Enseignement, Université, Recherche, Allemagne
Les étudiants allemands et autruchiens en grève contre la réforme des universités
Alors que l’Allemagne « fête » le vingtième anniversaire de sa réunification politique, sa jeunesse s’enflamme. En cette fin novembre, le mouvement de protestation des étudiants allemands perdure.
Apparu au printemps dernier, il a été relancé cet automne à partir de l’Autriche, avant de s’étendre a nouveau à la plupart des Länder. Il a donné lieu à plusieurs journées de manifestations avec un moment fort le mardi 24 novembre 2009.
Sur la centaine d’universités que compte la République Fédérale, une vingtaine fait toujours l’objet d’occupations de locaux.
Les organisations étudiantes ont annoncé une semaine d’action à « l’échelle Fédérale » pour la semaine du 30 novembre au 6 décembre et mettent en avant trois revendications principales :
– contre la réforme Bachelor-Master-Doktorat (L-M-D),
– la remise en cause des frais d’inscription,
– la remise en cause de la concurrence entre universités et leur rentabilité.
Mardi 17 novembre, des milliers d’étudiants allemands sont descendus dans la rue contre la reforme de l’université. Ils étaient plus de 85 000 à défiler dans les rues de près de 50 villes d’Allemagne.
Ce mouvement est la continuité des mouvements lycéens et étudiants de juin dernier. Dès le lundi 15 juin, les jeunes grévistes ont commencé à bloquer des amphithéâtres dans les universités de Berlin, Heidelberg, Bochum, Wuppertal et Hambourg. Le point culminant de la grève a eu lieu le mercredi 17 juin où plus de 100 000 jeunes ont manifesté contre la hausse prévue des frais universitaires et la réduction d’un an du cursus d’études dans le secondaire.
Les enseignants ont rejoint le mouvement de grève en particulier dans le Land de Hesse. Ces mouvements ont été soutenus par les syndicats GDB, Verdi, ainsi que le parti Die Linke.
Le 22 octobre 2009, à l’issue d’une manifestation contre la réforme des universités, les manifestants ont décidé d’occuper jour et nuit le grand amphithéâtre de l’université de Vienne. Ce mode d’action est sans précédent pour les étudiants Autrichiens. Ce mouvement a fait boule de neige et, il s’est répercuté comme une trainée de poudre dans le pays et les étudiants ont occupé les amphithéâtres d’Innsbruck, Graz, Linz et Salzbourg. Ils refusent l’application de la réforme Bachelor, Master, Doktorat, les amphis surchargés, l’introduction des droits universitaires et la sélection à l’entrée de certaines filières.
Les étudiants ont reçu le soutien des professeurs d’université. Ils refusent également la précarisation croissante du personnel technique, administratif et des chercheurs.
Le gouvernement SPÖ et ÖVP (sociaux démocrates et chrétiens-sociaux) a répondu aux étudiants qu’il n’avait pas d’argent pour l’université. Alors qu’il injecte des milliards pour renflouer les banques.
Le 12 novembre, une gigantesque manifestation dans le centre de Vienne a réuni étudiants et ouvriers métallurgistes contre la politique de ce gouvernement.
Dans le quotidien allemand Tag Zeitung du 22 novembre, il est écrit que c’est surtout à Berlin et à Münich que la manifestation est allée le plus loin. À Berlin 800 manifestants ont bloqué l’hôtel ADLON où le Suddeutche Zeitung tenait des rencontres sur l’économie ; s’y trouvait aussi le directeur de la Deutsche Bank. Le slogan « Kidnappons le patron ! C’est le temps des enlèvements », était scandé devant l’hôtel de luxe.
Une nouvelle grève coordonnée est prévue au niveau national pour le jeudi 10 décembre, jour de la nouvelle conférence des ministres de l’Éducation et de la Culture des seize Länder.
Angela Merkel a déclaré que la réforme de l’université était nécessaire.
De leur côté, le SPD, les Grünen et Die Linke soutiennent les principales revendications des étudiants ainsi que certains présidents d’universités, tel le Président de la Humboldt à Berlin. Ils ont fait part de leur « compréhension » en ce qui concerne le mouvement.
Le gouvernement annonce un supplément de dépenses publiques pour l’Éducation et la Recherche qui devra se partager entre le Bund (l’État fédéral), les Länder (les 16 États) et les communes. Les établissements supérieurs seront cofinancés pour moitié par le secteur privé. La concurrence entre Länder et établissements sera également renforcée avec l’abrogation de la définition à l’échelle fédérale des conditions d’accès aux établissements et de délivrance des diplômes.
Non à la réforme de l’université !
Soutien des étudiants allemands, autrichiens dans leur combat !
26 novembre 2009
Les mobilisations étudiantes ont aussi touché la Hongrie : le 7 novembre, syndicats d’enseignants et associations de parents ont organisé une manifestation à Budapest. Un appel syndical dénonçait « la scandaleuse politique de formation et le financement de l’école et des jardins d’enfants. (…) Les classes sont surchargées, des milliers de nos collègues sont au chômage, nos salaires sont ridicules et nos conditions de travail sont tragiques. Cela ne peut pas continuer ! »
En Italie, le mercredi 3 novembre, à Rome, des étudiants et des précaires ont occupé momentanément le ministère de l’Instruction Publique. Ils ont tenu une conférence de presse pour dénoncer le nouveau projet de réforme Gelmini Berlusconi. Ce projet qui prévoit, entre autre, la gestion des universités par un « conseil d’administration » composé à 40% de « membres issus d’entreprises, de banques et du monde politique », des universités concurrentes, des fonds publics accordés en fonction du classement issu d’une évaluation des « facultés, instituts et laboratoires de recherche » opérés par une agence nationale… porterait un coup décisif à l’université publique s’il était appliqué.
Au de-là des particularités locales, c’est la même offensive qui est conduite dans toute l’Europe, comme en France. Adaptation de l’université aux besoins actuels du capitalisme en crise : études payantes, universités concurrentes, sélection selon les besoins du patronat et diplômes locaux…
Partout les mobilisations étudiantes se heurtent à la politique des organisations de la jeunesse, à celle des organisations du mouvement ouvrier qui cogèrent la crise du capitalisme.
En France, la direction de l’Unef a soutenu la LRU ; et toutes les directions syndicales ont accepté la concertation sur la réforme des lycées. En Allemagne, l’alliance du SPD avec la CDU dans le cadre de la « Grande coalition » a donné les moyens à Merkel de poursuivre l’offensive contre la jeunesse…
Le combat pour la rupture des syndicats (et des partis se réclamant du mouvement ouvrier) avec les gouvernements bourgeois est partie prenant du combat pour la construction d’une Organisation révolutionnaire.