Mort programmée de la médecine du travail
Or, au détour de l’amendement 730 au projet de loi sur les retraites, le gouvernement fait voter par sa majorité aux ordres, la fin de la médecine du travail mise en place par la loi de 1945, qui assigne à la médecine du travail l’objectif « d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail » . Cet objectif devient : « préserver la santé physique et mentale du travailleur tout au long de son parcours professionnel ».
Le médecin du travail est payé par l’employeur ; mais son statut préserve son indépendance. Et ses actes ont, pour l’employeur, des conséquences financières, voire juridiques. De longue date les employeurs leur demandent de traiter « des sujets moins gênants comme la lutte contre l’alcoolisme ou de mener des campagnes de sécurité sur le port du casque . . . » . Ils exercent une pression sur les médecins qui s’avisent de faire des observations sur leur management ou sur l’organisation du travail . . .
Désormais, le médecin du travail devrait être remplacé par des équipes pluridisciplinaires (infirmières, techniciens ou « consultants »). Ce personnel, selon un médecin, n’aura « ni protection légale, ni indépendance statutaire vis-à-vis de l’employeur » . Et surtout, l’amendement transfère la responsabilité de définir et de mettre en ouvre la prévention médicale des risques professionnels, du médecin du travail à l’employeur : « seront juges et parties ceux-là mêmes qui créent les risques » ! On passe de « la prévention de la santé du salarié à la gestion des risques pour l’employeur ».
Il s’agit là de la dernière étape d’une lutte engagée depuis plus de vingt ans par le patronat. En 1987, dans un rapport sur « L’avenir de la médecine du travail » , le syndicat patronal des directeurs des services de médecine demandait que l’on remplace les médecins du travail par des infirmières et des ergonomes. Le gouvernement a organisé l’extinction de la profession : 75% des médecins du travail ont plus de 50 ans. Depuis 2002, les services de médecine du travail sont rebaptisés « services de santé au travail ». On a remplacé des médecins du travail par des « intervenants pluridisciplinaires » : ils sont d’ailleurs peu nombreux et certains ont même été licenciés pour avoir « osé » exercer leur fonction de façon autonome (vis-à-vis bien sûr du patron employeur) !
On ne peut dire, comme L’Humanité, que le gouvernement procède « en catimini » , car longue est la liste des « concertations » menées depuis des mois : conférence réunie, en 2007, par le ministre du travail avec les « partenaires sociaux » ; accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail signé le 26 mars 2010 à l’unanimité (accord ne comportant aucune mesure contraignante pour les employeurs) ; réforme des services de santé au travail annoncée par Darcos dès décembre dernier ; plan de santé au travail présenté en janvier, plan élaboré ? a` la suite d’une phase de concertation avec les partenaires sociaux. Les responsables syndicaux ont chaque fois accepté le cadre de ces « concertations ». au nom de la nécessité d’une « bonne réforme ».
« Assez de concertation. Retrait de l’amendement 730, de tout projet de loi ; abrogation des mesures qui mettent en cause la loi de 1945 ; du numérus clausus qui limite la formation de médecins » . Ce sont là des revendications minimum pour organiser le combat en défense de la médecine du travail.