Après le massacre à Charlie Hebdo, puis dans une épicerie casher :
Défendre les libertés démocratiques contre toutes les manœuvres réactionnaires
Le 7 janvier, en réaction à l’assassinat de journalistes et salariés de Charlie Hebdo, des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés spontanément dans de nombreuses villes. Au-delà de la protestation, il s’agissait de défendre la liberté de la presse, laquelle inclut le droit à la satire.
La liberté d’expression, incluant la liberté de la presse, est un droit démocratique fondamental. Cette liberté est décisive pour pouvoir dénoncer le militarisme, le colonialisme et le néo colonialisme, les méfaits des appareils d’État, la corruption, le chauvinisme, etc. Et cette liberté est indispensable pour organiser le combat des salariés et de la jeunesse contre les exploiteurs et le capitalisme.
Cette liberté de critiquer y compris les religions est aussi, paradoxalement, une garantie pour la liberté de croyance. Il est significatif que le vendredi 9, après l’attaque organisée contre Charlie-hebdo, une attaque ait été menée contre une épicerie casher, tuant quatre clients : pour les agresseurs, s’attaquer à un symbole de la liberté de satire, puis à épicerie symbolisant une religion différente de la leur, relevait d’un seul combat contre ceux, athées ou croyants, qui ne pensaient pas comme eux.
Pour contenir et canaliser la mobilisation qui s’est engagée spontanément le mercredi 7, le gouvernement a aussitôt mis en place un dispositif d’union nationale. Non sans mal : il est significatif que dans diverses villes, comme à Lyon le 7 janvier, la tentative des notables de lancer la Marseillaise fut couverte par la foule qui se mit à scander : « Charlie ! Charlie, Charlie ! ».
Et le gouvernement a organisé « sa » manifestation à Paris le dimanche 11, à laquelle se sont ralliés les syndicats et la plupart des partis (PS, PCF, PG, etc). Et Valls a invité Sarkozy, les chefs de l’UMP, etc.
Cette manifestation, comme celles qui eurent lieu dans de nombreuses villes les 10 et 11 janvier, fut un véritable raz de marée. Cela ne signifie aucunement que les manifestants approuvaient cette opération d’union avec le gouvernement et les partis bourgeois. Encore moins qu’ils approuvaient la présence de dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement, tels ceux liberticides de Turquie, de Hongrie ou du Gabon, ou tel Netanyahou, responsable du massacre de milliers de Palestiniens à Gaza.
Aujourd’hui, des partis bourgeois, des Églises diverses, des conservateurs de tous poils s’indignent de ce massacre organisé contre la liberté d’expression. Mais en même temps, au nom de l’unité nationale, ils proposent de limiter la liberté d’expression. Certains demandent de nouvelles lois sécuritaires. D’autres revendiquent qu’on mette fin à la possibilité de critiquer les religions.
Le pape en particulier, qui va jusqu’à expliquer (le 15 janvier) : si quelqu’un « dit un gros mot sur ma mère, il doit s’attendre à recevoir un coup de poing ! C’est normal… On ne peut pas provoquer, on ne peut pas insulter la foi des autres, on ne peut pas se moquer de la foi ».
Comment s’étonner alors que, en Asie ou en Afrique, des gouvernements ou des forces politiques réactionnaires encouragent, par dignitaires religieux interposés, à manifester contre Charlie Hebdo ? Exacerber les passions religieuses, vouloir mettre les religions à l’abri de la critique, ce n’est qu’un moyen de détourner la colère de populations frappées par la misère. En Europe comme en Asie ou ailleurs, les organisations religieuses protègent le capitalisme et ses rapaces.
Toutes les libertés démocratiques sont menacées par les gouvernements et les forces qui défendent le capitalisme. Les immigrés sans papiers peuvent le mesurer chaque jour. Ceux qui, fuyant la Syrie ou d’autres dictatures, demandent l’asile politique en savent quelque chose. Et le projet d’un concordat, revendiqué par un responsable de l’UMP, donnerait des pouvoirs exorbitants aux religions : ce serait une autre attaque inacceptable contre les libertés démocratiques.
Les forces comme Daesh ou Al-Qaeda, en Syrie, au Yémen ou ailleurs, avec ceux qu’elles endoctrinent et embrigadent dans différents pays, tels les responsables du massacre à Charlie Hebdo, constituent une pointe avancée de la barbarie. Mais ces « barbares » des temps modernes ne tombent pas du ciel : ces groupes se sont développés dans des régions ravagées par les puissances impérialistes, comme ce fut le cas en Irak anéanti par deux guerres impérialistes ; comme c’est le cas au Proche-Orient ravagé par le colonialisme sioniste ; comme c’est le cas en Syrie où la dictature syrienne de Assad (père puis fils) a été protégée des décennies durant par les États-Unis, la France et la Russie. Aujourd’hui encore, la révolution démocratique syrienne est laissée sans défenses face à ses bourreaux, privée de tout réel armement, tandis que le mouvement ouvrier international ne lui montre quasi aucune solidarité. C’est dans ce contexte que se sont développés des groupes ultra réactionnaires, dont Daech protégé initialement par Bachar al-Assad, et d’autres financés par de riches mécènes des pays de la région. Et ces groupes sont eux aussi des farouches défenseurs du capitalisme.
Comment ne pas comprendre que ces groupes, jouant sur la xénophobie et la misère que subissent, en Europe, nombre d’enfants d’immigrés, puissent à leur tour embrigader quelques dizaines de paumés ? En usant pour cela de la religion comme d’une drogue ? Cela permet aux organisations xénophobes et fascisantes de lancer de nouvelles attaques contre les immigrés en procédant par amalgames.
Il n’en reste pas moins que le caractère spontané des rassemblements qui eurent lieu dès le 7 janvier, l’ampleur de la mobilisation pour protéger la liberté d’expression, sont un point d’appui contre les manœuvres visant limiter le droit à la critique, à renforcer les mesures policières, à soumettre la société aux exigences de l’Église catholique. Ce combat ne peut que se poursuivre.
Mais il ne peut pas être mené en réalisant l’ « union nationale », ni avec un gouvernement qui poursuit l’offensive contre les travailleurs, renforce les mesures visant la population immigrée, élabore de nouvelles lois liberticides, ni avec les Bayrou, Sarkozy, Le Pen…
Seule la mobilisation des travailleurs et de la jeunesse, avec leurs propres syndicats et partis unis, peut imposer la défense des libertés démocratiques. Et cette unité doit, sur cette question aussi, se réaliser sur un terrain de classe (indépendamment de l’État, du gouvernement et des partis de la bourgeoisie).