Financement des universités publiques aux États-Unis : 45 % à la charge des étudiants
Les frais de scolarité imposés aux étudiants américains étaient déjà très élevés, et d’autant plus coûteux que l’université était recherchée. Ces frais ne sont pas réglementés. Or, avec la crise, cette situation est devenue insupportable. Du fait de leurs difficultés financières, les différents États américains réduisent leurs versements aux universités dites publiques et les frais de scolarités se sont envolés. Résultats : ceux-ci ont doublé en moins de dix ans. Les universités publiques sont financées à hauteur de 11% par l’État fédéral, et de 36% par les différents États. À cela s’ajoutent 4% provenant des autorités locales et 4% de dons privés. Le reste (45%) sera à la charge de l’étudiant. Pour les universités privées, beaucoup plus chères, c’est encore pire (14% de leurs ressources sont apportés par l’État fédéral, 2% par les États et 8,8% par les autorités locales).
Le coût des études explose : les seuls frais d’inscription dans une université publique dépassent en moyenne, pour quatre années d’études, 6500 dollars.
De ce fait, le recours à l’endettement des familles et des étudiants, qui était déjà usuel, prend des proportions jamais vues. Ces emprunts sont souscrits auprès de banques privées et d’organismes publics.
Les deux tiers des étudiants sont endettés, en moyenne de 23 000 dollars après quatre années d’étude. À cela peut s’ajouter un prêt contracté par les parents de l’étudiant.
Pour certains, la facture s’élève à 100 000 dollars. Et les américains qui ont ainsi empruntés, une fois leurs études finies, mettent dix ou vingt ans pour rembourser dettes et intérêts… tout en empruntant par ailleurs pour acheter un véhicule ou pour se loger.
Aux prêts contractés auprès de l’État et des banques privées, les étudiants ajoutent l’endettement par les cartes de crédit. On estime que cet endettement par carte dépasse en moyenne 4000 dollars en quatrième année d’étude. Pour les banques, c’est une source d’immenses profits.
Résultat : nombre d’étudiants doivent travailler en même temps qu’ils étudient, et leurs familles et eux même étant frappés par le chômage, beaucoup d’étudiants se trouvent dans l’incapacité de rembourser leurs emprunts.
Antérieurement à 2008 et à la crise financière, les banques privées étaient chargées des prêts aux étudiants, ceux des universités privées tout autant que ceux des universités publiques. L’État fédéral prenait en charge le paiement des intérêts durant la période d’étude et offrait des taux meilleurs pour une partie des prêts, ainsi que sa garantie. Le tout aux frais de l’État mais au plus grand bonheur des banques qui empochaient les bénéfices sans risques.
Mais la crise de 2008 a poussé les banques à réduire leurs prêts aux étudiants. Or les banques n’avaient aucune obligation de prêter.
Le gouvernement Bush, avec le Congrès, a alors décidé que l’État se substituerait aux banques défaillantes, non pour financer les universités et rendre gratuites les études, mais pour permettre aux étudiants de continuer à emprunter pour payer leurs études. Le Département de l’Éducation américain, par le biais d’un programme particulier, avait donc permis d’ « offrir » de nouveaux prêts aux étudiants, dont plus de 46 milliards apportés directement par l’État. Depuis, ce système s’est massivement développé avec le programme Direct loan qui fait intervenir directement les universités. Le volume des prêts de l’État fédéral est estimé à 70 milliards par an. Certains ont accusé l’Etat de vouloir nationaliser le secteur privé des prêts étudiants. Mais en réalité, les étudiants doivent en général compléter leur emprunt « fédéral » par un emprunt à une banque privée, plus coûteux. En effet, les prêts fédéraux ne couvrent en moyenne que la moitié du coût des études.
En outre, avec ce nouveau système, l’État emprunte lui-même aux banques via le déficit fédéral avant de re-prêter aux étudiants, à un coût qui peut atteindre 6,8%. Pour les banques, il n’y a que des avantages et pour les étudiants, les études sont chaque année plus coûteuses.
Parallèlement aux prêts publics, les prêts de banques privées restent donc un marché profitable ; C’est même le « far west » explique Andrew Cuomo, le procureur général de New York, saisi de nombreuses plaintes.
Les banques privées mènent une politique particulièrement agressive, promettant de débloquer sur l’heure plusieurs dizaines de milliers de dollars à l’étudiant à la recherche d’un prêt. Et ces prêts sont à leur tours « titrisés », étant particulièrement recherchés par les investisseurs américains ou étrangers qui leur consacrent des dizaines de milliards…
Car si nombre d’étudiants sont en difficultés pour rembourser leurs études, les garanties sont grandes pour les prêteurs.
9 à 10 % des étudiants seraient désormais dans cette situation, en particulier parmi les enfants de la classe dite « moyenne » (notion toute « américaine » qui inclut aussi bien les couches de la petite bourgeoisie - médecins, hommes de loi, commerçants - que des salariés qualifiés, ou très qualifiés - ingénieurs, cadre d’administrations et d’entreprises).
Pire : alors qu’aux États-Unis, un particulier peut se déclare en faillite pour l’achat d’un logement, il ne le peut pas le faire pour ce type de dette, et des saisies peuvent être opérées sur les salaires et les prestations sociales, s’il s’agit d’un prêt privé. Or les étudiants cumulent souvent prêts privés et publics, qui n’ont pas le même statut, alors que l’organisme prêteur « oublie » souvent de différencier les deux formes de prêts… « Un billet simple pour l’enfer », explique un site américain consacré à ces questions.