La responsabilité conjointe du PASOK et du KKE dans la mise en place d’un nouveau gouvernement
C’est un fait d’une extrême gravité qui s’est produit en Grèce ; alors que depuis deux ans siège une majorité absolue de députés du PASOK (Parti socialiste grec), alors que le PASOK , le KKE (parti communiste) et Syriza (Coalition de la gauche radicale) regroupent près des deux tiers des députés, c’est un gouvernement d’ « entente nationale » qui vient d’être constitué par le banquier Loukas Papadémos, comportant des membres du Pasok, mais aussi deux ministres de la Nouvelle Démocratie (ND), le principal parti bourgeois, et un ministre du LAOS (Rassemblement Populaire Orthodoxe, extrême droite).
N’importe quel travailleur ne peut être que interloqué : comment une majorité parlementaire issue du vote de millions de salariés peut elle offrir le pouvoir à de tels ennemis de la classe ouvrière ? Imagine-t-on, en France, une majorité « de gauche » au Parlement offrant à l’UMP et au Front national de participer au pouvoir ?
Ce gouvernement est installé dans une situation de crise économique et financière exceptionnelle. Cette crise est le fruit d’un système politique corrompu, des exigences impitoyables imposées par les puissances dominantes (notamment la France et l’Allemagne), et de la crise mondiale ouverte en 2007-2008. En clair : cette situation est le résultat monstrueux du capitalisme lui-même.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2009, le gouvernement de Papandréou et du Pasok a assuré la défense du capitalisme en Grèce. Se soumettant au dictat des puissances impérialistes, de la BCE et du FMI, ce gouvernement a conduit contre la population laborieuse une politique d’une grande violence. Pour les travailleurs grecs et la jeunesse, la situation est désormais insoutenable.
Par contre, la bourgeoisie grecque - qui a placé ses capitaux à l’étranger - n’a guère eu à se plaindre de la politique de Papandréou. Et la richissime Église orthodoxe a préservé sa fortune.
Mais par leur ampleur, les mesures de « rigueur » budgétaire accentuent la récession, et assèchent les rentrées fiscales, tandis que toute politique de « relance » est désormais impossible.
Contre cette politique, les travailleurs grecs se sont mobilisés, manifestant par centaines de milliers, multipliant les grèves. De puissantes grèves générales, de 24 puis 48 heures, ont eu lieu tout au long de l’année. Le PASOK lui-même est entré en crise, perdant y compris des députés.
Politiquement impuissant, confronté à une mobilisation d’une rare ampleur, et au refus croissant d’appliquer les décisions prises, Papandréou a demandé l’appui des partis bourgeois. En vain. Finalement, le 31 octobre, Papandréou a joué son va tout : à la stupéfaction de Merkel et de Sarkozy qui venaient de lui imposer un nouveau plan de rigueur en échange d’une soi disant « aide » financière, Papandréou a annoncé un référendum.
Aussitôt, en France, dans la gauche officielle, ce fut un concert de louanges : Montebourg évoqua « une décision intelligente et justifiée ». Attac jugea que c’était « une première avancée de la démocratie » et « une bonne nouvelle ». Pour Mélenchon, c’était « un minimum de démocratie ». Or, c’était la négation de toute démocratie. Car, que l’on réponde Oui ou Non au plan européen, ou à l’euro, le capitalisme en crise demeurait. Et les travailleurs devenaient responsables de la situation.
Si l’on avait voulu parler de démocratie, la seule réponse aurait été : « il y a à l’Assemblée une majorité du Pasok, qui, avec le KKE et Syriza, a été élue pour une autre politique, qu’ils rompent avec le capitalisme, et commencent par rejeter le mémorandum imposé à la Grèce en 2010 ».
Quatre jours plus tard, le référendum était enterré, les partis bourgeois ayant finalement accepté de constituer un « gouvernement d’entente nationale » après le vote d’un nouveau plan de rigueur.
Sans doute, ce gouvernement sera éphémère. La ND demande de nouvelles élections. Le KKE et Syriza également. Le résultat est prévisible : ce sera vraissemblablement une claire majorité des deux partis bourgeois. Et désormais, un tabou ayant été brisé, la ND pourra gouverner avec le Laos.
Cette situation, tout le monde en fait porter la responsabilité au PASOK. Celle-ci est effectivement écrasante. Mais on ne peut passer sous silence le rôle du KKE, parti s’affichant comme l’héritier de Staline. Ce parti reprend strictement la politique des partis staliniens des années 1930, quand l’ennemi principal était la social-démocratie et non la bourgeoisie et le fascisme.
Le KKE met le Pasok sur le même plan que les partis bourgeois, alors que les travailleurs grecs avaient voté en masse pour ce parti et que la majorité des cadres syndicaux se réclament du Pasok.

Le gouvernement d’entente nationale (Nouvelle démocratie, LAOS, PASOK) contre les masses
Sur le plan syndical, il a organisé une division systématique. Comme il ne contrôle aucun syndicat national, il a créé sa fraction (le PAME) qui organise ses propres manifestations. Il a refusé toute participation à un front qui remettrait en cause le « mémorandum » imposé par l’UE à la Grèce.
Le 4 novembre encore, sa secrétaire générale a dénoncé avec véhémence le PASOK et la coalition Syriza : « À bas le gouvernement et les partis qui servent la ploutocratie, ainsi que ces partis qui entretiennent sciemment des illusions parmi le peuple sur le fait qu’un autre gouvernement avec participation de ces partis résoudrait le problème. ».
Et elle qualifia « Synaspismos/Syriza » (parti également issu du Parti communiste grec) de « parti opportuniste » parce qu’il propose un « gouvernement de gauche ». Certes, un « gouvernement de gauche » est une formule attrape tout qui, à l’instar du gouvernement de la gauche plurielle en France, peut servir à protéger le capitalisme. Et certes, il n’y a pas grand-chose à attendre des dirigeants du PASOK. Mais les millions de travailleurs qui avaient voté pour ce parti ? Et tous ceux qui sont encore et malgré tout membres de ce parti ? Combattre pour l’unité pour une autre politique permettrait de répondre à la volonté d’unité qui existe parmi les travailleurs.
Même si la Grèce n’est pas l’Allemagne de 1933, et si le Laos n’est pas le parti nazi, comment oublier que la division mortelle entre le PC allemand et le Parti social-démocrate ouvrit la voie à Hitler ? Aujourd’hui, l’Histoire bégaye, et le Laos intègre le pouvoir grâce au PASOK et au KKE.
Pourtant, cette aspiration au combat uni s’est clairement exprimée, en particulier par la motion votée le 15 juin 2011 par l’assemblée populaire de la place Syntagma, alors que des centaines de milliers de manifestants, à l’appel des syndicats et des « indignés », encerclaient le Parlement.
Cette assemblée populaire s’adressait « à tous les syndicats, les bourses du travail, à la GSEE et l’Adedy » (les deux grandes centrales syndicales) « pour appeler à la Grève générale » en revendiquant la chute du gouvernement : « Tous dans la rue ce jour-là pour le renverser ! »
Mais renverser le pouvoir implique, fut-ce sous forme transitoire, de formuler une alternative, la possibilité d’un autre gouvernement au service des travailleurs : Cette alternative ne peut être constituée ni de la seule « gauche radicale » autoproclamée, ni par une alliance certes large mais qui garantirait le paiement de la dette et serait respectueuse de la propriété privée des banques. Dans leur combat, les travailleurs ont besoin que soit formulée la perspective d’un gouvernement d’unité sans aucun représentant de parti bourgeois. Et cette perspective est inséparable du combat pour l’abrogation de la dette, l’expropriation des banques (sans leurs dettes), le monopole du commerce extérieur, et des mouvements de capitaux, sous contrôle des travailleurs, etc…
Ainsi, en pointillé, l’appel du 15 juin posait la question du pouvoir. Faute d’avoir pu y répondre, les travailleurs se sont trouvés désarmés à l’annonce du gouvernement PASOK- ND et Laos.
Mais la question demeure entière. Elle devra être résolue.
Le PASOK ( « Mouvement socialiste panhellénique »), aux élections législatives d’octobre 2009, avait obtenu 44 % des voix et 160 députés sur un total de 300. Depuis plus d’un an, la crise ravage le Pasok. Des députés du Pasok ont quitté le parti, et le groupe parlementaire est tombé à 153. L’aile « libérale » (qualifiée de « troïka interne ») a rejeté le référendum proposé par Papandréou et demandé un gouvernement d’unité nationale.
Le KKE (Parti communiste), avait obtenu 7,6% des voix en 2009 et 21 députés. Ce parti, se réclamant du stalininisme, rejette toute unité d’action. Il a refusé (comme Syriza) de participer au gouvernement. Pour le KKE, la seule alternative gouvernementale, c’est son propre renforcement.
SYRIZA (Coalition de la gauche radicale), avec 13 députés, regroupe Synaspismos, également issue du vieux PC, et divers groupes (ex- KKE, ou issus du trotskysme, maoïstes, etc…). Syriza prône l’unité, mais sur des bases confuses, sans dégager de claire alternative gouvernementale, demande des élections anticipées, et une renégociation de la dette en restant dans la zone euro. Une minorité veut annuler en partie la dette, sortir de l’euro, dévaluer, et nationaliser les banques.
La Nouvelle Démocratie (droite) a obtenu 33,4% des voix et 91 députés en 2009.
Le LAOS, avec 5,6 %, a obtenu 15 députés. Le Laos (Rassemblement Populaire Orthodoxe, extrême droite) est xénophobe, et proche du Front national français. Sur son flanc, le groupe néo- nazi Aurore Dorée a obtenu 5% à Athènes aux municipales de 2010.