des échecs à certains exercices alors même que les connaissances correspondantes n’ont pas été étudiées ?
Pourtant, il faut constater qu’aucune concertation pédagogique avec les enseignants n’est prévue. Pourquoi ? Parce qu’à nombre de reprises, les enseignants ont fait part des difficultés : diminution des crédits, suppression des postes, suppression des Rased ; classes surchargées ; diminution des horaires ; suppression de la formation des enseignants… Mais pour le gouvernement, un seul souci : faire des économies. Les inspecteurs n’ont plus qu’un seul outil : l’incantation et l’injonction
Ces évaluations servent à légitimer les dispositifs des 108 heures annualisées, premier pas vers l’annualisation totale du temps de travail. Ces 108 heures servent à mettre en place l’aide individualisée et les stages de remise à niveau, largement contestée par les professeurs d’écoles. Cette « remédiation » relève de l’escroquerie intellectuelle. Il ne suffit pas de détecter une « panne » et d’y remédier avec un exercice ; les apprentissages doivent être repris bien en amont avec une multiplication de mises en situation pour construire les savoirs. Or, on supprime les redoublements (ça coûte cher) ; on supprime les Rased ; on accroît le nombre d’élève dans les classes...
Ces évaluations contribuent à la standardisation des pratiques pédagogiques dans les classes : il faut contraindre les enseignants à travailler et à évaluer par compétences.
Il faut que la « dotation communale entre les écoles se fasse par le biais des mesures incitatives et non pas l’application d’une formule mathématique valable pour toutes. Il convient de privilégier l’esprit d’entreprendre », a annoncé le député Reiss. Et corrélativement au blocage des salaires, le ministère annonce le « salaire au mérite » ; c’est pourquoi les inspecteurs doivent dorénavant « évaluer » les enseignants en prenant en compte les résultats des élèves au regard des évaluations nationales. Cette évaluation des personnels en fonction des « compétences » est un outil pour casser le statut : d’ores et déjà, le recrutement d’enseignants « compétents » sur poste à profil dans les « expérimentations » ECLAIR met en cause les concours.
Ces quelques point suffisent à monter que l’objectif est de piloter l’enseignement comme une entreprise et d’engager la marche à la privatisation.